FLUCTUAT NEC FLUCTUAT - Frappes ciblées ou pas ? Intervention ou pas ? Corridor humanitaire ou non ?
Dominique de Villepin, l'homme qui a dit "non" à l'invasion américaine en Irak à la tribune des Nations unies, a plusieurs fois modulé ses convictions sur l'éventualité d'une intervention en Syrie, en proie depuis plus de deux ans à une véritable guerre civile.
Dans une tribune publiée dans Le Figaro daté du 29 août, l'ancien ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac fustige "la stratégie occidentale au Moyen-Orient", une "impasse fondée sur l'illusion de la force".
A l'instar du député UMP Damien Meslot, Dominique de Villepin pointe l'absence d'alternative politique crédible à Bachar Al-Assad, coupable selon la communauté internationale d'avoir conduit le 21 août une attaque aux gaz chimique de grande ampleur, qui a fait au moins 355 morts selon Médecins sans frontières.
Sur BFM TV mercredi, l'ancien secrétaire général de l'Elysée se montre encore plus direct : "Notre vocation n'est pas de punir quiconque par le biais militaire", assure-t-il en écho au chef de l'Etat qui avait estimé mardi lors de la conférence des ambassadeurs qu'il fallait "punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents".
Dominique de Villepin l'assure :
Des frappes militaires nous éloigneraient d'un règlement politique et diplomatique en Syrie. (...)
Dans des milieux complexes, l'outil militaire produit souvent des effets pires qu'une non-intervention. Le signal donné à cette région serait très négatif.
Les frappes ciblées, dangereuses pour le règlement du conflit ? Dominique de Villepin n'est pas d'accord avec... Dominique de Villepin, qui les réclamait en mars 2012.
Alors candidat - éphémère - à l'élection présidentielle, Dominique de Villepin estimait qu'il fallait faire pression sur le régime de Bachar al-Assad, via la menace de la force.
Il est temps d'agir de façon déterminée, avec la Ligue arabe, pour créer une formation d'intervention humanitaire. Il ne suffit pas de le dire pour que cela se fasse, il faut un calendrier.
Donnons quelques semaines à la communauté internationale pour agir, préparons une alternative, des frappes ciblées.
Un message de fermeté qui se fait encore plus explicite :
Il est temps maintenant de réfléchir à une action sur le terrain, des frappes ciblées à la fois sur les institutions civiles et militaires syriennes.
Si la menace de la force n'intervient pas, le pouvoir syrien ne modifiera pas son cours.
Revirement ? Pas forcément. La situation sur le terrain a changé, le poids de combattants radicalisés et étrangers dans les rangs des "rebelles" voulant renverser Bachar Al-Assad s'est accru, le nombre de morts et de réfugiés a augmenté, les alternatives politiques, qui peinent à rassembler, manquent encore de légitimité.
De plus, l'ancien locataire du Quai d'Orsay prônait déjà une intervention "humanitaire", qu'il réclame encore le 29 août dans Le Figaro :
Reste une dernière solution, celle d'une action à but humanitaire, mêlant les outils militaires et politiques au service d'une stratégie durable : corridors humanitaires, zones-tampons aux frontières, et surtout zone d'exclusion aérienne, seule solution pour prévenir des massacres et signifier la responsabilité de protéger de la communauté internationale.
L'humanitaire, une alternative déjà appelée de ses voeux en février 2012. Sauf qu'il s'agissait là de distribuer un bon point au gouvernement d'alors, conduit par François Fillon :
Je crois que la ligne suivie par la France, qui est de rechercher les corridors humanitaires, des zones de protection humanitaire, est la bonne ligne et qu'il faut tout faire pour que nous obtenions au moins ce geste de la part des Russes, c'est l'intérêt de toute la communauté internationale aujourd'hui.
Continuité, donc ? Sur la question humanitaire, oui. Sur l'intervention militaire, par contre... Dernier exemple : en août 2012, cette option "doit rester ouverte", assure Dominique de Villepin. Au micro d'Europe 1 :
Aujourd'hui une intervention militaire n'a pas de sens. Mais si demain nous sommes sur une crise ouverte dans la région, il faudra bien que d'une façon ou d'une autre nous nous en mêlions.
Je suis favorable, non pas à une zone d'interdiction aérienne, mais nous pouvons prévoir des couloirs aériens qui nous permettraient de garantir une plus grande sécurité pour les populations. Cela veut dire que nous acceptions un déploiement aéronaval au large de la Syrie, avec un certain nombre de nos alliés.
Le déploiement aéronaval est en cohérence avec la tribune d'août 2013 dans Le Figaro. En revanche, cette opposition à une zone d'interdiction aérienne, ça ne vous dit rien ? Reculez de trois cases...