Dans une pleine page de publicité dans le Parisien, la sénatrice UDI de l’Ain, Sylvie Goy-Chavent, a demandé, mardi, à François Hollande l’interdiction de l’abattage rituel. Une initiative surprenante à double titre puisqu’elle a été financée par des associations, dont la Fondation Brigitte Bardot, et qu’elle reprend certains arguments utilisés par… l’extrême-droite.
"Un steak sur deux est issu de l’abattage rituel"
Voici la publicité publiée mardi 13 novembre dans le Parisien.
Ce mardi 13 novembre, une pleine page de publicité du Parisien interpelle François Hollande pour lui demander d’interdire "tout abattage sans étourdissement préalable". Un "appel au président de la République" signé par la sénatrice UDI de l’Ain, Sylvie Goy-Chavent qui, parallèlement, a déposé une proposition de loi au Sénat.
Dans son texte de loi, qui constitue une majeure partie du texte de la page de pub, la centriste dénonce la viande halal qui "approvisionne les cantines, les restaurants, les hypermarchés sans aucune information au consommateur, présente un risque pour la santé et finance certains cultes au mépris des principes républicains de laïcité".
La sénatrice Sylvie Goy-Chavent. (Maxppp)
Contactée par le Lab, la sénatrice explique sa démarche :
Je pense qu’on ne dit pas la vérité aux consommateurs. Il faut alerter l’opinion pour que le président Hollande réponde aux promesses du candidat Hollande.
J’ai donc transmis mon appel au président à plusieurs associations qui l’ont relayé.
Ainsi, cette publicité n’est pas directement le fait de la sénatrice et est également signée "abattagerituel.fr", "un site créé pour une campagne d’information en 2011 contre l’abattage rituel des animaux", précise laFondation Brigitte Bardot qui a financé cette campagne en compagnie de diverses associations de protection animale.
Christophe Marie, porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot, raconte au Lab la genèse de l’initiative et ses "contacts quotidiens" avec cette proche de Jean-Louis Borloo :
On a été contactés par la sénatrice sur la situation de l’abattage pour qu’elle puisse rédiger sa proposition de loi et faire son appel public à François Hollande.
Elle nous a autorisés à utiliser son intervention.
Sylvie Goy-Chavent peut remercier ces associations sans qui sa proposition de loi serait restée plus confidentielle :
Tout ce qui ira dans le bon sens est bienvenu.
Sur le fond, la dénonciation du financement de certains cultes par l’abattage rituel interpelle. Un argument qui ne concerne pas la protection animale, comme le reconnait Christophe Marie :
Cet argument, défendu par la sénatrice dépasse le cadre de la protection animale. D’ailleurs, il n’est pas dans la proposition de loi.
Le porte-parole de la fondation Bardot poursuit pourtant :
A chaque abattage rituel, une somme est versée au sacrificateur.
Les consommateurs financent directement des cultes sans en être informés : c’est une double tromperie du consommateur.
Interrogée par le Lab, la sénatrice tente de se justifier :
Si vous pianotez sur Internet, vous trouverez des informations dans ce sens.
Plus de 50% des animaux sont abattus selon le rituel halal alors qu’ils n’y a que 5% de pratiquants.
Un steak sur deux est issu de l’abattage rituel.
La sénatrice signe ici des arguments généralement très utilisés par … le Front national. En février 2012, Marine Le Pen profite d’un reportage d’Envoyé spécial sur la viande halal pour lancer ce sujet comme thème de campagne.
Aussi la présidente du FN dit-elle, dans l’émission "Parole de candidats" sur TF1 le 5 mars 2012 que "cette viande finance certains cultes" :
Il y a un problème de souffrance animale, un problème de transparence dans ce qu'achètent les consommateurs et de tromperie sur la marchandise, il y a un problème sanitaire (...) et il y a le problème de la taxe religieuse qui est touchée sur l'abattage de la viande halal et qui oblige certains d'entre nous, sans que nous le voulions, à contribuer au financement d'un culte qui n'est pas le nôtre.
Et Marine Le Pen d’ajouter alors, grossissant les chiffres, que "l’ensemble de la viande distribuée en Ile-de-France est exclusivement halal". Un chiffre faux qui l’entraîne à changer son chiffre d’épaule, comme le notait alors Libération, et à estimer que "40 à 45% de la viande consommée en Ile-de-France provient de ces abattoirs".
Ces chiffres sont pourtant erronés comme le soulignaient "60 millions de consommateurs" ainsi que la chambre de l’Agriculture pour qui 30% de la viande est abattue en France sans étourdissement préalable.