CE et syndicat... du crime ?

Publié à 11h56, le 12 décembre 2011 , Modifié à 11h27, le 13 décembre 2011

CE et syndicat... du crime ?
Siège de la RATP (Maxppp)

Encore un CE dans la tourmente. La semaine dernière, Le Parisien a mis en lumière, rapport de la Cour des comptes à l'appui, les dysfonctionnements du comité d'entreprise de la RATP.

L'occasion pour notre blogueur Aurélien Véron de charger les pratiques "exotiques" des CE du secteur public. Des scandales qui font régulièrement les choux gras de la presse, mais qui, de son point de vue, sont insuffisamment pris en compte par la justice.

  1. CE et syndicats : haro sur l'omerta

    Chaque mois apporte son lot de révélations sur l'exotisme des pratiques syndicales dans les entreprises françaises. C’est tellement gros que même Dominique Voynet est verte après avoir découvert, ou fait mine de découvrir, les usages du comité d'entreprise de sa mairie. Oui, vous avez bien lu, chez elle. Mais comment osent-ils ? Cette approche critique est nouvelle.

    Quand nous étions peu nombreux à surfer sur les premières révélations autour des CE, il était de bon ton de dénoncer la bassesse de nos critiques, assimilées à de l'antisyndicalisme primaire. Aujourd’hui, c’est devenu très tendance. Cette multiplication des affaires croustillantes reste le privilège du secteur public, ou très emprunt de culture de service public. Peut-être les auteurs de ces pratiques pensaient-ils "sévices publics"... Je remarque que dans toutes ces histoires, le syndicalisme communiste a davantage le sens de la fête que les autres. Ce militantisme festif, c'est peut-être sa façon de lutter contre l’austérité.

    La Cour des Comptes dénonce régulièrement les "gaspillages et dysfonctionnements" des grands CE du secteur public, sans effet jusqu’ici sur les décideurs politiques... ou judiciaires. Tout s'enterre vite. Avec un art maîtrisé de la litote, cette noble institution évoque pourtant un système "pas du tout propice aux économies de gestion".

    L’un de ses derniers rapports vise le roi des CE, le plus riche de France, celui qui peut même se payer son propre comité d’entreprise : le CE d’EDF, qui vit grâce au fameux 1% du chiffre d’affaire, c'est-à-dire de la facture du consommateur (soit 8% de la masse salariale d’EDF). Mais son budget annuel de 470 millions d’euros (pour plus de 5.900 salariés) ne suffit pas. La CCAS est déficitaire : 32 millions d’euros en 2009, 70 millions en 2010. Il faut dire que c’est le client en or pour les prestataires : 22 millions d’études et des dizaines de millions d’euros dépensés au fil des années sans appel d’offre, souvent auprès d’officines proches du parti communiste.

    A la mairie de Montreuil, les faits mis en lumière par Voynet sont plus modestes. Il ne s’agit que d’un CE de mairie. Franchement, on les comprend, les 4 élus CGT qui s’octroient 153.024 euros de frais de voyage pour eux mais aussi pour leur famille. Je suppose qu’ils n’ont pas bien saisi la petite différence entre "servir" et "se servir", ça ne tient pas à grand chose après tout. Et puis le budget "aides sociales" pèse 0.7% de l’ensemble, contre 90% pour les frais de voyage et de loisirs.

    Franchement, les aides sociales, c'est moins drôle que partir aux Seychelles en famille. En plus, distribuer les aides sociales, ça ne sert ni le syndicat, ni le parti frère dont les fournisseurs amis (et militants) ont besoin d'argent et de ressources en main d'œuvre détachée. Comment financer les manifestations, la fête de l'huma et les autres événements citoyens et festifs sans ces ruisseaux discrets qui font de grandes rivières ?

    Sauf que les ruisseaux ressemblent souvent déjà à des fleuves. Prenons la RATP où on sait aussi s’amuser. Mettons de côté la plainte contre X déposée en juillet par un concurrent syndical pour "Proxénétisme, trafic d’influence, harcèlement sexuel et moral". La direction de la RATP semble avoir versé 70 millions d’euros en financements illicites à la CGT pour "fluidifier les relations sociales". La mairie de Paris aurait aussi employé depuis 9 ans des cadres de la CGT pour un budget proche de 11 millions. Chirac, à côté, c'est de la gnognote.

    Les dépenses somptuaires du CE de la RATP ne profitent pas aux salariés de l'entreprise. On ne peut pas tout avoir. La qualité n'est jamais au rendez-vous malgré les budgets faramineux de ces gabegies. Tout ce petit monde d'accords croisés et coûteux pour le contribuable et l'usager est en train de s'écrouler avec la fin du tabou qui protégeait les syndicats et leurs pratiques parfois douteuses.

    D'abord, la concurrence syndicale ouvre le champ des cafteurs. L'émergence de Sud Rail et de nouveaux acteurs a rompu l'omerta. Il faut partager cette manne divine. Désormais, les langues se délient lorsque des responsables exclus du jeu syndical veulent forcer leur entrée dans ce cercle très fermé. Et puis en plus, certaines entreprises au modèle économique fragilisé jouent leur survie.

    Le Monde, qu’on ne peut qualifier d’organe droitiste et anti-syndical, déplore de plus en plus ouvertement le coût économique et social de privilèges dont un syndicat, toujours le même, abuse à son détriment : "Cette situation est intolérable car c’est irresponsable. La décision de prendre nos publications en otage n’a été précédée ni de revendications professionnelles ni de demandes de négociation." Cette culture quasi mafieuse va devoir progressivement se plier à la loi. Enfin.

  2. Pour aller plus loin

    Sur leparisien.fr

    Après Air France et EDF, c’est  la RATP d’être sous les feux des projecteurs. Le 6 décembre, le Parisien révèle le rapport de la Cour des comptes mettant en lumière des fuites de fonds du CE de la RATP, géré par la CGT.

    En 2010, en pleine polémique autour du CE d’Air France, Xavier Bertrand lance un groupe de travail sur la transparence de la gestion des comptes des CE. Une enquête avortée pour cause "d’un agenda social chargé".

    Le 30 novembre 2011, le député du Loir-et-Cher (NC) Nicolas Perruchot, remet un rapport de la commission d’enquête sur le financement des organisations syndicales et patronales. Présenté à l’Assemblée, ce rapport a été rejeté et ne sera pas publié. Selon Nicolas Perruchot, interviewé dans le Parisienc’est la première fois que le rapport d’une commission d’enquête n’est pas publié… Problème : le député n’a pas le droit de le divulguer dans les trente prochaines années "sous peine de poursuites pénales".

    EXTRAIT

    En France, il ne faut pas parler de l’argent des syndicats, semble-t-il.

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