LE CHOIX DES MOTS - Dans la nuit de samedi 11 à dimanche 12 juin aux États-Unis, un attentat a fait 49 morts et 50 blessés dans un club emblématique de la communauté LGBT, le Pulse, à Orlando. Pourtant, la dimension homophobe de cette tuerie revendiquée par l’État islamique engendre des différences notables de traitement de la part des responsables politiques français (et aussi du côté de la presse).
Plusieurs élus s’en étonnent ou s’en inquiètent, ce lundi. Ian Brossat, adjoint PCF à la mairie de Paris, écrit ainsi sur Facebook : "Vu le mal qu'ont certains élus à dire clairement que la communauté LGBT était la cible du tueur d'Orlando, on comprend que le combat contre l'homophobie est loin d'être gagné." David Assouline, sénateur PS de Paris, constate que "certains ont du mal à nommer" ce qui vient de se produire.
comme "juifs" et"antisémitisme" lors des assassinats d'I.Halimi et enfants de Toulouse. Certains ont du mal à nommer https://t.co/9A9R6qgzf9
— David Assouline (@dassouline) 13 juin 2016
De fait, depuis dimanche, trois tendances communicationnelles majeures se dessinent parmi la classe politique : il y a ceux qui disent clairement que cette attaque visait "la communauté gay" (mais certains n’en parlent pas partout, segmentant leur communication entre leurs comptes Twitter et Facebook notamment) ; il y a aussi ceux qui n’en parlent pas du tout, se contentant le plus souvent de délivrer un message général de "solidarité avec le peuple américain" ; et il y a enfin ceux qui en parlent… sans en parler expressément, usant de périphrases ou de formules floues. Petit tour d’horizon (non exhaustif).
- Ceux qui n’en parlent pas
# Au gouvernement
Ils sont nombreux, au sommet de l’État, à avoir *omis* cette partie de l’histoire. François Hollande le premier puisque le communiqué de l’Élysée se contente de ce qui suit :
"Le président de la République condamne avec horreur la tuerie qui a fait plus de 20 morts et une quarantaine de blessés en Floride cette nuit. Il exprime le plein soutien de la France et des Français aux autorités et au peuple américain dans cette épreuve.
"
Je condamne avec horreur la tuerie qui a fait au moins 50 morts en Floride. J'exprime le plein soutien de la France au peuple américain.
— François Hollande (@fhollande) 12 juin 2016
[Edit 15h50] Le chef de l'État a finalement abordé la question peu avant 16 heures ce lundi, évoquant une "effroyable tuerie homophobe" qui visait notamment "la liberté de choisir son orientation sexuelle [sic] et son mode de vie" :
L'effroyable tuerie homophobe d'Orlando a frappé l'Amérique et la liberté. La liberté de choisir son orientation sexuelle et son mode de vie
— François Hollande (@fhollande) 13 juin 2016
Un passage dans lequel le président explique donc fort maladroitement que l'orientation sexuelle d'un individu relève d'un "choix", ce qui n'est évidemment pas le cas. Il a d'ailleurs supprimé son tweet, mais la vidéo dans laquelle ce propos est tenu, elle reste bien visible.
Même silence du côté de Jean-Marc Ayrault. Le ministre des Affaires étrangères et patron de la diplomatie française, actuellement en déplacement en Pologne, a simplement relayé ce message :
Tuerie d’#Orlando : @jeanmarcayrault exprime toute sa solidarité au peuple américain et à ses autorités dans cette épouvantable épreuve.
— France Diplomatie (@francediplo) 12 juin 2016
C’est aussi le cas des ministres Emmanuel Macron, Ségolène Royal ou Myriam El Khomri :
My thoughts are with those fallen in Orlando and their families. We stand united for freedom.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 12 juin 2016
Désolation devant l'effroyable carnage d'Orlando. De tout cœur avec nos amis américains
— Ségolène Royal (@RoyalSegolene) 12 juin 2016
Toutes mes pensées pour les victimes de la barbarie en Floride et solidarité avec le peuple américain #Orlando
— Myriam El Khomri (@MyriamElKhomri) 12 juin 2016
# À droite
Parmi les candidats à la primaire, Alain Juppé et Jean-François Copé ont occulté le sujet :
L'horreur à Orlando. De tout cœur avec le peuple américain. Et plus que jamais farouchement engagés dans la guerre contre l'Etat islamique.
— Alain Juppé (@alainjuppe) 12 juin 2016
Vive émotion et pensées à nos amis américains suite à la fusillade d'#Orlando.
— Jean-François Copé (@jf_cope) 12 juin 2016
Nous ne devrons rien céder face au terrorisme islamiste.
