Après avoir voulu interdire toute manifestation pendant l'état d'urgence, Marine Le Pen dénonce aujourd'hui une "atteinte grave à la démocratie"

Publié à 10h54, le 22 juin 2016 , Modifié à 13h16, le 22 juin 2016

Après avoir voulu interdire toute manifestation pendant l'état d'urgence, Marine Le Pen dénonce aujourd'hui une "atteinte grave à la démocratie"
Marine Le Pen © Montage via AFP

#PASSIONARCHIVES – Être présidente d'un parti d'opposition oblige parfois à un peu de souplesse quant à ses propres convictions. Il faut ainsi être capable de pouvoir dire tout et son contraire en un temps relativement limité, si cela permet de critiquer le gouvernement en place.

Marine Le Pen, par exemple, considère aujourd'hui que la décision d'interdire la manifestation contre la Loi Travail , prévue le 23 juin à Paris, est une "atteinte grave à la démocratie". Voici ce qu'elle a écrit mercredi 22 juin, quelques minutes après la décision de la préfecture de police de Paris d'interdire le rassemblement anti-Loi Travail du lendemain :

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L'interdiction des manifestations contre la Loi Travail est une démission face aux casseurs et une atteinte grave à la démocratie.

 

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Un message signé "MLP", indiquant que la présidente du FN est bien l'auteure du tweet. Cette position est conforme à celle du parti. Plusieurs élus frontistes ont en effet dénoncé cette décision de la préfecture de Paris, à l'image du sénateur-maire de Marseille Stéphane Ravier, estimant que "le PS écrase les libertés de ceux qui le critiquent" .

[EDIT 13h : finalement, le patron de la CGT Philippe Martinez a annoncé, lors d'une conférence de presse après avoir été reçu par Bernard Cazeneuve, que les organisations ont "obtenu le droit de manifester à Paris le 23 juin sur un parcours proposé par" le ministre de l'Intérieur. La manifestation n'est donc plus interdite.]

Pourtant, Marine Le Pen n'a pas toujours été de cet avis. Le 20 mai dernier, sur Europe 1 , la présidente du FN tenait un discours totalement opposé à son avis actuel. "Est-ce que vous rendez compte, monsieur Elkabbach, que nous sommes la risée du monde ?" avait-elle demandé après que le journaliste l'a interrogé sur la tenue des manifestations contre le projet de loi El Khomri. Elle avait ajouté :

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Nous sommes en état d'urgence. Or, il y a depuis deux mois dans notre pays des violences tous les jours, 300 policiers blessés sans que le gouvernement soit capable de lever le petit doigt. […] En situation d'état d'urgence, il n'y a pas de manifestation. Ça a une conséquence, c'est qu'en situation d'état d'urgence, le gouvernement ne devrait pas faire passer des lois dont il sait pertinemment que ce sont des lois qui sont rejetées par les Français. Donc je crois que c'est malhonnête de la part du gouvernement de profiter de l'état d'urgence pour faire passer une loi. Mais à partir du moment où il y a l'état d'urgence, à ce moment-là, c'est une situation de sécurité exceptionnelle.

 

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Ces déclarations survenaient deux jours après l'attaque d'une voiture de police à Paris , par plusieurs casseurs.

Il y a un mois, Marine Le Pen prônait donc l'interdiction de toute manifestation, y compris celles organisées par les syndicats. Aujourd'hui, elle dénonce une atteinte à la démocratie. Mais changer d'avis n'est pas interdit après tout. 

Marine Le Pen n'est cependant pas la seule au FN à avoir quelque peu retourné sa veste sur le sujet.

Sur France Inter , le 21 mai, Nicolas Bay s'alignait sur la position de Marine Le Pen, prononcée la veille sur Europe 1, et se disait favorable à l'interdiction des manifestations durant l'état d'urgence. Il disait :

 

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Il y a un vrai problème. L'état d'urgence est un cadre juridique qui devrait permettre au gouvernement d'agir contre la menace terroriste. Or à vouloir poursuivre l'état d'urgence pendant des mois et des mois sans rien n'en faire, on assiste à une situation absurde. […] Il est absolument invraisemblable de voir des manifestations, y compris des manifestations violentes, se dérouler sur notre sol alors qu'on est en état d'urgence. On est la risée du monde entier.

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Et qu'a dit le secrétaire général du FN ce mercredi sur iTÉLÉ ? Plus ou moins l'inverse. Jugez plutôt :

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Ce gouvernement a un vrai problème avec les libertés individuelles, avec les libertés publiques et que sans cesse, au nom de la lutte contre le terrorisme, au nom de la lutte contre les risques de débordement, ils restreignent les libertés individuelles, les libertés fondamentales dans notre pays. Leur sectarisme, leur dogmatisme, leur façon de gouverner sans jamais tenir compte de l'avis du peuple atteint aujourd'hui son paroxysme avec ces interdictions de manifestations. […] Le droit de manifester est un droit fondamental. Il n'y a pas de droit de casser, il n'y a pas de droit de bloquer, il n'y a pas de droit de prendre les Français en otage. En revanche, il y a un droit de manifester dans notre pays et nous nous sommes attachés à ces libertés-là.

 

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Comme l'a repéré le journaliste de l'AFP Guillaume Daudin , Florian Philippot aussi a *un tout petit peu* changé d'avis sur ce sujet. Sur BFMTV le 19 mai, le n°2 du FN expliquait que, selon lui, interdire une manifestation "n'empêche plus rien".  "C'est l'autorité de l'État qui est bafouée" disait-il à propos de la contre-manifestation organisée le 18 mai en marge du rassemblement de policiers contre la "haine anti-flic", contre-manifestation qui avait eu lieu malgré son interdiction.

Et voici ce qu'a déclaré Florian Philppot ce mercredi sur iTÉLÉ :

 

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C'est une atteinte grave aux principes démocratiques qui fondent notre République. On ne peut pas comme ça interdire une manifestation contre une loi qui est extrêmement controversée, extrêmement discutée, extrêmement rejetée par les Français.

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[EDIT 13h] Ajout déclarations de Nicolas Bay et de Florian Philippot. 

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