Réseaux sociaux, la fin du Far West politique ?

Publié à 21h26, le 01 juin 2012 , Modifié à 21h26, le 01 juin 2012

Réseaux sociaux, la fin du Far West politique ?
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Les élections bientôt terminées, l'effervenscence politique se calme. Sur le web, la présidentielle et les législatives ont pris une place particulièrement importante sur Twitter. Mais maintenant que les cabinets se forment, que les mouvements se fixent, quid de la frénésie pour ce réseau sociaux ?
Pour notre blogueur Romain Pigenel, responsable de la mobilisation numérique pour l'équipe de François Hollande, après la grande foire, le temps est de nouveau à la sobriété et à la prudence.

  1. La séquence 2010-2012, un âge d’or pour l’émancipation militante sur Facebook et Twitter

    Après la grande foire de l’élection présidentielle, le temps est semble-t-il revenu à la prudence et au contrôle pour l’usage des réseaux sociaux – et du plus explosif d’entre eux, Twitter – par les responsables politiques. Citons, pêle-mêle, la fermeture du compte de Salima Saa après le dérapage de trop sur Kader Arif, la recommandation du Président de la République à ses nouveaux ministres de surveiller leur expression digitale, ou encore la reprise en main par Roland Ries , maire de Strasbourg, de la communication en ligne de ses collaborateurs et élus.

    Cette tendance correspond sans doute à des facteurs conjoncturels – la fin du « temps de guerre » de la campagne, la nécessaire responsabilisation de l’ex-opposition arrivant au pouvoir – mais aussi à l’institutionnalisation d’une pratique désormais entrée dans les mœurs.

    Facebook, puis Twitter avec environ deux ans de retard, se sont depuis 2007 imposés comme des acteurs incontournables du débat public. Leur montée en puissance dans le monde politique, décalée dans le temps, s’est faite selon un schéma habituel : d’abord l’arrivée d’élus-utilisateurs précoces ; puis, quelques mois plus tard, par effet de mode (et l’action de ces premiers ambassadeurs aidant), une vague d’ouverture de comptes, "pour voir", par un plus grand nombre d’élus moins technophiles ; puis encore la progressive généralisation de l’usage de ces réseaux, y compris dans la population militante, avant l’explosion correspondant à la présidentielle. On peut d’ailleurs remarquer que la (relative) ancienneté de Facebook l’a privé du rôle de réseau-star de 2012 ; c’est Twitter, plus récent et par essence plus réactif, qui l’a coiffé sur le poteau dans les médias et aux yeux du grand public.

    La perception de ces outils au sein des partis politiques a suivi une évolution parallèle. D’abord, l’ignorance ; puis, l’amusement par rapport à certains élus reconnus comme "geeks" (sur Twitter notamment, NKM, Benoît Hamon, Cécile Duflot, Alain Lambert …) et regardés avec une curiosité sympathique par leurs pairs moins connectés ; enfin, la prise de conscience du potentiel de ces technologies par un plus grand nombre de responsables politiques, qui comptent bien en user pour se faire connaître.

    Car ces réseaux émergents présentent une grande force pour les militants politiques ne bénéficiant pas d’un accès naturel aux médias : ils tendent à rendre plus horizontales les hiérarchies politiques, l’impact et l’audience d’un facebookeur ou tweeto tenant autant à la qualité et à la quantité de sa production qu’à son titre dans le monde physique. Alors que les partis sont de complexes structures régies par des pesanteurs et des effets de baronnie extrêmement lourds, les réseaux sociaux ont l’attrait d’une sorte de "Far West" où des fortunes médiatiques rapides pourraient se faire.

    Mieux encore, le retard de leur prise en compte par les partis garantit une certaine forme d’impunité aux militants présents dessus ; inutile, à première vue, d’y prendre toutes les précautions que l’on prendrait pour une prise de parole en bureau politique ou en réunion de section du PS ou de l’UMP.

    A cet égard, la séquence 2010-2012 a été un vrai âge d’or pour l’émancipation militante sur Facebook et Twitter, cette période correspondant à une ère de généralisation de ces réseaux, et donc de fort impact populaire (sur Facebook) et médiatique (sur Twitter), sans contrôle trop fort. A contrario, nous entrons vraisemblablement aujourd’hui dans une période de lissage et de reprise en main de la communication digitale par les structures politiques.

    C’est la rançon de la gloire de la séquence précédente : les réseaux sociaux ont fait la preuve de leur puissance, pour des réussites individuelles mais aussi pour générer des bad buzz (comme celui sur Christiane Taubira ) ; du coup, les partis ont rattrapé leur retard de prise en compte de ce nouveau terrain d’expression, et vont naturellement tendre à y appliquer leurs hiérarchies et leurs politiques de communication plus générales. Concrètement, c’est sans doute la fin de la grande récréation facebooko-twitterienne. Et la perspective d’une normalisation progressive de la communication en ligne – jusqu’à la prochaine (r)évolution technologique.

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