Réécriture de l'Histoire, bonjour. Invitée de RTL ce 13 janvier, Marion Maréchal-Le Pen a affirmé qu'au moment de la publication des caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo, les membres du Front national avait été "les seuls à les défendre" avant de nuancer, devant la surprise de son intervieweur : "en tout cas on n'était pas très nombreux". Voici sa déclaration :
"Au moment où Charlie Hebdo a sorti ses caricatures, nous avons été les seuls à les défendre alors que tout le monde criait à l'islamophobie, y compris à gauche ! En tout cas on n'était pas très nombreux, croyez-moi.
"
Une version *très* remaniée de la réalité puisque, si Marine Le Pen a bien défendu la liberté d'expression du journal satirique, elle n'était pas la seule.
L'histoire de Charlie Hebdo a été marquée par différentes caricatures du prophète mais l'une des plus polémiques remonte à septembre 2012 . Le journal satirique en fait sa une alors que les protestations contre un film anti-islam sont très vives dans le monde musulman. Certains responsables politiques l'accusent donc de jeter de l'huile sur le feu. A droite comme à gauche, et contrairement à ce qu'affirme Marion Maréchal-Le Pen, Charlie Hebdo trouve cependant des défenseurs.
François Fillon, par exemple, alors candidat à la présidence de l'UMP, se prononce "pour la liberté d'expression totale" :
"Ce qui est en train de se passer avec cette espèce d'intolérance qui monte dans une grande partie du monde et qui est instrumentalisée par des extrémistes (…), c'est une sorte de régression par rapport à l'état de la civilisation. (…) Je défends Charlie Hebdo, je défends la liberté d'expression et je pense qu'on ne doit pas céder un pouce de terrain dans ce domaine-là.
"
Alors ministre de l'Intérieur, Manuel Valls appelle chacun "à faire preuve de responsabilité" mais rappelle que la caricature est "un droit fondamental". Il refuse toute remise en cause du "droit d'expression, celui de l'information, de l'opinion, de la caricature dans le cadre évidemment de la loi".
Au ministère de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, parle de la liberté d'expression comme d'un principe "intangible" :
"Il faut qu'il y ait, dans une société démocratique, quelques personnes qui n'aient pas à se préoccuper des conséquences [de l'usage de la liberté d'expression]. On n'est pas obligé de le lire, de l'acheter.
"
Comme l'affirme sa nièce ce mardi, Marine Le Pen fait bien partie des défenseurs de Charlie Hebdo, tout en précisant que "par principe", elle "déplore tout ce qui peut heurter les croyances" :
"Par principe je déplore tout ce qui peut heurter les croyances, la foi, et c’est vrai que celle-ci peut être blessée par ce type de caricatures. Mais ce n’est pas à géométrie variable chez moi, c’est-à-dire que je trouve la même chose lorsque les caricatures touchent les catholiques, ce qui est assez traditionnel chez Charlie Hebdo. (...)
Au-delà de ça, nous avons des principes en France, nous avons des lois, nous avons des valeurs et la première d’entre elle c’est la liberté, la liberté d’expression dont découle la liberté de la presse. Ces principes-là ne sont pas négociables.
"
En revanche, et comme l'affirme excessivement Marion Maréchal-Le Pen, tous les politiques n'ont pas soutenu unanimement Charlie Hebdo. Il règne à l'époque de cette polémique un climat de désapprobation. A droite Rachida Dati craint par exemple que "ce coup marketing" ne "porte préjudice" aux Français :
"Il faut aussi peser les conséquences de cette publication. J'ai vu des Français en Egypte qui disent : "C'est facile pour vous, d'un trait de plume, de vous attaquer à des gens dangereux qui peuvent effectivement s'attaquer à nos vies."
"
Le NPA est particulièrement virulent et estime que le journal "participe à l'imbécilité réactionnaire du choc des civilisations". Chez Europe écologie-Les Verts, Daniel Cohn-Bendit affirme qu'il existe des limites à la provocation :
"Quand on est sur une poudrière, on a le droit de réfléchir trente secondes si on prend son allumette et on l'allume.
"
Le député PS Pouria Amirshahi pense quant à lui en septembre 2012 que "la décision provocatrice du journal offre une tribune à des groupuscules parfois violents, ennemis souvent déclarés de la démocratie". Il nuance cependant : "Charlie-Hebdo a choisi de publier de nouvelles caricatures de Mahomet. C’est son droit, non négociable. Charlie-Hebdo use de ce droit avec talent, le plus souvent avec raison, très souvent avec humour et rien ne saurait restreindre sa liberté. Mais cela n’interdit à personne de porter un jugement politique sur sa démarche".
On l'aura compris, ces caricatures de 2012 auront largement fait débat dans la classe politique. Mais le FN n'a aucunement été le seul avocat de la liberté d'expression.