Documents : les recommandations web très cher payées et désespérément creuses fournies par Bygmalion aux Balkany

Publié à 09h42, le 24 juin 2014 , Modifié à 11h06, le 24 juin 2014

Documents : les recommandations web très cher payées et désespérément creuses fournies par Bygmalion aux Balkany
Isabelle et Patrick Balkany lors du Conseil municipal de Levallois (Maxppp)

DOCUMENT - Un marché d'un peu moins de 200.000 euros pour deux ans, et des livrables qui donnent l'impression d'avoir été rédigés par un stagiaire de troisième. Pendant deux années, depuis la fin de l’année 2011, l'agence de conseil en communication Bygmalion, au coeur de l'affaire du même nom , a accompagné la ville de Levallois-Perret dans sa stratégie de communication, et lui a envoyé, selon les documents que publie le Lab ce mardi 24 juin, des recommandations stratégiques qui semblent tout droit sortie d’un (mauvais) travail étudiant.

 

Le marché, attribué en décembre 2011 à l’agence de Bastien Millot, prévoit un accompagnement stratégique de la ville de Levallois par l'agence Bygmalion, et permet à la commune de commander des prestations aux consultants de l'agence suivant ses besoins. Selon les documents consultés par le Lab, la facture moyenne était de 10.000 euros par mois.

 

Cette prestation a été largement évoquée lundi 23 juin, à l’occasion du conseil municipal de Levallois-Perret, par l'opposante socialiste aux Balkany, Anne-Eugénie Faure.


Le Lab vous refait le film.


> Le livrable de stagiaire et à la gloire de l'UMP


Voici un exemple du travail réalisé par Bygmalion pour la ville des Balkany. Ce livrable, que s'est procuré le Lab, est désespérément vide. Présenté comme un "tutoriel", il répond à des questions aussi évidentes que "Pourquoi communiquer sur le web ?", "Qui sont les internautes ?", ou "Comment communiquer sur le web ?". Et les réponses sont... édifiantes de simplicité pour un tel marché.


Ainsi, Bygmalion recommande à la ville de Levallois-Perret de se créer des alertes Google, de "relayer des contenus positifs" sur Facebook et Twitter, ou des "contenus positifs originaux". Autre "tips" de Bygmalion, à la pointe en terme de communication numérique: "signaler des articles à votre entourage afin qu'ils les commentent"....


Ensuite, on rentre dans le dur. Bygmalion préconise à la ville de Levallois d'être présent sur Facebook, "le réseau social n°1" (vous connaissez ?), de créer un compte Twitter (avec un petit lexique de toute beauté vous expliquant ce qu'est un hashtag, par exemple), et sur Youtube, "première usine de vidéos au monde", ainsi que Dailymotion. 


Bygmalion déroule ainsi sur une soixantaine de pages son programme numérique pour la ville. Un livrable imprécis et terriblement général qui aurait pu être envoyé à n'importe quelle autre collectivité locale... de droite. La précision est importante car le long des pages ne sont présentés que des éléments web du parti des Balkany : la page Facebook de l'UMP, un tweet de Benjamin Lancar, ex-président des Jeunes UMP, les blogs d'Alain Juppé et de NKM, les photos Google de Nicolas Sarkozy... 


Voyez plutôt :




Un livrable produit dans la foulée de la victoire de Bygmalion sur ses concurrents, dans le cadre d'un MAPA (Marché à Procédure Adapté), l'équivalent d'un appel d'offres, mais en moins cher. Le Lab s'est également procuré le document qu'avait dégainé Bygmalion à l'époque de la compétition. Et, là aussi, c'est désespérément général et inadapté à la ville de Levallois. 


> Quand Bygmalion vend ses charmes à Levallois


Bygmalion, lorsqu'il s'agissait de remporter le marché de la ville de Levallois, ne s'est pas embarrassé à adapter sa "stratégie web" à son client potentiel. De Levallois, il n'est question qu'à quelques reprises, dans des termes plus que généraux. Ainsi l'on apprend que Levallois est "engagée depuis plusieurs années dans une démarche de développement durable" ou que Bygmalion sera au top pour accompagner la stratégie com' de la ville, notamment en matière de "méthodologie" :



"Rigueur", "dialogue permanent", "force de proposition": aucune proposition concrète n'est avancée dans ce document, pourtant censé tout faire séduire la collectivité de sa pertinence... 


Voyez le dossier de candidature complet de Bygmalion :




> Bygmalion obtient 20/20 partout... sauf pour son prix


Ce document très général a pourtant été a-do-ré par le service de communication de Levallois Perret, sur lequel Isabelle Balkany, adjointe à la communication, avait la mainmise.


Le service communication de la ville s'extasie même sur les deux premières pages introductives et générales rédigées par l'agence :


"

Le candidat analyse en préambule avec beaucoup de justesse le contexte économique et juridique dans lequel l'action des collectivités locales se déploie, témoignant d'une très bonne connaissance de ces dernières.

"

C'est bien simple: selon les notes données à la proposition, que le Lab a pu consulter, Bygmalion obtient la note maximale sur tous les plans (que ce soit sur 10 ou sur 20 points), à l'exception des sections "développement durable" et... "prix".


Voici un "best-of" de ce bulletin de notes :

Bref, une proposition parfaite, à une exception près: le prix.


En effet, Bygmalion était le prestataire le plus cher de la liste avec 1315 euros TTC par jour pour un consultant senior.


Le Lab a également contacté les concurrents de Bygmalion dans ce marché. A l'époque, certains s'étonnent de l'absence de règlement de consultation (RC), de Cahier des clauses administratives particulières (CCAP), et de Cahier des Clauses techniques particulières (CCTP). La mairie de Levallois renvoie à un article du MAPA (marché à procédure adaptée) pour botter en touche et justifier l'absence de ces documents, pourtant nécessaires dans une telle démarche. De mémoire d'un des concurrents de Bygmalion, c'était un "dossier plutôt très très light" qu'a présenté la mairie de Levallois-Perret à ses prestataires potentiels.


> Un coup de main pour la campagne ?


Des connaisseurs du dossier joints par le Lab soupçonnent également Patrick Balkany d'avoir très largement payé Bygmalion pour des prestations très légères lors de sa mandature, en échange d'un coup de pouce non facturé lors des campagnes législatives de 2012 et municipale de 2014 :


"

Certaines collectivités locales ont commandé beaucoup auprès de Bygmalion pour qu'ils interviennent ensuite sur leur campagne. A mon avis ils se sont fait une ligne de trésorerie. On vous paye sur des prestations bidons, et on vous aide derrière à faire campagne...

"

Selon les informations du Lab, Bygmalion a épaulé Patrick Balkany dans ces deux campagnes. 

Du rab sur le Lab

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