Adoption du mariage gay au Sénat : le PS et l'UMP s'écharpent sur les conditions de vote

Publié à 17h23, le 12 avril 2013 , Modifié à 17h25, le 12 avril 2013

Adoption du mariage gay au Sénat : le PS et l'UMP s'écharpent sur les conditions de vote
Jean-Claude Gaudin et François Rebsamen (montage Le Lab via Reuters et Maxppp)

Après l'adoption du projet de loi sur le mariage pour tous au Sénat ce 12 avril au matin, l'opposition dénonce un "passage en force" du gouvernement.

Deux évènements sont dans leur viseur : d'une part, la décision d'avancer au 17 avril l'examen en deuxième lecture du texte à l'Assemblée nationale, prévu initialement en mai.

Le principal orateur UMP contre le texte à l'Assemblée, Hervé Mariton, va jusqu'à parler d'un "coup d'état législatif" :

#mariagepourtous à l'Assemblée dès mercredi:le gouvernement accélère le débat et recourt aux ordonnances c'est un coup d'état législatif!

— Hervé Mariton (@HerveMariton) 12 avril 2013

Le député UMP Philippe Gosselin estime quant à lui que cela pourrait mener à la "guerre civile" et s'en explique ici au Lab.

#mariagegay . Le gouvernement fait un coup de force . Il n'a rien compris ?C'est la guerre civile qu il veut ? Et #Cahuzac et #Moscovici ?!

— Philippe GOSSELIN (@phgosselin) 12 avril 2013

Deuxième point de tension, la façon dont le vote s'est déroulé le matin-même au Sénat. Peu avant 11h30 ce 12 avril, Jean-Pierre Bel a en effet annoncé un scrutin à main levée et non un scrutin public.

Lors d'un scrutin à main levée, seuls les sénateurs présents dans l'hémicycle votent. Dans le journal officiel, la mention "adopté" ou "rejeté" apparait à côté de l'article concerné. Rien d'autre.

Lors d'un scrutin public, le choix de chacun est en revanche détaillé dans le compte-rendu ce qui permet une lecture politique aisée: combien de pour, de contre et d'abstention ? Qui a voté quoi ? Les sénateurs absents peuvent très facilement déléguer leur vote. Le résultat final est donc très représentatif des forces en présence.

Bref, en passant par la première option, le détail des votes ne devait pas être connu. Une situation aussitôt vivement dénoncée par l'opposition sur Twitter :

Quand on est Democrate et Républicain le vote à mains levées du #senat#mariagegay est une injure sans limite .

— Christine Boutin (@christineboutin) 12 avril 2013

Le #sénat privé de scrutin public! Lamentable. Déni de démocratie. #manifpourtous#UMP

— Bruno Retailleau (@BrunoRetailleau) 12 avril 2013

Le président du groupe UMP au Sénat, Jean-Claude Gaudin, a embrayé dans un communiqué , assurant que le vote s'est fait "dans la précipitation" pour cacher les "divergences" de la majorité sur le sujet :

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Jean-Claude Gaudin, déplore, au nom du groupe UMP, la mise au vote précipitée, à la surprise générale, du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe en ne tenant pas compte de l’organisation des travaux initialement prévue.

Visiblement, le Président du Sénat a voulu éviter de procéder par scrutin public afin de masquer les divisions de son camp.

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Côté groupe socialiste, la version est cependant nettement différente. François Rebsamen, le président du groupe, s'amuse qu'on puisse lui prêter une intention de "cacher des divergences" quand "seuls deux sénateurs d'Outre-mer sont opposés au texte".

Pour lui, l'UMP est seule responsable de l'absence de scrutin public. Il explique au Lab :

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Il n'y a pas eu de demande de scrutin public mais j'étais persuadé que l'UMP allait le faire. C'est en général l'opposition qui fait cette demande sur des votes emblématiques.

J'avais même préparé les cartons [de délégation de vote, ndlr] pour deux sénateurs qui allaient voter contre et quatre sénateurs qui allaient s'abstenir.

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Un autre membre du groupe socialiste, qui a assisté au déroulement du vote, raconte au Lab :

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C'est la vice-présidente du groupe UMP, Catherine Troendlé, qui était chargée de demander le scrutin public, elle a juste oublié! D'ailleurs plusieurs sénateurs sont venus lui taper sur les doigts après sa connerie.

Et puis Jean-Claude Guaudin a décidé de la couvrir avec ces histoires de "précipitations" ...

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Un vote à main levée qui, au final, n'aura pas grande incidence sur la transparence du vote. En fin de séance, et de façon très inhabituelle, chaque représentant de groupe a en effet demandé à ce que les noms des présents comme des absents soient intégrés dans le compte-rendu final.

"Les groupes vont fournir une liste des votes pour que cela apparaisse au Journal officiel", explique au Lab un habitué des procédures sénatoriales :

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A la différence d'un scrutin public, chaque groupe décidera à quel point il veut entrer dans les détails en ne mettant en avant, par exemple, que les votes qui suivent la consigne du parti.

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Les informations seront bien visibles mais les votes dissidents plus ou moins mis en valeur par les groupe politiques.

Par Delphine Legouté et Thibaut Pézerat

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