ETUDE DE CAS - C'est un petit échange qui se déroule à la toute fin de l'entretien accordé par Christian Jacob, le patron du groupe UMP à l'Assemblée nationale, à Yves Thréard, l’un des directeurs adjoints de la rédaction du Figaro, ce mercredi 14 mai, au cours de l’émission le Talk Orange Le Figaro. Il illustre parfaitement un cas médiatico-politique précis: la tentative appuyée de faire monter l’indignation autour d’une information un peu bancale et très, très orientée.
Ce mercredi, un peu avant 12h, Le Figaro, reprenant une information notamment développée par Presse Océan, mais qui avait également circulé dans les milieux catholiques tradis, s’est ému que "l’académie de Nantes demande aux garçons de se mettre en jupe vendredi pour lutter contre les discriminations" - et a même décidé que cela méritait d’être envoyé par une alerte "push" à ses lecteurs via smartphone.
Cette information, comme le raconte Libération, est largement exagérée, puisqu’il s’agit d’une initiative de lycéens, et non de l’académie, qui ne fait que la relayer dans un dossier de presse. Surtout, l’initiative ne consiste pas *vraiment* à demander aux lycéens de venir en jupe, mais vise plutôt à faire réfléchir sur les différentes formes de discriminations par l’organisation de débats. D’ailleurs, déjà organisée en 2013, elle a vu, en tout et pour tout, "peut être eu deux ou trois (garçons en) kilts", selon un porte-parole du rectorat cité par l’AFP.
Mais voilà : Yves Thréard a, face à lui, le patron de l’opposition parlementaire, et il a très envie que celui-ci montre une indignation forte, et contribue à faire du bruit autour du "scoop" du journal.
Voilà comment il s'y prend.
Ca commence par une question très ouverte, où les faits, déjà, sont un peu maltraités :
Dernière petite question, qui va faire beaucoup de bruit si elle est mise en oeuvre.
L'académie de Nantes, a décidé que vendredi, eh bien, elle invitait tous les garçons à venir en jupe à l'école.
Qu'est-ce que vous en pensez ?
Christian Jacob raconte avoir appris l’information "ce matin", l’attribuant manifestement au Figaro. "On est dans la caricature et le ridicule", explique-t-il.
La réponse, manifestement, ne plaît pas franchement à l’interviewer, qui relance, de manière *à peine* insistante :
Pas plus que ça ?
Vous n’êtes pas scandalisé ?
"C'est la caricature, c'est le ridicule, bon, voilà", répète Christian Jacob…
Yves Thréard tente alors une petite diversion : si Christian Jacob ne veut pas sortir de ses gonds sur ce cas précis, peut-être s’agacera-t-il en lui agitant les mots honnis de "théorie du genre".
L’intervieweur tente donc un :
C'est quoi, c'est la théorie du genre qui s'est ...
"C'est vraiment (...) n'importe quoi. Tout cela n'a pas de ...", débute Jacob, qui ne part pas dans la bonne direction aux yeux de son intervieweur.
Yves Thréard va alors tenter sa dernière cartouche : suggérer à Christian Jacob qu’une action auprès du ministre de l’Education nationale serait peut-être, sans doute, assurément bienvenue.
Ca donne ça :
Vous allez réagir ?
Vous allez écrire au ministre de l'Education nationale là-dessus ?
"Ah, je pense qu'il va y avoir une réaction, une mobilisation forte", répond Jacob, sans s'engager à porter cette réaction en son nom.
Le patron du groupe parlementaire embraye alors sur son refrain : "Moi je trouve ça, je vous dis, ridicule, caricatural, et qu'on attend vraiment du ministère de l'Education nationale, autre chose que ça (…). On demande autre chose que ça à une académie, à un recteur, et à un inspecteur d'académie".
Caramba, encore raté : le directeur adjoint de la rédaction du Figaro aura eu sa réaction, mais pas son indignation, ni promesse d’action.
Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement, interrogé sur le sujet mercredi lors du compte-rendu du conseil des ministres, a ironisé sur le caractère orienté de la polémique agitée par Le Figaro :
C'est Le Figaro qui dit ça ?
Il va falloir apprendre, à partir de maintenant, à éviter de poser des questions sur ce type d'information, je ne sais même pas si ça en est une.
Ne comptez pas sur moi pour rentrer dans ce type de débat.
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La vidéo est ici, à partir de 10’55 :