Loi Travail : suffisamment nombreux pour déposer une motion de censure, les opposants de gauche préfèrent une tribune

Publié à 21h57, le 20 juillet 2016 , Modifié à 20h15, le 25 juillet 2016

Loi Travail : suffisamment nombreux pour déposer une motion de censure, les opposants de gauche préfèrent une tribune
L'hémicycle de l'Assemblée nationale © AFP

Rappelez-vous, le 11 mai dernier, après l'engagement par Manuel Valls du 49.3 sur la loi Travail. Christian Paul et Laurent Baumel, les deux députés frondeurs les plus en vue, couraient aux abords de l'Assemblée, à en perdre haleine. Au bout d'un suspense hitchockien, ils annonçaient avoir échoué à réunir les 58 voix nécessaires pour déposer une motion de censure "de gauche" contre le gouvernement, afin de faire barrage au projet de loi. A deux voix près...

Rappelez-vous, le 6 juillet dernier, après le deuxième 49.3 dégainé par le Premier ministre. Les frondeurs du PS, accompagnés de députés de la gauche de la gauche et d'écologistes, avaient de nouveau essayé de réunir les signatures nécessaires afin de déposer cette fameuse motion de censure de gauche. En vain . A... deux voix près, encore une fois. Un échec d'autant plus rageant pour eux que 4 députés signataires en mai avaient quitté le club des frondeurs. S'ils avaient maintenu leur position initiale, la motion de censure aurait pu être déposée. 

Eh bien, ce mercredi 20 juillet, ce nombre fatidique de 58 députés opposés à la loi Travail a été atteint. Mais pas déposer une motion de censure contre le gouvernement Valls, qui vient de recourir pour la troisième (et dernière fois) à l'article 49.3. Non, les frondeurs socialistes, communistes, écologistes ou divers gauche ont préféré publier une tribune, consultable sur lejdd.fr .

Dans celle-ci, ces 58 députés, parmi lesquels les ex-ministres Benoît Hamon ou Aurélie Filippetti, ou encore l'ex-présidente du groupe écologiste Cécile Duflot, affirment que "la bataille ne fait que commencer". Ils redisent leur opposition à une loi qui "réduit les protections" :

 

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Il ne faut pas lâcher, mais continuer à dire pourquoi ce fut le moment le plus insupportable de ce quinquennat pour qui ne se résigne pas à la dégradation des droits des salariés français et au déni de démocratie. Avec cette loi, le code du Travail sera plus complexe, et moins favorable aux salariés. Cette loi ne modernise pas, elle réduit les protections. Et derrière le motif légitime de favoriser la négociation sociale, en réalité elle fragilise les travailleurs et affaiblit la démocratie dans l’entreprise.

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Puis les députés reviennent sur les deux épisodes des motions de censure avortées. Il expliquent cette tentative comme une prise de "responsabilité" de leur part :

 

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Par deux fois, face au passage en force de l'exécutif sur ce texte fondamental, il a été tenté de déposer une motion de censure de gauche, démocrate et écologiste : il était de notre responsabilité de députés de la Nation de ne pas rester sans réaction face à cette situation. Nous le devions à celles et ceux qui pendant des mois se sont mobilisés par millions.

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François Hollande et Manuel Valls sont égratignés, tant en raison du contenu du texte que du recours à l'article 49.3 de la Constitution. Il leur est reproché d'avoir "divisé le pays" :

 

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La voie autoritaire, aura permis au Président de la République et au Gouvernement de faire fi de toutes les oppositions, pourtant majoritaires dans le pays, de toutes les mobilisations, qu'elles soient citoyennes, syndicales, parlementaires. Mais à quel prix ? Au nom de quel idéal, pour servir quel projet de société ? Avec quelles conséquences pour le pays ? [...] Le Président de la République et le gouvernement devront longtemps faire face à ces questions. 

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Les députés opposés à la loi Travail en ont donc gros sur la patate. Mais pas au point de déposer une motion de censure contre le gouvernement, ce qu'ils peuvent faire jusqu'à jeudi 21 juillet, à 16h30.

Parmi les signataires de la tribune, on retrouve par exemple les députés PS Yann Galut et Isabelle Bruneau qui ont refusé de s'associer à la démarche des frondeurs, le 6 juillet dernier. Yann Galut a alors expliqué vouloir régler la question de la ligne du PS à la primaire de la "Belle Alliance Populaire", les 22 et 29 janvier 2017. "S'il n'y avait pas eu les primaires, j'aurais à nouveau signé la motion de censure", a même déclaré le député du Cher sur LCP, le 6 juillet dernier.

Après le double échec de la motion de censure, certains avaient évoqué l'hypothèse d'un raté calculé, et ce afin de ne pas se faire exclure du PS. Le Premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis a lui toujours indiqué que le dépôt d'une motion de censure contre le gouvernement aurait pour conséquence l'exclusion du parti.

Le député frondeur Laurent Baumel, soutien d'Arnaud Montebourg, a lui affirmé , après la tentative manquée de juillet, que certains parlementaires ont subi des menaces aux investitures de la part du patron des députés PS, Bruno Le Roux. De quoi en effet inciter à remplacer une motion de censure par une tribune dans la presse.

[Edit le 25 juillet]

Nouveau record. Le projet de loi travail a été déféré ce lundi 25 juillet devant le Conseil constitutionnel par... 61 députés de gauche ( dont la liste est disponible ici ). Une preuve supplémentaire que dans la langue parlementaire, s'opposer ne signifie pas censurer. Dans leur lettre de saisine que l'AFP s'est procurée, les députés signataires critiquent la procédure employée par le gouvernement et le recours à l'article 49.3 de la Constitution.

"La loi a été construite dans des termes pas compatibles avec la Constitution [...] dans tous les groupes de la gauche et des écologistes, il y a une forte contestation de l'ensemble de la procédure", peut-on notamment lire dans cette missive paraphée par l'immense majorité des députés signataires de la tribune, auxquels sont venus s'ajouter quelques parlementaires socialistes, comme le député de Lyon Pierre-Alain Muet ou le suppléant de la secrétaire d'État à l'Économie numérique Axelle Lemaire, Christophe Prémat.

Ils invoquent notamment "diverses entorses à la procédure parlementaire" comme le fait que le Parlement "n'a pas disposé de délai raisonnable pour étudier le projet de loi", un droit d'amendement qui a été "essentiellement méconnu" ou encore le recours à trois reprises au 49-3 pour un "passage en force" du texte, ce qui a dévoyé, selon eux, l'"usage historique" de cet article de la Constitution.

Cette saisine n'a pas les mêmes motifs que celle de la droite, à laquelle les voix de gauche devaient initialement s'additionner. Vendredi 22 juillet, des élus LR et UDI ont en effet annoncé de leur côté avoir saisi les Sages, leurs griefs portant cette fois sur deux articles mineurs consacrés aux locaux syndicaux et au dialogue social dans les entreprises franchisées.

 

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