Affaire Fillon-Jouyet : le troisième convive contredit la version de Jean-Pierre Jouyet

Publié à 19h02, le 11 novembre 2014 , Modifié à 19h55, le 11 novembre 2014

Affaire Fillon-Jouyet : le troisième convive contredit la version de Jean-Pierre Jouyet
François Fillon, Antoine Gosset-Grainville et Jean-Pierre Jouyet © MaxPPP - Reuters / Montage Le Lab

TROISIÈME HOMME - Il y avait jusqu'ici la version de Jean-Pierre Jouyet et celle de François Fillon. Voici celle du troisième convive de ce déjeuner très polémique, Antoine Gosset-Grainville. Et celui qui connaît bien les deux autres protagonistes de l'affaire (il a été directeur adjoint du cabinet de François Fillon à Matignon puis bras droit de Jean-Pierre Jouyet à la Caisse des dépôts) apporte un soutien sans équivoque à l'ancien Premier ministre, dans une interview au Figaro, mardi 11 novembre.

Antoine Gosset-Grainville explique d'abord que c'est le secrétaire général de l'Élysée, proche parmi les proches de François Hollande, qui a sollicité cette rencontre en juin dernier. Il n'explique toutefois pas les motivations de Jean-Pierre Jouyet. Il affirme surtout que "ce déjeuner n'a pas porté sur des questions de politique nationale, encore moins sur les affaires de l'UMP" :

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Sans que je puisse me souvenir mot à mot de la discussion d'un déjeuner qui s'est déroulé il y a cinq mois, je peux dire qu'aucun des propos tenus ne pouvait prêter à polémique. Compte tenu des fonctions de l'un et de l'autre, cela m'aurait frappé.



[...] À aucun moment François Fillon n'a sollicité la moindre intervention de la part de Jean-Pierre Jouyet sur un quelconque sujet politique. Je suis formel.

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Une version qui contredit donc totalement ce qu'a affirmé Jean-Pierre Jouyet à deux journalistes. Dans un enregistrement réalisé par ces derniers, le secrétaire général de l'Élysée explique que François Fillon lui a demandé de "taper vite" pour empêcher le retour de Nicolas Sarkozy. En clair : une demande de pression sur la justice de la part de l'exécutif. Ce que François Fillon dément fermement. Jean-Pierre Jouyet a quant à lui donné une version officielle nettement plus édulcorée.

Antoine Gosset-Grainville trouve également "infamant" que l'on ait pu prêter de telles intentions à François Fillon : 

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En tant que témoin de ce déjeuner, il était important que j'apporte mon éclairage sur la manière dont les choses se sont passées. Par ailleurs, je trouve infamant que l'on ait pu prêter à François Fillon des propos aussi éloignés de sa conception de l'engagement politique.

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Mais de quoi les trois hommes ont-ils bien pu parler, alors que cette rencontre avait lieu en plein scandale Bygmalion ? "Questions européennes", "situation économique et sociale du pays" et "désignation de Jacques Toubon comme Défenseur des droits", répond Antoine Gosset-Grainville.

La version de ce dernier vient donc appuyer celle de François Fillon, dans une affaire qui repose désormais essentiellement sur un affrontement parole(s) contre parole.

De son côté, l'ancien Premier ministre a décidé de contre-attaquer en justice. Son avocat a annoncé lundi qu'il allait demander en référé une copie intégrale de l'enregistrement de la conversation entre Jean-Pierre Jouyet et les deux journalistes du Monde, en prévision de la plainte en diffamation qu'il compte déposer contre ces derniers et leur journal.

[Edit 19h20]

Deux réactions politiques fortes ont immédiatement suivi la publication de l'interview d'Antoine Gosset-Grainville par Le Figaro. C'est d'abord Claude Guéant, ancien secrétaire général de l'Élysée et ministre de l'Intérieur de Nicolas Sarkozy, qui a demandé, sur BFMTV, que "la présidence de la République s'explique". "Il faut savoir maintenant", a-t-il ajouté, avant de s'interroger sur une éventuelle implication de François Hollande dans cette affaire :

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Est-ce que Jean-Pierre Jouyet a inventé cette histoire pour semer le trouble à droite, ou est-ce qu'il a participé d'une stratégie qui a été développée, conçue par l'Élysée ?

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De son côté Julien Dray, vice-président du conseil régional d'Ile-de-France, ne croit pas un mot de la version donnée par ce troisième homme. "Il est suspect parce qu'il arrive bien tard", a-t-il affirmé lui aussi sur BFMTV, ironisant sur la teneur de la discussion :

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- Julien Dray : D'après vous, quand François Fillon rencontre Jean-Pierre Jouyet, c'est pour parler des derniers films qui sont sortis, des pièces de théâtre qu'ils ont vues, de la vie qui court, des souvenirs d'anciens combattants qu'ils ont ? Franchement, qui peut croire que quand un ancien Premier ministre rencontre le secrétaire général de l'Élysée, on ne parle que de l'actualité culturelle ? 



- BFMTV : Européenne, dit Gosset-Grainville.



- Julien Dray : Bon, eh bien si on pense franchement qu'ils ont uniquement parlé des affaires européennes dans ce déjeuner, effectivement on peut croire au Père Noël. [...] De quoi on a parlé ? De la qualité du repas qui était servi, de la bouteille de vin s'il y en avait une ? Qui peut croire une seule seconde qu'on ne parle pas de la situation politique ? Qui peut croire cela ?

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Plus tôt dans la journée, Julien Dray avait estimé que le changement de version opéré par Jean-Pierre Jouyet (le démenti de son propre démenti) relevait simplement de la "courtoisie républicaine".

Du rab sur le Lab

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