Poutou, un produit fabriqué et marqueté made in LCR

Publié à 13h50, le 14 avril 2012 , Modifié à 14h19, le 14 avril 2012

Poutou, un produit fabriqué et marqueté made in LCR
Philippe Poutou à Paris, le 12 avril. (Maxppp)

Philippe Poutou, candidat du NPA est un objet politique non identifié qui fait particulièrement parler de lui depuis mercredi soir et sa participation à l'émission "Des paroles et des actes" sur France  2.

Maître du buzz ? Illusioniste ? Pour notre blogeur Romain Pigenel, membre de l'équipe de campagne de François Hollande, le successeur d'Olivier Besancenot est un produit fabriqué et marqueté made in LCR. Démonstration dans un billet en trois points.

  1. Remettons en place quelques vérités sur le camarade Poutou

    Ça y est, c'est officiellement décidé : il faut s'enthousiasmer pour Philippe Poutou. Il a été é-pa-tant lors de l'épisode de « Des Paroles Et Des Actes » organisé par France 2 pour confronter les candidats. Pendant l'émission, les réseaux sociaux se sont enflammés en sa faveur. La presse est dithyrambique : il a « crevé l'écran » (Raphaëlle Bacqué dans Le Monde), il a « fait le show » avec « des répliques qui font mouche » (Nabil Touati dans l'Obs), il a « affronté la classe dominante » (BRP emporté par son lyrisme).

    C'est formidable, quand même ! Regardez cette décontraction à l'antenne, ce naturel « désarmant », vous vous rendez compte, c'est un vrai ouvrier, certifié authentique, avec le tampon du NPA ! Bon, il nous ressort inchangé l'éternel programme LCR/NPA, mais quand même, quelle audace ! La politique ? Besancenot lui a dit : « tiens fais-le, tu vas te faire chier maintenant, c'est à ton tour ! » (rires). Au réveil ? « J'me dis toujours ah merde, j'suis candidat » (rires). Sa candidature donc ? « J'me fais chier depuis 8 mois » (rires). Qu'est-ce qu'on se marre ! C'est étrange, quand même : alors qu'on ne cesse, durant cette campagne, de se plaindre du mauvais niveau du débat politique, on applaudit bien fort (au sens propre, pour le public à la fin de DPDA) un candidat qui, sur le ton de la blague, explique que cette élection présidentielle est un pensum, un moment pénible et inutile, dont on se passerait bien s'il ne fallait pas y faire un petit tour pour porter les idées du NPA. Est-ce beaucoup mieux que les débordements de Morano sur Twitter ? Je n'en suis pas vraiment certain.

    Alors, remettons en place quelques vérités sur le camarade Poutou.

    Premièrement, qu'il s'agit d'un produit superbement fabriqué et marqueté comme la LCR sait en faire, Besancenot avant lui déjà. Authentoc jusqu'au bout des ongles. Toujours les mêmes éléments de langage (« on n'est pas des professionnels de la politique », « c'est pas notre obsession », comme si c'était une tare), toujours le même mediatraining très efficace, à en voir la décontraction de l'OuvrierTM sur le plateau de France 2.

    Deuxièmement, que ce n'est pas parce qu'on est un ouvrier que l'on doit arriver complètement débraillé sur un plateau de télévision, mal se tenir, « déconner » comme au bar du coin, et ponctuer son langage de grossièretés. Ce n'est pas une question de conformation à je ne sais quel ordre libéral ou bourgeois, mais simplement de respect du débat républicain et de l'élection présidentielle. Au fond, Poutou arrange tout le monde et surtout les prolophobes : il correspond parfaitement à ce qui est attendu d'un ouvrier, tel que ce dernier existe dans les représentations collectives, avec ce qu'elles ont de caricatural. Il ne transgresse rien. Un « ouvrier » habillé comme les autres candidats et qui se comporterait normalement serait beaucoup plus problématique pour le « système ». Poutou, au contraire, reste sagement à sa place, et joue sa partition à la note près.

    Troisièmement, et à la suite du point précédent, que Poutou est en fait un rouage parfaitement intégré dans le grand cirque médiatico-politique. Il est le clown de service, qui vient apporter la « respiration » nécessaire pour faire le buzz et booster l'audience. De même, il ne dérange aucunement ceux qu'il est censé combattre, les patrons et les financiers (avec ses copains, il les « séquestre ») : la forme et le fond de son propos, tout autant outranciers l'un que l'autre, assurent à la fois son succès médiatique et sa marginalité politique. Trublion annonciateur d'une révolution qui n'en finit pas d'arriver.

    N'en doutons pas, nous allons beaucoup entendre parler de Philippe Poutou dans cette fin de campagne. Il est le parfait instrument pour faire un peu d'ombre à un Jean-Luc Mélenchon autrement plus dérangeant. Il est le très utile Mister Niceguy à mettre en avant, par les médias, pour se faire pardonner le traitement habituellement réservé au petit peuple et se refaire une conscience.

    Pauvre mouvement trotskiste, en stade avancé de décomposition idéologique.

Du rab sur le Lab

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