Le gros contresens de Marine Le Pen, qui affirme que "le gouvernement s'est soumis aux exigences de l'État islamique" en l'appelant "Daesh"

Publié à 09h57, le 16 mars 2015 , Modifié à 11h01, le 16 mars 2015

Le gros contresens de Marine Le Pen, qui affirme que "le gouvernement s'est soumis aux exigences de l'État islamique" en l'appelant "Daesh"
Marine Le Pen © SYLVAIN THOMAS / AFP

FAIL - Le glissement langagier opéré par le gouvernement, dans le sillage de Laurent Fabius au mois de septembre 2014, avait été très remarqué : ce jour-là, le ministre des Affaires étrangères contestait l'appellation d'"État islamique" pour désigner l'organisation terroriste sévissant en Syrie et en Irak, pour lui préférer le terme de "Daesh" et même "les égorgeurs de Daesh". Depuis, le gouvernement n'emploie plus que cette appellation. Et Marine Le Pen n'aime pas ça.

Sur France Info lundi 16 mars, la présidente du FN dit :

 

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Le gouvernement s'est soumis immédiatement aux exigences de l'État islamique puisque maintenant on ne l'appelle plus que Daesh, c'est-à-dire que c'est ce qu'il réclamait et je me suis évidemment opposée à ce changement de nom.

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Or, cette affirmation de Marine Le Pen est complètement fausse. Le gouvernement ne s'est pas "soumis aux exigences de l'État islamique" qui ne "réclamait" pas d'être désigné par le nom Daesh puisque le groupe terroriste, en réalité, n'aime pas du tout cette appellation.

"Daesh" est l'acronyme arabe de l'EIIL (État islamique en Irak et au levant) : "Dawla al-Islāmiyya fi al-Irāq wa-š-Šhām". Sur le fond, donc, pas de changement majeur. Mais, comme de nombreuses analyses l'avaient souligné à l'époque (voir ici ou ici), cette guerre des mots n'est pas sans fondement. Cet acronyme permet d'éviter d'écrire ou de prononcer les termes "État" et "islamique", chéris par les terroristes dans la conduite de leur guerre à la fois militaire et culturelle. Dans l'esprit du gouvernement, cela présentait également l'avantage de prévenir tout amalgame entre les djihadistes et les musulmans, en excluant tout rapprochement avec l'islam. 

L'organisation terroriste s'oppose également à la dénomination "Daesh" pour d'autres raisons : comme l'expliquait Le Point, "ce sont des opposants syriens qui évoquent pour la première fois le terme 'Daesh' sur le plateau de la chaîne d'information saoudienne Al-Arabiya" en 2013. L'hebdomadaire citait également Wassim Nasr, journaliste spécialiste des questions djihadistes à France 24, qui détaillait :

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Cette appellation a été ensuite institutionnalisée par les chaînes opposées à ce groupe, car elle ne contient pas les termes 'État' ni 'islamique', et possède une connotation péjorative. En effet, l'acronyme Daesh ressemble au mot arabe 'daes' ('celui qui écrase du pied'), mais aussi au terme 'dahes' ('celui qui sonne la discorde'), en référence aux batailles de Dahes wal Ghabra (entre 608 et 650 après J.-C.) au cours desquelles les tribus arabes se sont entretuées avant d'être unies par l'islam.

 

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Des références linguistique et historique pas franchement prisées des terroristes. "Ce qui est certain, c’est qu’en Syrie, ['Daesh'] n’est utilisé que par les opposants au groupe État islamique, ajoutait Rue89. Et les djihadistes de ce dernier interdisent sur le territoire qu’ils contrôlent de prononcer 'Daesh', imposant l’appellation 'Dawlat', [pour] 'l’État'."

Avant la prise de position de Laurent Fabius, plusieurs résidents de Mossoul (Irak) avaient même affirmé à l'agence de presse américaine Associated Press (article en anglais) que les militants de l'organisation terroriste avaient menacé de couper la langue de quiconque utiliserait publiquement l'acronyme "Daesh", qui selon eux était un signe de défiance et d'irrespect. 

Pour résumer : Marine Le Pen fait un contresens total.

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