[EDIT 21h16]
Dans l'après-midi, lundi, Jean-François Copé a finalement évoqué le caractère homophobe de l'attaque perpétrée à Orlando :
24h après, immense tristesse toujours. Insupportable que des personnes soient assassinées du seul fait de leur orientation sexuelle #Orlando
— Jean-François Copé (@jf_cope) 13 juin 2016
[EDIT 14/06] Tout comme Alain Juppé, vers 8 heures ce mardi :
Laurent Wauquiez, numéro 2 de LR et président de la région Rhône-Alpes-Auvergne, n'a pas non plus évoqué ce caractère homophobe :
Pensée émue pour les familles des victimes d'#Orlando. L'horreur ne connait vraiment aucune frontière.
— laurent wauquiez (@laurentwauquiez) 13 juin 2016
# Au FN
La députée Marion Maréchal-Le Pen, connue pour son opposition au mariage homosexuel, n’a pas évoqué la dimension homophobe de l’événement, ni sur Twitter ni dans les médias (axant son discours sur l'aspect sécuritaire) :
Solidarité et compassion avec le peuple américain victime à son tour de la barbarie abjecte du terrorisme islamiste #Orlando
— Marion Le Pen (@Marion_M_Le_Pen) 12 juin 2016
"La tuerie d'#Orlando n'est malheureusement pas une surprise, nous connaissions la menace." #4Véritéspic.twitter.com/lpSd0nUaBG
— Marion Le Pen (@Marion_M_Le_Pen) 13 juin 2016
# Au centre
Tout comme le président de l’UDI Jean-Christophe Lagarde (ni sur Twitter ni sur Facebook, où il ne parle que "d’obscurantisme")...
#Orlando J'adresse mes pensées aux victimes, à leurs proches, au peuple américain. Nous ne laisserons pas gagner l'obscurantisme !
— JC Lagarde (@jclagarde) 12 juin 2016
... ou le président de la région Normandie Hervé Morin :
#Orlando - Fusillade abominable, tout mon soutien au peuple #américain.
— Hervé Morin (@Herve_Morin) 12 juin 2016
On ne trouve par ailleurs rien du tout au sujet de l’attentat sur le site de l’UDI, ni sur celui du Modem. Ni François Bayrou ni Marielle de Sarnez n’ont pour le moment réagi à la tuerie, de quelque manière que ce soit. [EDIT 14/06] François Bayrou a finalement réagi vers 21 heures :
Débat surréaliste sur l'horreur d'Orlando. Évidence que la communauté homosexuelle était visée en tant que telle, comme les jeunes à Paris.
— François Bayrou (@bayrou) 13 juin 2016
- Ceux qui en parlent
# Au gouvernement
La ministre des Droits des Femmes Laurence Rossignol, militante féministe de longue date et engagée pour la cause LGBT, a été la première membre du gouvernement à mettre des mots sans ambiguïté sur l’événement, tweetant dès 15h30 dimanche : "Encore la haine. La haine des gays. La haine des gens heureux. La haine des gens libres."
#Orlando Encore la haine. La haine des gays. La haine des gens heureux. La haine des gens libres . #horreur
— laurence rossignol (@laurossignol) 12 juin 2016
De nombreux autres ministres l’ont fait également, dans des termes plus ou moins forts (Barbara Pompili écrivant ainsi que "l’homophobie est un crime contre l’humanité") :
Compassion et solidarité avec le peuple américain. En frappant la communauté gay, l'attaque effroyable d'Orlando nous atteint tous.
— Manuel Valls (@manuelvalls) 12 juin 2016
L'attaque contre la communauté gay à #Orlando atteint toutes celles & tous ceux qui veulent vivre libre. Solidarité avec le peuple américain
— Pascale Boistard (@Pascaleboistard) 12 juin 2016
Pas d'Humanité sans diversité des origines, des cultures, des croyances, des identités. L'homophobie est 1 crime contre l'Humanité#Orlando
— Barbara Pompili (@barbarapompili) 12 juin 2016
Tristesse et indignation après la tuerie en Floride visant la communauté LGBT dans un lieu de musique, de fête et de liberté #Solidarité
— Audrey Azoulay (@AAzoulay) 12 juin 2016
À #Orlando, la haine frappe encore les gays, encore des femmes et hommes libres qui célébrent la vie : nous ne céderons pas à la terreur.
— Marisol Touraine (@MarisolTouraine) 12 juin 2016
La secrétaire d'État chargée de l'Aide aux victimes Juliette Méadel n'en a parlé que dans un second temps :
Effroi face au massacre perpétré à #Orlando. Tant de haine est insupportable. Mes pensées accompagnent les familles et proches des victimes
— Juliette Méadel (@juliettemeadel) 12 juin 2016
#Orlando#solidarité avec la communauté LGBT. La liberté frappée en plein cœur. Plus jamais ça.
