Politiques, vous pouvez vous faire virer des marchés !

Publié à 18h04, le 24 mai 2012 , Modifié à 18h04, le 24 mai 2012

Politiques, vous pouvez vous faire virer des marchés !
Martine Aubry a également distribué des tracts sur les marchés durant la campagne (Reuters)

A Orléans, les partis politiques ont été priés d’arrêter de tracter sur les marchés pour "ne plus gêner les commerçants". C’est le règlement des marchés de la commune qui le prévoit, et la mairie dit faire un simple "rappel".

L’interdiction de distribuer des prospectus dans ce lieu traditionnel de la vie politique surprend ; on a tous en tête les images de personnalité politiques écumant les marchés durant leur campagne. En creusant un peu, on s’aperçoit pourtant que ce genre de règlementation est tout à fait banal, et même acté par une décision du Conseil d’Etat du 17 avril 2012.

Eh oui : tracter sur un marché n’a en fait rien d’évident.

  1. Jurisprudence du Conseil d'Etat

    Sur Libération

    C’est l’histoire d’un militant du Front de Gauche qui, depuis 42 ans, tracte sur les marchés d’Orléans, mais vient de recevoir une missive de son député-maire pour lui demander, poliment mais fermement, d’aller distribuer sa bonne parole communiste ailleurs.
     
     
     
    Comme le rapporte une brève de Libération, ce jeudi 24 mai, la municipalité UMP d’Orléans a adressé un courrier aux partis politique, et notamment à Michel Ricoud, candidat suppléant aux législatives pour le Front de gauche. Son objet : plus question de distribuer des documents partisans sur les marchés, couverts ou non.
     
     
     
    A l’extérieur – près des entrées ou des sorties -  ça passe. A l’intérieur – dans les allées – c’est niet. Michel Ricoud y voit une atteinte à son droit d’expression. Cet acte militant, il y tient "comme à la prunelle de [ses] yeux".
     
     
     
    D’où peut bien sortir cette interdiction soudaine ? A la mairie d’Orléans, François Foussier, l’adjoint au commerce, dit vouloir tout bêtement appliquer le règlement des marchés en vigueur dans la commune :
     
     
     

    En période électorale, c’est l’invasion. Les commerçants nous ont dit que ça mettait mal à l’aise les consommateurs, que leur chiffre d’affaires baissait. Alors ce courrier a permis de faire un rappel au règlement qui interdit tout type de tract.
     
    Ils doivent simplement se poster à la sortie du  marché.

     
     
     
     
    Pas de campagne au milieu des stands à Orléans, certes. Mais la ville est loin d’être un cas isolé : la distribution militante n’a rien d’évident. En réalité, il appartient au maire de décider si cette action peut être un inconvénient pour l’ordre public : sécurité, tranquillité et salubrité publique. Si c’est le cas, un arrêté municipal tombe.
     
     
     
    Et cela s’est passé à Valenciennes début janvier. Par souci de"salubrité publique", le maire a voulu réglementer la distribution de "tracts publicitaires, dépliants, programmes et imprimés" les jours de marchés. Pour militer, il aurait fallu demander l’autorisation à l’édile par écrit, au moins 15 jours avant. La gauche a bondi, le maire a reculé : c’est un arrêté qui a annulé l’arrêté.
     
     
     
    Les marchés ont également failli bouder les tracts à Colmar pour limiter les troubles "à l’ordre public et à la tranquillité". L’opposition a porté la décision devant le tribunal administratif… Et le maire a finalement fait sauter l’arrêté à la veille de l’audience.
     
     
     
    En cette année électorale, les cas se sont ainsi multipliés, jusqu’à en arriver à une décision du Conseil d’Etat qui légitime les arrêtés anti tract. Le 1er février, la commune de Saint-Cyr-l’Ecole dans les Yvelines interdit elle aussi la distribution de prospectus à l’intérieur de son marché. Le Front de gauche porte l’affaire devant le juge administratif, qui demande l’annulation de l’arrêté municipal. La commune en appelle alors au Conseil d’Etat… qui casse la décision du juge.
     
     
     
    Bilan de ce méli-mélo juridique : la décision du Conseil d’Etat pourrait faire jurisprudence. Selon les juges du Palais-Royal, interdire le tractage dans un marché ne menace pas "la sauvegarde d’une liberté  fondamentale". Autrement dit, il n’y a pas péril pour la liberté d’expression :le maire est tout à fait en droit de prononcer ce type  d’arrêtés.
     
     
     
    Michel Ricoud lui, avec ses 42 années de distribution de tracts dans les pattes, n’a pas grand-chose à faire, ni du Conseil d’Etat, ni du règlement intérieur des marchés de sa commune. Marché et politique vont de paire, alors samedi il ira braver l’interdiction, tracts en mains.
     
     
     
     

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