Publié à 15h15, le 17 octobre 2013 , Modifié à 15h58, le 17 octobre 2013

Les gentils et les méchants dans le monde de Pierre Moscovici

"Pierre Moscovici fend l'armure", "retour sur sa première année en tant que ministre". Voilà ce qu'on peut lire sur Combats, le dernier ouvrage du ministre de l'Economie paru ce mercredi 16 octobre. 

Mais dans son livre, Pierre Moscovici parle aussi beaucoup des autres. Ses collègues du gouvernement, ses adversaires politiques, ses partenaires européens. Qui sont ses amis ? Ses adversaires ?

Le Lab récapitule ce que dit le locataire de Bercy des acteurs de la vie politique. 

 

>>> JE LES AIME BIEN 

> François Hollande, le patron (que je connais bien) : 

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Nous nous connaissons depuis longtemps, près de trente ans puisque nous nous sommes rencontrés en 1984 à la Cour des comptes. 

François Hollande n'a pas beaucoup changé : les ans ont passé, l'expérience politique acquise est considérable, et il a acquis la gravité d'un chef d'Etat en période de crise. Mais il conserve le même regard curieux et vif, l'oeil rarement sévère, plutôt rieur, le sourire toujours prêt à accompagner ou à apprécier un bon mot. Il écoute, beaucoup, et vous regarde sans qu'on sache vraiment ce qu'il pense. Mais il sait tout, il voit tout, et sa réflexion politique, nourrie pas un travail de tous les instants, est toujours aiguë. 

Il a aussi une grande force d'empathie qui a marqué pendant la campagne. (...)

Il est désormais président de la République française, et je suis son ministre. Nous restons proches, politiquement et amicalement, mais cela exclut désormais la familiarité, du moins dans le travail de redressement du pays que nous conduisons ensemble. 

 (...)

François Hollande a proposé une autre manière de faire de la politique en France, en assumant une vision présidentielle qui veut faire travailler les Français ensemble plutôt que jouer de leurs divisions. 

> Jean-Marc Ayrault, le fidèle : 

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Elu expérimenté, rompu à la pratique du rassemblement de ma famille socialiste, réformiste conséquent et rigoureux, ce Premier ministre d'une loyauté absolue envers le président qui l'a nommé, est un homme solide, courageux, dont l'ambition première est de mettre en oeuvre les choix décidés pendant la campagne présidentielle. 

> Rémy Rioux, son directeur de cabinet, l'homme de confiance : 

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Haut fonctionnaire humain, cultivé, patient. Il faut l'être pour animer l'équipe qui m'entoure en tandem avec Alexis Kohler.

> Pierre-René Lemas, secrétaire général de l'Elysée, et Christophe Chantepy, directeur de cabinet de Jean-Marc Ayrault, les hommes de l'ombre : 

Deux hommes d'engagement et d'expérience, mécaniciens silencieux et indispensables de la bonne marche de l'exécutif. 

> Emmanuel Macron, secrétaire général adjoint de la présidence de la République, l'étoile montante : 

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... dont le talent, l'inventivité et l'humanité vont bien au-delà de ses compétences d'inspecteur des Finances. 

Un jeune secrétaire général adjoint qui ira loin.

> Vincent Peillon, la conviction :   

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Il a engagé avec force et conviction dans la lignée des grands républicains qui l'inspirent, la refondation de notre école.

> François Baroin, le mec bien : 

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Lors de la passation de pouvoir : 

Sourires, en l'occurrence sincères. Nous nous connaissons depuis longtemps et nous nous apprécions personnellement au delà des engagements politiques. Je le sens triste de quitter des fonctions qu'il a beaucoup voulues (...). Mais je sais - et il me le dit - qu'à tout prendre, je suis le successeur qui le peine le moins.

De mon côté, j'ai de la sympathie pour l'homme et du respect pour la solidité de ses convictions républicaines aux antipodes de la campagne de Nicolas Sarkozy. 

Pendant l'affaire Cahuzac : 

J'apprécie l'attitude de François Baroin, qui reste silencieux mais me fait comprendre son refus de ce type de comportement.

> Wolfgang Schäuble, ministre de l'Economie allemand, le bon partenaire  : 

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Homme de sagesse et d'expérience. (...)

Avec le temps, un respect, une amitié même, se crééera entre nous. J'apprendrai à connaître ses coups d'éclat mais aussi à apprécier son honnêteté, sa franchise, ses convictions. Ce qui n'exclut pas une pointe d'humour à l'occasion.

> Tim Geithner, ancien secrétaire d'Etat au Trésor américain, le bon contact : 

Je travaille bien avec mon homologue, le subtil et entreprenant Tim Geithner, le secrétaire d'Etat américain au Trésor, nous nous appelons souvent, nous nous voyons à plusieurs reprises.

