Lundi, l'affaire Karachi fait la une de Libération et agite le monde politico-médiatique. Dans la foulée, Christophe Barbier, directeur de publication de L'Express, publie un édito vidéo où il accuse le journal de la rue Béranger d'avoir monté en épingle un "vrai-faux scoop". Il n'en fallait pas plus pour agacer notre blogueur Romain Pigenel qui y voit une défense du président de la République.
Christophe Barbier, pompier volant du sarkozysme
Sur lexpress.fr
Faisons un petit jeu de rôle.
Admettons que vous soyez Président de la République, et que vous ayez une sale affaire de financement de campagne dont vous n'arrivez pas à vous débarrasser.
Admettons que la presse d'opposition (au hasard, Libération) ne vous laisse pas de répit à ce sujet, et ait l'audace de faire sa une sur l'enquête en cours, à quelques mois d'un scrutin capital.
Que faire ? Comment réagir ? Lâcher vos Morano et vos Wauquiez ? Oubliez ces frustres solutions ! Vous avez besoin d'un partenaire plus discret, d'un homme du sérail qui pourra faire diversion : un pompier volant de la présidence, j'ai nommé Christophe Barbier. Qui a eu la gentillesse d'enregistrer un tutoriel vidéo, lundi, pour vous exposer sa méthode infaillible pour noyer un dossier sur vous : la méthode du "pétard mouillé".
Étape 1 : nier d'emblée la portée des informations révélées par le journal d'opposition
Vidéo à 0:05 : "Il n'y a rien de neuf dans l'affaire Karachi". A répéter avec un air rassurant et sûr de vous, en jouant de votre autorité. D'entrée de jeu, vous marquez votre territoire.
Étape 2 : placer le mot "légal"
0:20 : "C'était une affaire tout à fait légale que le versement de commission à cette époque-là". L'important est de placer ce mot : le lecteur/spectateur n'aura pas le temps d'aller fouiller la loi, et il gardera de vous cet important sentiment de légalité. Si c'est légal, où est le problème ?
Étape 3 : jeter le doute, marteler le flou
0:30 : "On n'a pas avancé d'un centimètre sur l'éventuel lien entre cette histoire de rétrocommissions éventuellement interrompues et le terrible attentat". "Éventuel" deux fois, et un dubitatif "cette histoire" : la presse d'opposition vous enivre de sornettes douteuses, n'en doutez pas.
Étape 4 : décourager le lecteur d'acheter le journal d'opposition
0:40 : "la une de Libération ce matin est complètement survendue". On a essayé de vous rouler : alors pourquoi acheter ce qui n'a pas la valeur annoncée ? Économisez plutôt votre argent.
Étape 5 : noyer le poisson en s'incluant dans la critique
0:50 : "La presse parfois survend ses déclarations, ne jetons pas la pierre à Libération". Ne croyez surtout pas que c'est une attaque personnelle contre le quotidien d'opposition : il arrive même à moi, Christophe Barbier, de faire ce genre d'erreur, c'est dire !
Étape 6 : déporter l'affaire sur le terrain des luttes d'influence
1:10 : "Il y a, au sein des affaires en cours, compétition entre la justice, à qui avancera le plus vite […] compétition entre les enquêteurs et les politiques". On ne parle pas de justice, on parle de luttes de pouvoir au sein de la justice et de la police, d'accord ? Ahlala, on ne peut plus faire confiance à personne !
Étape 7 : diluer les responsabilités
1:25 : "Est-ce que les électeurs voteront en avril en pensant aux dossiers qui s'empilent à droite comme à gauche, à droite plus qu'à gauche, mais la droite a le pouvoir depuis si longtemps […] ils sont sans illusion sur la probité des hommes politiques en général et sur la clarté des comptes de campagne en particulier". Droite, gauche, tous aussi pourris ; quant aux comptes de campagne, on sait bien qu'ils sont toujours truqués, n'est-ce pas !
Étape 8 : intimer un comportement aux électeurs
1:54 : "les Français qui sont sages jugeront les candidats à l'aune de l'essentiel : leur programme, leurs proposions". Autrement dit : si vous tenez compte des affaires, c'est que vous n'êtes pas sage. Or vous êtes quelqu'un de raisonnable, n'est-ce pas ?
Étape 9 : passer le plat au président sortant
2:15 "Il y a fort à parier que dans les isoloirs, c'est l’emploi et non les affaires qui pèsera le plus lourd". Et ça tombe bien : Nicolas Sarkozy organise justement un grand sommet à ce sujet en début d'année !
Vous avez bien retenu la leçon ? Vous savez maintenant ce qu'il vous reste à faire en cas de souci présidentiel médiatico-judiciaire : appeler à l'aide Super Barbier, l'éditocrate à la cape, pardon, à l'écharpe rouge !
La réponse d'Eric Mettout (LExpress.fr) au Lab
Sur LExpress.fr
Dans un billet de blog publié ce mardi après-midi, Eric Mettout répond aux attaques dont a été victime Christophe Barbier, patron de L'Express, au sujet de son analyse, sévère, du scoop de Libération sur l'affaire Karachi publié lundi matin. Le rédacteur en chef de LExpress.fr répond notamment vivement au Lab et au billet de notre blogueur Romain Pigenel.
EXTRAIT
M’interpelle, en revanche, ce qui a circulé ensuite, chez nos confrères et néanmoins concurrents du Lab d’Europe 1 notamment, où la discussion a viré au Barbier bashing, accusé comme souvent de rouler pour Sarkozy parce qu’il ne roule pas à l’aveugle pour son opposition. C’est très con, je ne m’appesantirai pas.
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