Publié à 15h47, le 02 octobre 2012 , Modifié à 16h04, le 02 octobre 2012

"Neuf Français sur dix", cet élément de langage bien encombrant pour le gouvernement

C’est l’histoire d’un élément de langage devenu un chewing-gum sous la semelle du gouvernement : neuf français sur dix ne seront pas touchés par les nouvelles hausses d’impôts et de taxes prévues dans le budget 2013.
Lancé par Jean-Marc Ayrault et répété en chœur par ses ministres, le calcul s’est pourtant rapidement avéré assez grossier. Ce 2 octobre sur RTL, Jérôme Cahuzac a donc dû s’en expliquer.

  1. Neuf Français sur dix ... ou presque

    Sur Libération

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    Le choix fiscal que nous faisons est juste. Je le dis ce soir, à revenus constants, neuf contribuables français sur dix ne seront pas concernés par les augmentations de fiscalité.

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    Le 23 septembre dans "Des paroles et des actes", Jean-Marc Ayrault lance le premier la formule : neuf français sur dix ne seront pas touchés par les nouvelles hausses d’impôts et de taxes prévues dans le budget 2013.

    Un message repris en chœur dès le lendemain. Comme le souligne la rubrique Désintox de Libération, Pierre Moscovici va plus loin en affirmant que "neuf Français sur dix verront leur impôt soit baisser, soit rester stable".

    90% des contribuables épargnés, voire même favorisés par la loi de finance à venir … L’annonce est un peu trop belle pour être vraie. Elle va donc être vite déminée par les journalistes.

    > On résume : pour parvenir à "neuf Français sur dix",

    1) Jean-Marc Ayrault ne parle que des impôts compris dans la loi de finances (et non dans la loi de financement de la sécurité sociale votée dans la foulée). Il exclut ainsi l’impact de l’augmentation du prix du tabac et de la bière.

    2) Il ne prend pas en compte les mesures décidées en 2012 et ayant un impact en 2013, et ce même si le candidat Hollande avait promis de les supprimer. Un exemple illustre bien cet "oubli": le gel du barème de l’impôt sur le revenu. François Hollande avait assuré qu’il reviendrait sur cette ponction fiscale "la plus injuste " instaurée par le gouvernement Fillon. Ce n'est pas le cas. Résultat, plus de sept foyers fiscaux sur dix impactés. [Pour le comprendre, lire l’article de Désintox à ce sujet]

    > C’est donc par ce type de sélection que le gouvernement obtient son élément de langage … qui lui revient comme un boomerang. Invité de RTL ce 3 octobre, Jérôme Cahuzac  a dû en répondre. Objectif : dire la vérité tout en ne sabotant pas le mode de communication du gouvernement. Ce qui donne :

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    Le projet de loi de finance (PLF) concerne moins d’un français sur dix. En revanche, il est vrai que le projet de financement de la sécurité sociale va concerner tous les Français (…) Il serait choquant de réserver une politique de santé publique à une minorité.

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    Sur la poursuite du gel du barème – qui va engendrer une hausse des impôts pour quelques 10 millions de foyers fiscaux –  le ministre du Budget préfère insister sur les améliorations apportées au dispositif :

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    Dans le projet de loi de finances, je mets en place le mécanisme de la décote qui évitera à 7.5 millions de foyers [sur 17 millionds ndlr], soit de payer l’impôt, soit de passer à une tranche supérieure.

    Nous corrigeons la disposition de François Fillon. Il ne s’agit pas de jouer sur les mots.

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    Bref, si l’on se tient au PLF 2013 – et uniquement à celui-là – excluant ainsi les mesures reconduites et les hausses pratiquées au prétexte de la santé publique, on retrouve les neuf Français sur dix préservés.

    Un élément de langage vite instrumentalisé par l’opposition qui a décidé d’inverser le ratio, à l’image d’Eric Woerth ce 2 octobre sur RFI :

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    Neuf Français sur dix sont désormais concernés. C’est le contraire du gouvernement, c’est le ratio inverse. Avec ce matraquage fiscal, neuf Français sur dix concernés, notamment ceux qui boivent de la bière !

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