Les annonces trappées du discours de Villepinte

Publié à 19h18, le 11 mars 2012 , Modifié à 20h09, le 11 mars 2012

Les annonces trappées du discours de Villepinte
Nicolas Sarkozy à Villepinte, dimanche 11 mars (photo Reuters)

"Seul le prononcé fait foi". Evidemment, la formule est connue : elle figure sur tous les discours d’hommes politiques, lorsqu’ils seront remis aux journalistes, ou diffusés de manière publique. Et, normalement, on ne s’attarde pas sur ces documents : les différences entre version écrite et version prononcée sont minimes, correspondent à des effets de style.

Ce dimanche 11 mars, à l'occasion de son discours de Villepinte, le président-candidat Nicolas Sarkozy a esquivé plusieurs annonces qui figuraient pourtant dans le texte du discours qu’il devait prononcer, dont certaines d’importance. Que Le Lab a relevées.

Et ce n’est pas la première fois que cela arrive.

  1. Généraliser, à l'échelle européenne, l'impôt "minimum" sur les grands groupes

    Sur u-m-p.org

    Les Etats-Unis veulent taxer les bénéfices réalisés à l’étranger par les entreprises américaines. Ils ont raison.

    Je souhaite que ce principe devienne un principe européen, et qu’il soit transposé dans le droit fiscal de chacun des pays de l’Union européenne ou au minimum de la zone Euro de façon à lutter contre l’évasion fiscale et les délocalisations.

    En attendant, la France soumettra ses grandes entreprises à un impôt minimum qui sera assis sur le chiffre d’affaires mondial.

    La généralisation, à l'échelle européenne, de la création d'un "impôt minimum", proposition jusqu'à présent formulée par Nicolas Sarkozy uniquement dans une version "française", figurait en toutes lettres dans la version du discours rédigée de Nicolas Sarkozy, distribuée aux journalistes pendant le discours, puis mise en circulation par l’UMP - au bas de la page 10, suite sur la page 11 :

    Elle a disparu.

    Ajustement de temps, pour contrer un chronomètre qui défile, ou simple erreur d'inattention du président-candidat ? Peut-être.

    En attendant, cette idée porte des implications lourdes, qui, elles aussi, peuvent peut-être expliquer ce revirement. 

    Derrière cette idée, en effet, on retrouve une nouvelle offensive du président candidat envers Bruxelles, et une proposition qu'il lui faudrait défendre becs et ongles devant ses partenaires européens.

    Dans un discours déjà fortement marqué par la proposition de nouvelles normes européennes, avec, notamment, la reformulation des accords de Schengen et l'introduction d'un "Buy European Act" - que le président a martelé être prêt à imposer "unilatéralement" - peut-être convenait-il également de ne pas donner l'impression de partir en guerre contre Bruxelles.

  2. Un petit rappel sur la TVA trappé

    Sur ump.org

    Je veux transférer les charges sociales sur la TVA, et faire contribuer les importations au financement de la protection sociale.

    Complexe en apparence, ce mécanisme, correspond mot pour mot à la proposition, formulée le 29 janvier, d’une hausse de la TVA – une réforme qui n’atteint jamais des sommets de popularité.

  3. "Que la victime puisse donner son avis sur la décision de sanction…"

    Sur u-m-p.org

    Je ne propose pas une justice de la vengeance : ce n’est pas la victime qui doit décider de la sanction.

    Voilà, normalement, ce que Nicolas Sarkozy aurait dû expliquer, en conclusion de son discours, dans un court paragraphe consacré au fonctionnement des institutions judiciaires, et revenant notamment sur l’idée de permettre à une victime de faire appel dans des procès d’assises, ou dans la remise en liberté conditionnelle d’un agresseur condamné.

    Oui mais voilà : tout en se basant exactement sur ces mesures, le président-candidat a affirmé … l’opposé, lors de son discours.

    Voici, en effet, ce qu'il a expliqué :

    Je ne veux pas d’une justice de la vengeance, mais je veux que la victime puisse donner son avis sur la sanction et la décision de libération.

  4. Un précédent : l’éducation, à Montpellier, le 28 février ...

    Sur u-m-p.org

    Et si cela devenait une habitude ? A Montpelier, le 28 février, Nicolas Sarkozy prononçait un discours dans lequel il dévoilait les éléments clefs de sa vision sur l’éducation.

    Les quelques lignes suivantes figuraient dans le texte de son discours :

    "C'est à la maternelle et dans le primaire que se livrent les premiers combats, les plus décisifs contre les inégalités. C'est là qu'il faut concentrer la lutte contre l'illettrisme avec l'objectif que pas un élève ne quitte le primaire sans maîtriser la lecture.

    C'est la raison pour laquelle la maternelle et le primaire, où les enseignants travaillent déjà plus longtemps que les autres, seront à l'avenir exonérés de la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite."

    Elles ont été trappées, comme le raconte France Info  – l’entourage de Nicolas Sarkozy assurant aussi rapidement qu’il ne s’agissait que d’un oubli.

    "Le service de presse du candidat a tenté de rattraper le coup en glissant la proposition aux journalistes après le meeting", racontait ainsi le Nouvel Observateur.

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