NON NON LA FAMILLE - Le sens de la famille se perd, en politique. Le sujet, régulièrement polémique, ne serait peut-être pas devenu aussi primordial sans le Penelope Gate et l’affaire Fillon pendant la campagne présidentielle. Toujours est-il qu’après les soupçons d’emploi fictif pesant sur la femme (et les enfants) de l’ancien candidat LR à l’Elysée, Emmanuel Macron, dans sa volonté de moraliser la vie politique, a voulu interdire les emplois familiaux. Mais pas uniquement pour les parlementaires.
Ainsi, interdire l'emploi de collaborateurs familiaux, la mesure phare du projet de loi de moralisation de la vie publique et promesse du candidat Macron, a passé une première étape dans la nuit de mercredi à jeudi, pour les ministres, non sans réserves de certains élus. Dès l'ouverture des discussions sur les deux textes prévoyant d'interdire ces emplois pour les ministres, parlementaires et élus locaux, la ministre de la Justice Nicole Belloubet avait observé que la "pratique, acceptée hier", "ne semble plus tolérable". Et de prévenir que "tout recul en la matière serait très mal perçu". L'interdiction est une "règle éthique et de bon sens, en application depuis 2009 au Parlement européen, mais aussi en Allemagne ou en Italie", notaient récemment d'autres "marcheurs".
Si, dans l'hémicycle, tous les groupes ont voté le premier volet axé sur les membres du gouvernement, certains députés ont exprimé des critiques sur l'interdiction pour les parlementaires, à venir ce jeudi 27 juillet. La "perte de confiance envers les élus exige sans doute la radicalité", a jugé Annie Genevard (LR), regrettant néanmoins "une action médiatique qui a chauffé à blanc l'opinion". Et Julien Aubert, dans une métaphore qui plaira à François Fillon, de lancer :
"C'est comme la fièvre porcine : un cochon est malade, alors on abat tout le troupeau.
"
Plus modérés, de jeunes LR ont dit comprendre la "nécessité de nettoyer quelques écuries d'Augias".
Au-delà, le sujet touche personnellement certains élus - une centaine de députés sous la dernière législature. François-Michel Lambert, ex-écologiste devenu LREM comptant sa femme dans ses collaborateurs, a ainsi regretté une réforme "sous la pression des médias et de fantasmes sur la probité des élus". Le chef de file des élus LREM Richard Ferrand, qui avait embauché son fils comme collaborateur quelques mois et s'est montré discret dans l'hémicycle sur ce texte jusqu'ici, aurait aussi été "réticent", selon un élu de la majorité.
C'est surtout le curseur d'interdiction qui a fait débat. Alors que le Sénat avait vu large sur le cercle familial après un zigzag sur le vote de l'interdiction pour les parlementaires, la commission des Lois a adopté un dispositif à deux niveaux, sur le modèle québécois. Seront interdits les emplois familiaux "pour la famille proche" (conjoint, partenaire de Pacs, concubin, parents et enfants ainsi que ceux du conjoint, partenaire de Pacs ou concubin) sous peine de trois ans de prison et 45.000 euros d'amende. Pour l'emploi de toute autre personne du second cercle (ancienne famille ou hors famille), il y aura une obligation de déclaration, comme en cas d'emploi croisé (embauche d'un collaborateur de la famille d'un autre élu ou ministre). L'Assemblée a voté l'interdiction pour les ministres avec cette retouche, rejetant un amendement gouvernemental pour enlever de la loi l'interdiction, déjà dans un décret récent, mais y laisser les peines.
Les débats pourraient durer jusqu'à vendredi, après de premières séances émaillées de tensions sur le temps de parole et les votes , "rodage" et "forme de bizutage" selon le président de l'Assemblée François de Rugy.