Pour notre éditorialiste, ces élections départementales marquent un changement profond de notre système politique.
#Naguère la bipolarisation
Aux élections présidentielles, législatives, municipales, régionales, cantonales, il y avait toujours un vainqueur et un vaincu. Parce que le jeu se déroulait fondamentalement à deux. Parce que la bipolarisation droite/gauche dominait tout. Parce que deux partis conduisaient chaque camp, l’UMP d’un côté, le PS de l’autre. Parce que le Front national, clairement sous les 20%, ne troublait guère ce quasi-bipartisme.
#Désormais, la tripartition
Les départementales de mars 2015 désignent clairement deux vainqueurs et un vaincu. Deux vainqueurs, à savoir le FN d’un côté, la droite de l’autre.
L’extrême droite obtient plus de 5 millions de voix au 1er tour, plus de 4 millions au second – alors qu’elle n’était plus présente que dans 61% des cantons. 25% des exprimés, record historique au premier tour. 22% au second, soit nettement plus là où le FN était présent. Dans ces cantons, des progrès très importants d’un tour à l’autre. Autant de succès.
L’alliance UMP-UDI obtient 66 départements, 25 gagnés. Nettement plus que la gauche naguère triomphante. Le bloc de droite a obtenu 36% des voix au 1er tour, 46% au second.
La gauche subit une déroute. 36% des voix au premier tour, 30% au second, toutes gauches confondues, et Dieu sait qu’elles sont divisées. Les départements de François Hollande, Manuel Valls, Martine Aubry, Laurent Fabius sont perdus. Des départements à gauche depuis quarante ans (Côtes d’Armor), depuis la Libération (Bouches-du-Rhône) passent à droite. Le PS obtient 16% des voix au second tour, le FN 22%, l’alliance UMP-UDI-Modem 28% (chiffres du ministère de l’Intérieur). Le parti au pouvoir en troisième, du jamais vu.
L’installation du Front national parmi les principales forces politiques pose problème à la gauche, à la droite, à la France. À la gauche, qui perd ses soutiens populaires. À la droite, profondément divisée sur l’attitude à adopter. À la France, en altérant son image, et en privilégiant des débats parfois nauséabonds et souvent peu pertinents. Cette implantation du FN indique aussi que la bipolarisation cède la place à une tripolarisation. Mais les institutions restent bipolaires, du fait de la présidentielle et du scrutin majoritaire aux législatives. Autant de dérèglements qui n’ont pas fini de produire leurs effets négatifs.
Retrouvez la chronique d'Olivier Duhamel du 30 mars sur les ondes d'Europe 1.