Cannabis : Jean-Marie Le Guen veut "mettre fin à la politique de prohibition" et propose une "légalisation contrôlée"

Publié à 20h27, le 11 avril 2016 , Modifié à 21h15, le 11 avril 2016

Cannabis : Jean-Marie Le Guen veut "mettre fin à la politique de prohibition" et propose une "légalisation contrôlée"
Jean-Marie Le Guen © MARTIN BUREAU / AFP

ÉTONNANT, NON ? - Rassurez-vous, Jean-Marie Le Guen n'est pas devenu frondeur. Secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement, il est plutôt chargé de monter au contact de ceux qui, au PS mais aussi plus largement à gauche, enquiquinent le gouvernement ou contestent sa politique. Et pourtant.

Et pourtant, lundi 11 avril, il prend une position qui ne manquera pas de retenir l'attention de Manuel Valls. Souvenez-vous de cette phrase du Premier ministre au sujet de la légalisation ou de la dépénalisation du cannabis, en juillet 2015 : "On peut débattre, mais le débat est clos" . Clair et très symbolique du débat à la sauce Valls. Or, v'là t'y pas que le légitimiste Le Guen trouve que loin d'être "clos", le débat sur le cannabis doit être mené. Comme Vincent PeillonChristiane Taubira ou le très fidèle Bruno Le Roux en leur temps.

Sur BFMTV, le secrétaire d'État explique :

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Je pense que la prohibition du cannabis en France est en tout cas une mesure qui mérite d'être discutée.

 

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Évoquant "une crise de santé publique comme jamais" du fait de la vente et la consommation de cette drogue, il martèle :

 

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Mais la prohibition n'amène pas la diminution de la consommation. Notre pays est un de ceux qui consomment le plus dans la jeunesse.

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Comprendre : la politique actuelle en la matière, défendue mordicus par l'exécutif socialiste, est un échec. Plus fort encore, il poursuit :

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Je propose que le parti socialiste dise enfin la vérité, enfin, propose une vérité aux Français, c'est que l'interdit moral n'interdit rien du tout et créé beaucoup de dégâts dans la société française. Et que nous réfléchissions aux moyens, parce que c'est pas une mesure, c'est pas une loi en deux minutes qui pourra résoudre ça et en temps [voulu] je ferai des propositions, pour que nous mettions fin à cette politique de prohibition.



Nous voyons bien que dans nos banlieues, une contre-culture s'est installée, que nous avons en termes de santé puiblique des résultats qui sont très mauvais, il faut enfin le dire et réfléchir tout simplement aux meilleures politiques publiques

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Là aussi, c'est très clair... Et de proposer, quoiqu'en prenant des précautions, une "légalisation contrôlée" du cannabis : Moi je ne veux pas arriver avec des solutions toutes faites. Je dis que la situation actuelle ne marche pas, ne fonctionne pas. [...] On doit bouger. [...] Je pense qu'il faut aller peut-être vers des mécanismes de légalisation contrôlée." Jean-Marie Le Guen ajoute qu'il songe à des "levées d'interdiction très sélectives, d'abord pour les adultes, certainement pas pour les jeunes de moins de 21 ans" et qu'il faudra ensuite étudier les "circonstances tout à fait particulières" relatives à une assouplissement de "l'usage privé et certainement pas de l'usage public" tout en songeant à un "renforcement des sanctions".

Lui qui par ailleurs appelle à "des convergences républicaines" entre la droite et la gauche pour 2017, précise au passage qu'il prône une "approche sanitaire" et non "morale", affirmant avec force avoir les enjeux de la "santé publique" et de la "lutte contre les trafics" à coeur.

Manuel Valls expliquait pour sa part, en juillet : "On peut toujours débattre de ces questions mais le gouvernement ne prendra aucune initiative qui légalise, autorise, dépénalise l'usage du cannabis, qui reste un vrai problème de santé publique, de prévention bien évidemment. Mais la position du gouvernement, du président de la République, est très claire sur ce sujet-là depuis 2012 et vous connaissez mes positions, celles que j'ai déjà eu l'occasion de prendre, notamment quand j'étais ministre de l'Intérieur."

Le changement n'était donc pas en vue. Et si Jean-Marie Le Guen peut tenir ce discours à la télévision, après avoir évoqué le sujet lors du conseil national du PS le week-end précédent, cela signifie-t-il que les choses bougent ?

Le débat est quoi qu'il en soit très récurrent en France, y compris à gauche. En 2011, alors dans l'opposition, un groupe de réflexion PS avait mené des travaux à ce sujet. L'ancien ministre de l'Intérieur Daniel Vaillant avait commis un rapport sur le cannabis, préconisant sa légalisation contrôlée. Une proposition qui avait heurté même au sein du PS et dont le candidat Hollande s’était désolidarisé, avant d'être relancée en novembre 2014 par une députée PS dans un rapport parlementaire.

Au mois de juillet, c'est Christiane Taubira qui s'était emparée du sujet, dans une interview au magazine Society. Condamnant le "tabou" imposé par "la droite", elle expliquait : "Je pense qu’il n’est pas acceptable de ne pas réfléchir [à la légalisation]." Deux jours plus tard, Manuel Valls jouait la fermeté et proposait en quelque sorte de débattre sans vraiment débattre et tout en sachant que ce débat ne déboucherait sur rien.

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