Attentat d’Orlando : comment certains politiques français esquivent la dimension homophobe de la tuerie

Publié à 15h21, le 13 juin 2016 , Modifié à 09h48, le 14 juin 2016

Attentat d’Orlando : comment certains politiques français esquivent la dimension homophobe de la tuerie
© John MACDOUGALL / AFP

LE CHOIX DES MOTS - Dans la nuit de samedi 11 à dimanche 12 juin aux États-Unis, un attentat a fait 49 morts et 50 blessés dans un club emblématique de la communauté LGBT, le Pulse, à Orlando. Pourtant, la dimension homophobe de cette tuerie revendiquée par l’État islamique engendre des différences notables de traitement de la part des responsables politiques français (et aussi du côté de la presse).

Plusieurs élus s’en étonnent ou s’en inquiètent, ce lundi. Ian Brossat, adjoint PCF à la mairie de Paris, écrit ainsi sur Facebook : "Vu le mal qu'ont certains élus à dire clairement que la communauté LGBT était la cible du tueur d'Orlando, on comprend que le combat contre l'homophobie est loin d'être gagné." David Assouline, sénateur PS de Paris, constate que "certains ont du mal à nommer" ce qui vient de se produire.

De fait, depuis dimanche, trois tendances communicationnelles majeures se dessinent parmi la classe politique : il y a ceux qui disent clairement que cette attaque visait "la communauté gay" (mais certains n’en parlent pas partout, segmentant leur communication entre leurs comptes Twitter et Facebook notamment) ; il y a aussi ceux qui n’en parlent pas du tout, se contentant le plus souvent de délivrer un message général de "solidarité avec le peuple américain" ; et il y a enfin ceux qui en parlent… sans en parler expressément, usant de périphrases ou de formules floues. Petit tour d’horizon (non exhaustif). 



  •  Ceux qui n’en parlent pas


# Au gouvernement

Ils sont nombreux, au sommet de l’État, à avoir *omis* cette partie de l’histoire. François Hollande le premier puisque le communiqué de l’Élysée se contente de ce qui suit :

 

"

Le président de la République condamne avec horreur la tuerie qui a fait plus de 20 morts et une quarantaine de blessés en Floride cette nuit. Il exprime le plein soutien de la France et des Français aux autorités et au peuple américain dans cette épreuve.

"

[Edit 15h50] Le chef de l'État a finalement abordé la question peu avant 16 heures ce lundi, évoquant une "effroyable tuerie homophobe" qui visait notamment "la liberté de choisir son orientation sexuelle [sic] et son mode de vie" :

Un passage dans lequel le président explique donc fort maladroitement que l'orientation sexuelle d'un individu relève d'un "choix", ce qui n'est évidemment pas le cas. Il a d'ailleurs supprimé son tweet, mais la vidéo dans laquelle ce propos est tenu, elle reste bien visible. 

Même silence du côté de Jean-Marc Ayrault. Le ministre des Affaires étrangères et patron de la diplomatie française, actuellement en déplacement en Pologne, a simplement relayé ce message :

C’est aussi le cas des ministres Emmanuel Macron, Ségolène Royal ou Myriam El Khomri :

 # À droite

 Parmi les candidats à la primaire, Alain Juppé et Jean-François Copé ont occulté le sujet :

 

[EDIT 21h16]

Dans l'après-midi, lundi, Jean-François Copé a finalement évoqué le caractère homophobe de l'attaque perpétrée à Orlando :

[EDIT 14/06] Tout comme Alain Juppé, vers 8 heures ce mardi :

Laurent Wauquiez, numéro 2 de LR et président de la région Rhône-Alpes-Auvergne, n'a pas non plus évoqué ce caractère homophobe :

# Au FN

La députée Marion Maréchal-Le Pen, connue pour son opposition au mariage homosexuel, n’a pas évoqué la dimension homophobe de l’événement, ni sur Twitter ni dans les médias (axant son discours sur l'aspect sécuritaire) : 

 

# Au centre

Tout comme le président de l’UDI Jean-Christophe Lagarde (ni sur Twitter ni sur Facebook, où il ne parle que "d’obscurantisme")...

... ou le président de la région Normandie Hervé Morin :

On ne trouve par ailleurs rien du tout au sujet de l’attentat sur le site de l’UDI, ni sur celui du Modem. Ni François Bayrou ni Marielle de Sarnez n’ont pour le moment réagi à la tuerie, de quelque manière que ce soit. [EDIT 14/06] François Bayrou a finalement réagi vers 21 heures :



  • Ceux qui en parlent


# Au gouvernement

La ministre des Droits des Femmes Laurence Rossignol, militante féministe de longue date et engagée pour la cause LGBT, a été la première membre du gouvernement à mettre des mots sans ambiguïté sur l’événement, tweetant dès 15h30 dimanche : "Encore la haine. La haine des gays. La haine des gens heureux. La haine des gens libres."