>>> MOUAIS 

> Arnaud Montebourg, je fais avec :

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Sur l'arrivée à Bercy :

Il a d'ailleurs fallu quelques minutes pour qu'Arnaud Montebourg accepte de gagner le troisième bureau historique, dans lequel Michel Charasse a tenu à garder les meubles hérités de l'époque où le ministère s'appelait "Rivoli", et occupait une aile du Louvre.

(...)

Arnaud Montebourg et moi, j'aurai peine à le nier, n'avons ni la même sensibilité, ni le même tempérament, ni la même vision du monde et de l'Europe. Mais nous ne faisons pas non plus le même travail (...) chacun d'entre nous respecte les compétences de l'autre. Et il n'y a entre nous aucune mésentente personnelle, mais bien au contraire des moments d'humour partagés.

Sur la primaire socialiste et les positions défendues par Arnaud Montebourg à l'époque : 

L'interventionnisme d'Arnaud Montebourg, qui a trouvé avec la démondialisation une thèse que je ne partage pas, mais qui répond effectivement aux aspirations d'une partie de notre électorat.

Jean-Louis Borloo, l'affilié à l'UMP : 

L'UDI ne parvient pas -et apparement ne cherche pas vraiment- à être autre chose qu'une simple "franchise" de l'UMP. 

> José-Manuel Barroso, président de la commission européenne, le controversé :

Il est un personnage controversé, qui fut l'objet de critiques parfois excessives, lorsqu'il est nominalement désigné comme "le carburant du Front national", et souvent justifiés, par exemple lorsqu'il assimile un "souverainisme de gauche français" aux idées de l'extrême droite, ou lorsqu'il décrit l'exception culturelle comme "réactionnaire."

>>> JE NE LES SUPPORTE PAS 

> Nicolas Sarkozy, le faux retraité : 

Après sa fausse retraite, l'ex-président a effectué un faux retour, lorsque le conseil constitutionnel a justement annulé ses comptes de la campagne présidentielle 2012. En vérité, il n'est jamais parti, et chacun voit qu'il prépare, avec méthode mais aussi avec impatience, sa revanche. Il feint la sérénité et la hauteur de vue, en vérité il bout, il piaffe, il accable ses rivaux de son mépris. Il est leur maître et leur cauchemar, car ils savent qu'au delà des rangs des sympathisants de l'UMP, il n'y a aucune "sarko-nostalgie : on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve.

(...)

Nicolas Sarkozy n'est pas un épiphénomène, un surgissement historique passager : il est le point d'aboutissement de la trajectoire d'une certaine droite française. Autrement dit, il est, d'abord et avant tout, un symptome, la forme la plus avancée des traditions orléaniste - la droite libérale - et bonapartiste - le culte du chef et de son autorité".

(...)

L'autoritarisme individuel et la pratique personnelle du pouvoir sont les symptômes de cet héritage.

Nicolas Sarkozy n'était en rien l'homme nouveau qu'il prétendait être. Il était simplement le représentant d'une droite bon teint, radicalement conservatrice dans ses choix sociaux. (...) A part une certaine brusquerie, et même une grande brutalité dans la pratique du pouvoir et une forte perméabilité aux techniques de communication politique moderne, où était la rupture dans les valeurs ? 

> Jean-Luc Mélenchon, l'adversaire de gauche, "caricaturiste en chef" : 

Quand le dirigeant du Parti de gauche considère que Pierre Moscovici parle la langue de la "finance internationale :

Un écart volontaire ? Hélas, non. Jean-Luc Mélenchon et ses amis ont l'imprécation clinique et stratégique, ils pèsent leurs mots, ils savent ce qu'ils font. Ce sont des responsables politiques expérimentés, jusqu'à preuve du contraire, à défaut d'être responsables. 

Ai-je cru que cette insulte était antisémite ? Non, pas une seconde.

Je sais que le vocabulaire a été bien pesé, histoire, sans le dire, de faire résonner des mots précis qui ravivent un certain imaginaire collectif. 

(...)

Il a mis son talent indéniable au service d'une thèse simple et même simpliste : le gouvernement de Jean-Marc Ayrault serait une droite déguisée, à peine fardée.

Il faut avant tout se rappeler, et rappeler à Jean-Luc Mélenchon, qui apprécie les références historiques jusqu'à l'indigestion, une donnée fondamentale. La stratégie "classe contre classe" en France, qui nous ramène au début du siècle précédent, a toujours eu une conséquence : rendre strictement impossible toute victoire de la gauche aux élections, et partant, interdire aux Français les progrès sociaux. 

(...)

