Le FN s'emballe sur une *info* selon laquelle le gouvernement "supprime la notion d'immigration illégale"

Publié à 17h25, le 13 août 2016 , Modifié à 18h10, le 13 août 2016

Le FN s'emballe sur une *info* selon laquelle le gouvernement "supprime la notion d'immigration illégale"
Marine Le Pen © AFP

"Avant de partir, ils organisent la submersion", dénonce Marine Le Pen. "Pauvre France !", ajoute Gilbert Collard. "Halte aux fous !", renchérit Stéphane Ravier. "Prochaine étape, immigration laïque et obligatoire ?", s'interroge quant à lui Robert Ménard.

Ce samedi 13 août, plusieurs cadres du Front national et des élus qui lui sont proches relayent massivement une information selon laquelle une "circulaire [du gouvernement] passée sous silence supprime la notion d'immigration illégale" :

Valérie Boyer, députée LR, s'est également indignée de cette nouvelle "en plein état d'urgence" :

L'article qu'ils diffusent en appui de leurs commentaires est une tribune signée dans Le Figaro Vox, espace participatif du Figaro, marqué très à droite. Son auteur, un certain "Alexis Théas" (contributeur régulier du Vox, surtout sur la question de l'immigration), écrit en réalité sous pseudo. Publié vendredi soir, l'article a changé de titre en début d'après midi samedi pour devenir "Le communiqué qui nie la notion d'immigration illégale". Mais c'est bien sa première version qui a fait réagir les responsables politiques sus-cités.

L'auteur explique que le gouvernement a décidé de faire disparaître cette notion en droit français, privilégiant une immigration massive, ouverte et universelle, offrant un accueil de choix à toute personne arrivant sur le territoire, quel que soit son statut (légal ou illégal). Voilà qui est pour le moins surprenant. Notamment de la part d'un gouvernement qui communique régulièrement sur sa "lutte contre l'immigration clandestine".

# Ce qu'écrit Le Figaro

L'auteur, présenté au Lab par un responsable du Vox comme un "spécialiste de la question de l'immigration", reprend un communiqué des ministères de l'Intérieur et du Logement, daté du 1er août, et assène des conclusions définitives :

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Le migrant en situation irrégulière n'a plus vocation à être reconduit dans son pays, mais à être accueilli en France et pris en charge par la puissance publique, au même titre qu'un étranger en situation régulière ou qu'un citoyen français en difficulté.



[...] [Ce communiqué] proclame que la France a le devoir d'accueillir et de prendre en charge tout étranger sur son territoire, qu'il soit autorisé à entrer et à séjourner ou qu'il ne le soit pas. De facto, le principe ainsi proclamé abroge l'idée de frontière ou de respect du droit de l'entrée et de séjour.

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Rien de moins.

# De quoi s'agit-il concrètement ?

Le communiqué en question, disponible sur les sites des deux ministères concernés, est en fait relatif à la "présentation de la Charte de fonctionnement des Centres d'accueil et d'orientation (CAO) des migrants". Il s'agit donc d'un dispositif en particulier.

Ces centres "de répit", ouverts en octobre 2015, ont vocation à accueillir "dans de bonnes conditions" et "dignement" des migrants se trouvant dans des campements (comme la "jungle" de Calais ou Grande-Synthe) pour une durée d'un mois,  afin de leur permettre de formuler une demande d'asile. Il y en a aujourd'hui 148 en France, selon le ministère de l'Intérieur.

# Ce que disait le gouvernement (et sa réponse au Figaro)

Communiquant sur ce dispositif, et notamment sur les "prestations" apportées aux migrants dans ces CAO, les deux ministères écrivaient donc, le 1er août :

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Cette charte édicte des règles claires de fonctionnement et décrit les principales prestations délivrées aux migrants sans-abri qui y sont accueillis : conditions d’accueil et de localisation, taux d’encadrement, restauration, évaluation - juridique, sociale et médicale - de la situation des personnes accueillies et accompagnement adapté, sécurité, etc.



La prise en charge en CAO doit ainsi permettre aux personnes migrantes sans-abri de bénéficier d’un temps de répit et d’engager, si elles le souhaitent, une démarche de demande d’asile. Elle leur permet également d’avoir accès à une offre de soins adaptée et d’être orientées rapidement vers des structures qui correspondent à leur situation (CADA pour les demandeurs d’asile, etc.).

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C'est à partir de cette description que l'auteur de la tribune conclut que le gouvernement "enterre de fait toute notion d'immigration irrégulière", un changement "capital sur le plan de l'évolution des mentalités et de l'idéologie politique française". Le ministère de l'Intérieur, contacté par Le Lab, conteste catégoriquement cette interprétation :

 

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'Le Figaro' fait une présentation scandaleuse de la banale charte des CAO en expliquant que c'est la consécration de l'abolition de la frontière entre immigration régulière et immigration illégale. Tout est faux dans cet article.

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Beauvau rappelle ainsi que ces centres visent à "mettre à l'abri dans de bonnes conditions des personnes qui étaient arrivées dans l'impasse du campement et qui y vivaient dans des conditions humaines indignes". Mais aussi qu'une fois la procédure de demande d'asile engagée, les migrants concernés doivent rejoindre un dispositif dédié aux demandeurs d'asile le temps de la prise en charge de leur dossier. Si celui-ci est, in fine, rejeté, "ils sont éloignés", c'est-à-dire expulsés, assure le ministère de l'Intérieur. Et ceux qui, durant ce mois d'accueil, n'auront pas fait de demande d'asile ne seront plus pris en charge dans les CAO.

Libre à chacun de critiquer cette politique et ce dispositif, mais il est totalement disproportionné (et faux) de dire qu'en le mettant en place, le gouvernement "supprime la notion d'immigration illégale".

Le gouvernement s'enorgueillit par ailleurs régulièrement de son action en matière de lutte contre l'immigration illégale. Encore ce samedi auprès du Lab, l'Intérieur affirme que "l'État n'a jamais autant démantelé de filières clandestines que depuis 2013". Selon Beauvau, il y en a eu "251 l'an dernier, soit 25% de plus par rapport à 2013". Une augmentation qui devrait se confirmer dans les mêmes proportions en 2016, selon des chiffres partiels du ministère.

# Les CAO, un dispositif contesté

Le fonctionnement de ces centres et la réussite de leurs objectifs a cependant fait l'objet d'une enquête critique de la part de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars, qui regroupe 870 associations et organismes accueillants les plus démunis), au mois de mars. Après avoir interrogé 27 CAO, la Fnars explique notamment que ces centres sont "survendus" aux migrants, sous la pression pour évacuer la "jungle". S'y retrouvent donc des publics qui ne sont pas censés y être accueillis, comme "des mineurs isolés étrangers et des réfugiés statutaires".

Les migrants seraient par ailleurs "mal informés" sur le but de ces centres, et une part importante les quitteraient rapidement après leur arrivée. "26 % des personnes hébergées dans ces CAO quittent ces centres, soit pour retourner à Calais, soit vers une destination inconnue des gestionnaires", selon la Fnars.

Enfin, la plupart des CAO interrogés affirment que le délai d'accueil d'un mois n'est souvent pas respecté. Un très grand nombre de migrants resteraient plus que cela, voire jusqu'à deux mois.

Du rab sur le Lab

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