Loi prostitution : comment les clients ont échappé à la prison

Publié à 17h16, le 28 novembre 2013 , Modifié à 15h10, le 29 novembre 2013

Loi prostitution : comment les clients ont échappé à la prison
(Maxppp)

Vendredi 29 novembre doit débuter à l’Assemblée nationale l’examen de la proposition de loi relative à la prostitution. Le texte comporte quatre volets mais l’un d’eux cristallise toutes les tensions, celui sur la pénalisation du client. Une fois cette loi adoptée, les désormais “acheteurs d’actes sexuels” seront passibles d’une contravention de cinquième classe, soit 1500 euros maximum et 3000 euros en cas de récidive.

Certains, à droite comme à gauche, s’indignent de cette sanction, oubliant au passage que dans sa version originale, le texte des députés allait beaucoup, beaucoup plus loin. En cas de récidive, le client serait allé en prison. Et c’est à l’exécutif qu’ils doivent sa suppression.

Effrayés par le potentiel explosif de la pénalisation du client, François Hollande et Jean-Marc Ayrault poussent en effet depuis le départ pour que cette sanction, nécessaire pour garder l’esprit abolitionniste de la loi, soit la moins lourde possible.

 (Maud Olivier - Maxppp)

Le 17 septembre, lorsque la députée Maud Olivier présente son travail sur le sujet au groupe PS, elle écrit qu’une simple contravention “ne tient pas compte de la gravité de l’acte”, qu’elle est “peu dissuasive” et que les violences lourdes aux personnes, auxquelles elle associe le recours à la prostitution, ne sont pas si faiblement sanctionnées normalement. Elle comprend par ailleurs que punir de prison le client, mais aussi faire peser sur lui le risque d’une garde à vue, peut sembler “lourd”.

La députée propose donc un système mixte gradué : une contravention pour l’achat d’acte sexuel puis un délit, en cas de récidive, passible de six mois d’emprisonnement et 7500 euros d’amende.

Faire du recours à la prostitution un délit est alors jugé primordial pour marquer la gravité de l’acte. A l’inverse, la contravention est l’infraction la moins grave en droit pénal.

Cette idée de système mixte va pourtant totalement passer à la trappe. Le 1er octobre, le groupe PS accepte de porter la proposition de loi mais supprime la prison. Un mal nécessaire pour que sa loi soit votée, estime aujourd’hui, bon gré mal gré, Maud Olivier. Elle explique au Lab :

La prison fait toujours peur. Mais finalement peu importe la sanction : l’interdit sera posé par la loi, c’est le plus important. Les gens sauront que lorsqu’il y a transgression, il y a sanction.

La force de cette sanction est secondaire. (...)

Si on avait maintenu la prison, l’opposition aurait été trop forte. Moi je veux que ma loi soit votée.

Un raisonnement venu tout droit de l’Elysée et de Matignon, selon les informations du Lab, qui prônent depuis le départ l’équilibre du texte de loi et ne veulent surtout pas perdre la majorité en braquant des députés allergiques à la peine de prison. Bref, l'exécutif a souhaité faire primer l'efficacité sur le symbole, par peur de voir le texte rejeté.

(Jean-Marc Ayrault et Najat Vallaud-Belkacem - Maxppp)

Officiellement, c’est Najat Vallaud-Belkacem qui va prendre la responsabilité de cette suppression. Interrogée par le Lab sur ce sujet le 27 novembre, la ministre des Droits des femmes l’affirme : rayer la prison du texte, c’était son idée.

C’était ma demande, clairement.

Bien sûr on peut toujours vouloir frapper plus fort. (...) Comme c’est un changement de perspective que nous introduisons, qui est inédit, qui est original, c’est difficile d’imposer des sanctions très lourdes, jusqu’à la prison, d’un seul bloc comme ça. On cherche l’efficacité.

 
Mais les pro-pénalisation du client ne se contentent pas de cette réponse. Pour eux, le débat ne se résume pas à prison/pas prison. La suppression de ce “gros mot” du texte a surtout changé la nature de l’infraction, passant d’un délit à une simple contravention. Avec la conséquence que redoutait Maud Olivier dans son rapport d’information : une sanction moins conforme selon elle à la gravité du recours à la prostitution.

(Guy Geoffroy, Maud Olivier, Catherine Coutelle et Marie-George Buffet - Maxppp)

Vendredi 29 novembre, lors de l’examen de la proposition de loi, ce sera donc le dernier combat des pro-sanction, Maud Olivier mais aussi la socialiste Catherine Coutelle, présidente de la délégation droits des femmes à l’Assemblée ou encore l’UMP Guy Geoffroy, président de la commission spéciale sur la prostitution.

Ils espèrent, via un amendement, que l’achat d’acte sexuel redevienne un délit uniquement à la récidive mais simplement puni d’amende (3.750 euros maximum), plus de prison. Une solution “de synthèse" selon Guy Geoffroy, que ces députés pensent faire accepter au groupe PS.

Du rab sur le Lab

PlusPlus