Jean-Luc Mélenchon a choisi la surenchère ou le laisser-dire, par exemple lorsqu'il me reproche, via son porte-parole François Delapierre, d'être l'un des "17 salopards" qui ont "coulé" Chypre, ou lorsqu'il m'accuse lui même de ne plus "penser français" mais "finance internationale". Cette rhétorique ambigüe vise peut-être, comme l'a dit avec candeur Martine Billard, à ne pas laisser le Front national seul à parler haut et fort. Elle ne peut avoir qu'un effet, faire du Parti socialiste l'ennemi principal, et in fine faire le lit de la défaite, avec d'autres thèses populistes.

> Marine Le Pen, le danger : 

Ses propositions pour la croissance, le budget, l'emploi, l'Europe sont fantomatiques. Ayons cependant la lucidité de reconnaître qu'elles séduisent.

(...)

Marine Le Pen a déjà remporté une victoire politique majeure : avoir déguisé le Front national en parti de gouvernement ? 

Elle joue d'ailleurs exactement de la même manière qu'en 1934, le jeu de la radicalisation du débat public qui ne peut que lui profiter.

> The Economist, les french-basheurs : 

Ils ont fait du french bashing leur fond de commerce. Nous serions par définition archaïques, dépensiers, cocardiers, bref, passéistes et dépassés. Ceux là qui critiquent "nos dénis"à longueur de colonnes, qui nous caricaturent à l'envi, peuvent parfois toucher juste, mais ils n'ont jamais compris ce qu'était la France, ni ce que sont les Français.

> Jean-François Copé, vrai-faux président de la l'UMP : 

Que retenir de l'opposition depuis un an ? Un bel empaillage, une magistrale tricherie à l'occasion de l'élection, probablement volée, du vrai-faux président de l'UMP Jean-François Copé, au détriment du candidat faussement déterminé à la présidentielle de 2017, François Fillon.

(...)

Ceux qui feignent de se ranger derrière Nicolas Sarkozy pour servir leur propre ambition et bâtir l'appareil de l'UMP, à l'image de Jean-François Copé.

(...)

Qui n'a pas forcément aujourd'hui les moyens de satisfaire sa voracité, celle d'une génération plus jeune mais impatiente et peu respectueuse de ses aînés qui l'ont conduite à l'échec. 

Bruno Le Maire, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez, Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin, Xavier Bertrand, François Baroin, l'avenir décevant de l'UMP : 

Les espoirs de la droite, qui auraient dû en bonne logique lui dessiner une nouvelle voie, restent très ambigus et n'hésitent pas à durcir à l'excès leur discours (...) adepte inavoué du "buissonisme", et dont les amis politiques connaissent désormais le comportement "Iznogoud", cèdent plus facilement à la surenchère qu'ils ne contribuent au renouveau d'une pensée modérée, qui ne trouve guère de défenseurs, ce n'est Alain Juppé ou Jean-Pierre Raffarin, témoins un peu désolés, mais peu audibles de cette dérive de la droite républicaine, pendant que François Baroin jette un regard désabusé sur le déclin du chiraquisme et que Xavier Bertrand tente de faire entendre une voix plus sociale, sans y parvenir, faute de cohérence suffisante.

> Valérie Pécresse, la déception : 

Sur l'affaire Cahuzac : 

Je suis désagréablement surpris par l'attitude de Valérie Pécresse, que j'estimais et qui, sans doute pour se donner un rôle, adopte une posture agressive, alors qu'elle est mieux placée que quiconque, en tant qu'ancienne ministre du Budget, pour savoir que mon admistration a fait son devoir avec les moyens d'investigation dont elle disposait.

> Charles de Courson, député UDI, président de la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Cahuzac, l'opportuniste : 

Quelle déception de la part d'un homme que je connais depuis longtemps, membre comme moi de la Cour des comptes, petit-fils de Léonel de Moustier, un héros de la Résistance qui a marqué l'histoire de mon département d'élection, le Doubs. (...) Il a cédé aux pires dérives, aux facilités de la médiatisation ; il a cherché à se faire un nom en me prenant pour cible et en attaquant à travers moi le président de la République.

>>> ET AUSSI 

C'est au sujet de l'affaire Cahuzac que le locataire de Bercy parle le plus de lui. "Un cauchemar d'une folle brutalité, le cauchemar de ma vie politique", témoigne-t-il, expliquant que cet épisode l'a changé. 

Et sur Jérôme Cahuzac, Pierre Moscovici dit peu de choses. S'il est prolixe sur d'autres personnages du monde politique actuel, il se contente d'écrire que "l'affaire Cahuzac est la faute d'un homme". Préférant garder son impression sur l''homme pour lui : 

Je ne veux pas mettre de mots sur ce que j'ai ressenti à ce moment. Ils m'appartiennent, et je ne ressens pas le besoin de partager cette expérience-là.

Toutes les images : Maxppp.