Poutou l'illusionniste

Publié à 10h22, le 12 avril 2012 , Modifié à 14h03, le 12 avril 2012

Poutou l'illusionniste
Philippe Poutou le 11 avril sur France 2

Oui, Philippe Poutou a crevé l’écran le 11 avril dans Des paroles et des actes. Avec son air faussement détaché, son franc parlé et son aplomb, il tranche avec l’échiquier politique habituel, et ça fait du bien. Mais Philippe Poutou est-il aussi carré sur le fond que ce qu’il a laissé paraitre ? 

Dans son échange avec François Lenglet, il réussit à faire planer le doute : Et si, pour une fois, le journaliste économique s’était planté ?

Il faut presque se repasser la scène au ralenti pour comprendre la démonstration du candidat du NPA. Il parle vite, assène des chiffres, et donne l’impression de prendre l’ascendant. Mais en vérifiant ses propos, on trouve du flan.

  1. "C'est pas l'estimation Poutou"

    Sur francetv.fr

    Reprenons le fil de la discussion. François Lenglet s’étonne de certains chiffres inscrits dans le programme du candidat et brandit ses graphiques préférés.

    La question est technique : le programme de Poutou prévoit d’aller chercher de l’argent, entre autres, en revenant sur la réforme de l’ISF et en mettant fin aux exonérations de charges sociales sur les salaires pour les entreprises. Les graphiques de Lenglet montrent que de telles réformes ne rapporteraient pas l’argent promis. Les estimations du NPA sont même 10 fois trop optimistes.

    Comment Philippe Poutou, habitué aux grands discours théoriques sur l’exploitation et le pouvoir aux travailleurs, allait-il se sortir de ce tunnel de chiffres ? Bien, en apparence. Mal, lorsqu’on vérifie ses propos.

    Le candidat, visiblement gêné, commence par remettre en question les graphiques du journaliste :

    Non mais là, tout est faux. C’est pas l’estimation Poutou, c’est pas la mienne celle-là !

    Ben si. Dans son programme, il est écrit noir sur blanc que revenir sur la réforme de l’ISF rapporterait 19 milliards d’euros. Certainement une faute de frappe puisqu'on peut trouver dans d'autres documents du NPA le bon chiffre : 1,9 milliards d'euros. Mais, Poutou ne cherchera pas à se battre sur ce chiffre pour le reste de l’émission.

    Le candidat cherche ensuite à repartir sur le terrain des idées. Gêné par l’utilisation du terme "charges sociales", il se lance dans une explication idéologique: 

    Je veux dire que charges sociales ça n’a aucun sens, ça n’existe pas, c’est le langage patronal : c’est des cotisations sociales. Ca déforme la réalité, pour donner l’idée que ça pèse lourd sur l’entreprise. (…) Donc, déjà, ça discrédite le document ! Vous avez faux pour commencer, c’est dommage ! 

    Pas d’intimidation qui vaille, François Lenglet reste collé à la question des chiffres. Philippe Poutou doit donc y revenir. Problème: ce qui est écrit dans son programme correspond au graphique du journaliste :

    Pour retomber sur ses pattes, et en mettant de côté les chiffres de son programme, Philippe Poutou va parler tout à la fois d’exonérations sociales, de cadeaux fiscaux, de baisse de l’impôt sur les sociétés et de niches fiscales. Des termes qui se recoupent et derrière lesquels on peut mettre beaucoup de milliards :

    Les exonérations de cotisation sociales c’est 31 à 32 milliards, donc vous avez pratiquement tout juste.

    Mais après c’est la question des cadeaux fiscaux, des niches fiscales. C’est pas 172, c’est 142 milliards aujourd’hui. (…) Mais la question ce sont les niches fiscales, toutes les réformes qui ont été faites depuis 25-30 ans. Une politique délibérément menée pour les plus riches. Donc la baisse d’impôt pour les sociétés plus les niches fiscales, ça représente 142 milliards à l’année qui ne rentre pas dans les caisses de l’état. 

    Trop technique, trop peu de temps de parole, François Lenglet n’a pas pu rebondir. Philippe Poutou, lui, a donné l’impression de maîtriser le débat. C’est ce qu’il en restera.

Du rab sur le Lab

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