De nombreux autres ministres l’ont fait également, dans des termes plus ou moins forts (Barbara Pompili écrivant ainsi que "l’homophobie est un crime contre l’humanité") :

La secrétaire d'État chargée de l'Aide aux victimes Juliette Méadel n'en a parlé que dans un second temps :

La ministre du Logement Emmanuelle Cosse a quant à elle partagé une image mêlant drapeaux américains et arc-en-ciel, symbole LGBT universel :

Le compte Twitter officiel du gouvernement en a partagé une autre dans la même veine, figurant également une Marianne avec son smartphone (sigle du Service d'Information du Gouvernement) :

# À droite

Chez Les Républicains, Nicolas Sarkozy et Nadine Morano sont les seuls principaux cadres à avoir écrit les mots d'"homophobie" ou de "communauté gay"Le président de LR l’a fait sur Facebook, relayant un communiqué du parti dans lequel est mentionnée "une discothèque gay d'Orlando". "Nos pensées vont aux victimes, lâchement assassinées, visées pour leur orientation sexuelle", est-il encore écrit dans ce texte. Il ne l'avait en revanche pas souligné sur Twitter :

Quant à Nadine Morano, elle en parle dès le premier mot de son premier tweet sur le sujet, citant "l’homophobie" comme une marque de "l’obscurantisme" de Daech, au même titre que l’antisémitisme et les discours "anti-occident, anti-musulman, anti-chrétien, anti-l'humain" :

Pas un mot, en revanche, sur son compte Facebook.

# À EELV

Aucune mise sous silence du côté des écologistes en revanche, à l’image du nouveau patron d’EELV David Cormand ou de Cécile Duflot :

EELV a par ailleurs publié un communiqué sans ambiguïté à ce sujet.   

# Au FN

Du côté du FN, Marine Le Pen n’en a d’abord pas parlé sur Twitter, avant de le faire sur Facebook, dans un second temps : "Cette fois, les personnes visées l'ont été car homosexuelles, alors qu'on sait à quel point l'homosexualité est attaquée dans les pays qui vivent sous le joug islamiste", écrit la présidente du parti d’extrême droite. 

Florian Philippot (vice-président du FN) y est allé sans détour sur Twitter dimanche puis ce lundi matin sur LCI :

Louis Aliot (lui aussi vice-président du parti) a pour sa part retweeté un message de Robert Ménard qui parlait de cette question. 

# À gauche de la gauche

Jean-Luc Mélenchon a attendu avant d’écrire, ce lundi sur Facebook, un texte qui aborde l’enjeu LGBT de front (et dénonce d’ores et déjà les différentes façons de l’occulter) : 

"

Ce n’est pas l’assassin qui donne son sens au crime, ce sont les victimes. Ils ont été tués parce qu’ils étaient homosexuels. (...) On examinera les silences, les euphémisations, les contournements des verbes et des adjectifs. Combien de ceux-ci vont nier la nature du meurtre et son extrême connivence avec d’amples plaques de préjugés qui sous-tendent bien des continents de bonnes manières. Ne les voyons-nous pas si souvent jaillir en irruption de machisme et d’homophobie ordinaire ?

"

"Ni homophobie, ni racisme", a de son côté plaidé Olivier Besancenot (NPA) :



  • Ceux qui en parlent sans en parler


# À droite

Dernière catégorie de cette petite typologie des réactions : ceux qui parlent de l’attentat d’Orlando sans en préciser le caractère homophobe mais en le sous-entendant. Ainsi, parmi les cadres de LR, François Fillon évoque-t-il les "victimes de l'intolérance" :

Une formule assez large pour englober l’homophobie, sans pour autant la dénoncer nommément.

Idem du côté de Nathalie Kosciusko-Morizet, qui n’en parle pas dans sa première prise de parole sur Twitter...

... mais qui y fait référence dans un second temps, ce lundi matin, en relayant le soutien de Paris et du Conseil de Paris aux victimes de cet attentat, le tout accompagné d'une photo de la façade de l’Hôtel de Ville de Paris arborant le drapeau gay.

Autre prétendant à la primaire de la droite à ne pas qualifier cette attaque d’"homophobe" : Bruno Le Maire. Dans un premier billet publié sur Facebook, il écrit simplement qu'"une certain idée du monde a de nouveau été visée" sans plus de précision ou développement. Avant de relayer une ancienne tribune qu’il avait publiée sur Le Huffington Post le 18 novembre 2015 en réaction au Bataclan.



À LIRE SUR CE SUJET :

> Sur France Culture (revue de presse) : Tuerie d'Orlando: géométries variables, réflexions sur l'invisibilisation

> Sur Les InrocksFusillade à Orlando: pourquoi il faut utiliser les mots "gay" et "homophobie"

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