Dérapage xénophobe : il n'y a pas que le FN...

Publié à 16h49, le 01 février 2012 , Modifié à 10h24, le 02 février 2012

Dérapage xénophobe : il n'y a pas que le FN...
Drapeau français en Allemagne, mai 2006 (Maxppp)

Si l'affaire des caricatures de Stéphane Poncet agite actuellement la sphère médiatico-politique, pour notre blogueur Vogelsong, cela fait longtemps que le FN n'a plus le monopole du dérapage xénophobe...

  1. La préférence nationale n'est pas un tabou à droite

    Dans l’émission Des clics et des claques d’Europe 1, Guy Birenbaum épingle Stéphane Poncet pour ses dessins publiés sur son blog. Le caractère raciste, haineux de chacun de ceux-ci est indubitable. D’ailleurs, le trait enfantin et naïf ne fait que rajouter au malaise. Néanmoins, le candidat FN de Villeurbanne ne fait que reprendre dans chacun de ses dessins des thématiques largement répandues dans les médias et partis politiques. Et ce, depuis des décennies, d’ailleurs souvent traités avec beaucoup plus de sérieux.

    >> Voir ici l'article du Lab sur le sujet

    Le FN utilise aujourd’hui le terme "priorité nationale" pour faire le tri entre le bon grain et l’ivraie. Un glissement sémantique plus ou moins heureux de "préférence nationale". Le dessinateur frontiste de Villeurbanne caricaturant un jeune noir dans un dessin intitulé "Intouchables ?" en référence au film avec Omar Sy, lui fait dire "Prioritaires dans le logement, l’emploi, mes prestations sociales. C’est vrai qu’en France nous sommes intouchables…".

    Le 14 janvier 2012, Brigitte Barèges, membre de l’UMP déclare "Ce que je dis simplement, c'est qu'entre ceux qui veulent ouvrir toutes grandes les portes - par souci doctrinaire et surtout électoraliste - et ceux qui veulent toutes les fermer - par repli un peu xénophobe - nous sommes au milieu, c'est-à-dire en traitant le mieux possible les besoins de la France dans un contexte économique très grave où le chômage augmente et où il nous faut, c'est vrai quand-même, accueillir la préférence nationale". Elle reviendra, contrite, sur ces derniers mots quelques jours plus tard

    Patrick Buisson, éminence élyséenne, s’aventura sur le même sentier dans un article de Paris Match. Qui fut par la suite modifié. Il dit : "[je] plaide pour une grande loi de réhabilitation du travail ; elle lutterait contre l'assistanat en réservant par exemple le RSA et le RMI aux Français qui ont un travail. " A la suite de ce couac, Marc-Philippe Daubresse, le centriste de service au sein de l’UMP, viendra à la rescousse du président de la République : "J'ai discuté longuement avec le président de la République et il n'a jamais été question de la préférence nationale, ni de près, ni de loin."

    Pourtant un président de la République, qui, lorsqu’il ne l’était pas, pouvait déclarer en 1998 (cité par Le Monde le 16 juin 1998) "cela me choque d’autant moins que l’on discute tranquillement de la préférence nationale, qu’elle existe dans la fonction publique", "Les mots de préférence nationale n’ont aucune raison d’être présentés comme des tabous" (Europe 1, le 21 juin 1998). Tabous qu’il s’efforcera de briser près de 10 ans plus tard en créant un ministère de l’identité nationale…

    Par ailleurs, il suffit de se pencher sur les péroraisons d’Ivan Rioufol, VRP multicartes du Figaro, pour voir affleurer la même inclinaison à stigmatiser, les mahométans, les étrangers, l’autre, avec des concepts aussi plaisants et chargés que "immigration de peuplements". D’ailleurs Ivan Rioufol, le 21 septembre 2011, dans un article démarrant ainsi "Chut ! Pour la gauche, les problèmes posés par l’immigration de masse restent un non sujet", ne tarira pas de dithyrambes sur l’ouvrage de son confrère Hervé Algalarrondo, intitulé "la gauche et la préférence immigrée"…

    La stigmatisation des Roms est devenue un grand classique hexagonal. Si Stéphane Poncet fait preuve d’un goût discutable pour sa caricature du Roumain déguisé en Père-Noël chapardeur, il n’a finalement rien à envier aux discours beaucoup moins caricaturaux (au moins dans l’objectif) de certains dignitaires de la République. Comment ne pas se souvenir du discours de Grenoble dans lequel le président de la République affirme "les) problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms". Suivi d’actes, Brice Hortefeux, démantèlera dans la foulée 128 camps et renvoya 1.000 Roms en Roumanie.

    En septembre 2011, avec le courage qu’on lui connaît, Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, s’en prendra directement et nommément à "la délinquance roumaine", affirmant que "10% des personnes passant devant les tribunaux étaient de nationalité roumaine, dont la moitié mineure".

    Sur Europe 1, Louis Aliot ne se départira pas d’une certaine maîtrise face aux dessins que Guy Birenbaum (visiblement excédé) lui montre. Il sait, au fond, que la situation est médiatiquement gérable. Il prendra d’ailleurs immédiatement ses distances avec le contenu, promettant que des sanctions seraient prises. Sauf qu’il sait, au fond, qu’un recul d’un demi-pas sur ce coup, n’empêche pas ses idées de faire leur chemin. Et qu’à bien y réfléchir, cogner sur un récalcitrant mauvais scribouillard peut même avoir quelques vertus dédiabolisantes…

    Retrouvez Vogelsong sur son blog et sur Twitter .

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