PAS TOP, LA PEDAGO - La ministre des Affaires sociales peine à expliquer le coût de la réforme des retraites, annoncée mercredi 6 juin, sur les fiches de paie.
Explication : les chiffres qu'elle brandit sont (plutôt) bons, mais elle mélange allègrement "points", "pourcentages", et use de gros raccourcis... brouillant les pistes de la vérification, tant que le décret n'est pas publié. Et offre un angle d'attaque pour la droite.
Des failles dans l'explication, exploitées par la droite
(à partir de 3"33', le player est calé sur la séquence)
[Valérie Pécresse] a expliqué que [le financement de la réforme des retraites] allait coûter plus de 200-230 euros pour un couple de personnes gagnant 3.000 euros.
0,1 % de 3.000 euros ca n’a jamais fait une telle somme. Ca représente évidemment beaucoup moins que cela.
La déclaration est de Marisol Touraine, sur Europe 1, ce jeudi 7 juin.
La ministre des Affaires sociales espérait ainsi contredire Valérie Pécresse sur le coût annuel de la réforme des retraites, pour les salariés.
La veille, l'ancienne ministre du budget expliquait, sur Europe 1 :
Il y aura des millions de personnes qui vont payer plusieurs centaines d'euros de cotisation retraite supplémentaires [par an].
Nous avons fait le calcul : pour un couple qui gagne 3.000 euros, ça fera 230 euros de cotisation retraite supplémentaire par an.
Alors ?
Si les chiffres brandits par la ministre sont (plutôt) bons, comme le raconte LeMonde.fr, elle mélange allègrement "points", "pourcentages", et use de gros raccourcis.
On reprend : d'une part, le raisonnement qu'elle propose à l'antenne d'Europe 1 est ultra-simplifié, d'autre part, elle mélange point et pourcentage ce qui brouille la compréhension.
Exemple, dans une interview au Parisien, ce jeudi 7 juin, où elle explique le financement de la mesure :
La mesure sera totalement financée par une hausse des cotisations des employeurs et des salariés, de 0,1 % en 2013 et seulement de 0,25 % en 2017.
Or, ce que prévoit le décret, comme le détaille le dossier de presse mis en ligne sur le site du ministère des Affaires sociales, c’est :
- Une augmentation de 0,1 point des cotisations sociales des salariés et de 0,1 point de cotisations sociales des employeurs en 2013.
- A l’horizon 2017, la hausse de cotisations sociales serait limitée à 0,25 point de cotisations salariés et 0,25 point de cotisations employeurs.
Il s'agit donc de points (de cotisation sociales), et en aucune manière de pourcentages (de salaire) !
L'équipe de Marisol Touraine précise au Lab :
Dans l'interview [du Parisien], la ministre prenait comme référence le salaire. Par rapport au salaire, l’augmentation est bien de 0,1 %.
Entre "point" et "pourcentage", la ministre peine à expliquer sa réforme. La droite détectera vite le flou et s'y est engouffré pour la moquer, à l'image de François Fillon sur Europe 1, juste après le passage de Marisol Touraine :
J'entendais ce matin Marisol Touraine qui expliquait sur votre antenne que c'était "0,1 %".
C'est pas 0,1% c'est 0,1 point d'augmentation des cotisations tous les ans.
Au final, quel résultat sur la fiche de paie ?
La rubrique Désintox de Libération tente de donner un bilan chiffrée, dans un article du 7 juin, et explique que :
Pour notre couple type gagnant, à deux, 3000 euros mensuels net, le coût de la hausse des cotisations retraites de 0,25 point devrait être de 115 euros par an à partir de la 5e année (2017).
Soit, 57,5 € par an et par personne en 2017, pour le couple type.
Un coût proche du calcul fait par Marisol Touraine, qui livre quelques chiffres dans l'article du Parisien, où elle l'évalue à 5 € par mois en 2017, soit 60 € par an :
Pour un salarié au smic, la hausse représentera 1,40 € par mois la première année et 3,40 € en 2017.
Pour un salaire de 1600 € net mensuel, cela fait 2 € par mois la première année et 5 € en 2017. Cela me paraît raisonnable.
Au Lab, on attend avec impatience la publication du décret relatif à cette mesure...
Bataille des chiffres : qui en parle ?
Sur le coût de cette réforme des retraites, la bataille des chiffres fait rage dans la classe politique.
Claude Goasguen, député de Paris, a affirmé ce jeudi 7 juin, sur RFI, un coût de 200 euros par an, sans détailler le calcul :
Pendant l’année, environ 200 €. On a calculé environ 200 euros. [...] Pas 2 € par mois. Ca dépend du salaire, mais c’est pas 2 € par mois.
François Fillon s'essaye aussi à la bataille des chiffre en raillant, sur Europe 1, quelques heures après le passage de Marisol Touraine, l'augmentation de "0.1 %" :
J'entendais ce matin Marisol Touraine qui expliquait sur votre antenne que c'était 0,1%. C'est pas 0,1% c'est 0,1 point d'augmentation des cotisations tous les ans ça fera 7 % d'augmentation des cotisations sociales sur la période des cinq ans.
Mais l'ancien premier ministre est en tort, d'après Désintoxqui explique que
Si François Fillon a raison de préciser qu'il s'agit d'une augmentation en point, et non en pourcentage [...] son affirmation selon laquelle les cotisations augmenteront de 7 % en cinq ans est fausse... puisque correspondant à une hausse de 0,5 point des cotisation
Plus prudent, Benoit Hamon, sur France Inter, a préféré ne pas avancer de chiffres, expliquant :
On a une réforme qui est financée et le plus important était de dire comment elle est financée. Et comment : à l’euro près.