— Juliette Méadel (@juliettemeadel) 13 juin 2016
La ministre du Logement Emmanuelle Cosse a quant à elle partagé une image mêlant drapeaux américains et arc-en-ciel, symbole LGBT universel :
L'horreur à #Orlando. Pensées émues. pic.twitter.com/pmJhFxHvKK
— Emmanuelle Cosse (@emmacosse) 12 juin 2016
Le compte Twitter officiel du gouvernement en a partagé une autre dans la même veine, figurant également une Marianne avec son smartphone (sigle du Service d'Information du Gouvernement) :
Solidarité avec nos amis Américains. #Orlando#Loveislovepic.twitter.com/ZAG6QCYBp2
— Gouvernement (@gouvernementFR) 13 juin 2016
# À droite
Chez Les Républicains, Nicolas Sarkozy et Nadine Morano sont les seuls principaux cadres à avoir écrit les mots d'"homophobie" ou de "communauté gay". Le président de LR l’a fait sur Facebook, relayant un communiqué du parti dans lequel est mentionnée "une discothèque gay d'Orlando". "Nos pensées vont aux victimes, lâchement assassinées, visées pour leur orientation sexuelle", est-il encore écrit dans ce texte. Il ne l'avait en revanche pas souligné sur Twitter :
Je condamne avec force l'effroyable tuerie d'#Orlando. J'adresse au peuple américain toute ma solidarité face à cet acte abject. - NS
— Nicolas Sarkozy (@NicolasSarkozy) 12 juin 2016
Quant à Nadine Morano, elle en parle dès le premier mot de son premier tweet sur le sujet, citant "l’homophobie" comme une marque de "l’obscurantisme" de Daech, au même titre que l’antisémitisme et les discours "anti-occident, anti-musulman, anti-chrétien, anti-l'humain" :
Homophobie, antisémitisme, anti occident, anti musulman. anti chrétien, anti l'humain Daesh l'Etat Barbare de l'obscurantisme #Orlando
— Nadine Morano (@nadine__morano) 12 juin 2016
Pas un mot, en revanche, sur son compte Facebook.
# À EELV
Aucune mise sous silence du côté des écologistes en revanche, à l’image du nouveau patron d’EELV David Cormand ou de Cécile Duflot :
L'homophobie, l'obscurantisme, la terreur et la haine tuent... #Orlando#EELVhttps://t.co/orbYDemlp5
— David Cormand (@DavidCormand) 12 juin 2016
Triste. Révulsée. Atterrée. Comme nous tous. pic.twitter.com/sImYZWcJTC
— Cécile Duflot (@CecileDuflot) 12 juin 2016
EELV a par ailleurs publié un communiqué sans ambiguïté à ce sujet.
# Au FN
Du côté du FN, Marine Le Pen n’en a d’abord pas parlé sur Twitter, avant de le faire sur Facebook, dans un second temps : "Cette fois, les personnes visées l'ont été car homosexuelles, alors qu'on sait à quel point l'homosexualité est attaquée dans les pays qui vivent sous le joug islamiste", écrit la présidente du parti d’extrême droite.
Florian Philippot (vice-président du FN) y est allé sans détour sur Twitter dimanche puis ce lundi matin sur LCI :
Cette fois,comme en terre islamiste, les homosexuels étaient la cible à #Orlando. Cette barbarie doit être neutralisée sans aucune faiblesse
— Florian Philippot (@f_philippot) 12 juin 2016
"Le fondamentalisme islamiste réserve un sort très particulier aux homosexuels." @LCI
— Florian Philippot (@f_philippot) 13 juin 2016
Louis Aliot (lui aussi vice-président du parti) a pour sa part retweeté un message de Robert Ménard qui parlait de cette question.
# À gauche de la gauche
Jean-Luc Mélenchon a attendu avant d’écrire, ce lundi sur Facebook, un texte qui aborde l’enjeu LGBT de front (et dénonce d’ores et déjà les différentes façons de l’occulter) :
"Ce n’est pas l’assassin qui donne son sens au crime, ce sont les victimes. Ils ont été tués parce qu’ils étaient homosexuels. (...) On examinera les silences, les euphémisations, les contournements des verbes et des adjectifs. Combien de ceux-ci vont nier la nature du meurtre et son extrême connivence avec d’amples plaques de préjugés qui sous-tendent bien des continents de bonnes manières. Ne les voyons-nous pas si souvent jaillir en irruption de machisme et d’homophobie ordinaire ?
"
"Ni homophobie, ni racisme", a de son côté plaidé Olivier Besancenot (NPA) :
Solidarité avec les familles et les proches des victimes d'Orlando. Ni homophobie, ni racisme.
— Olivier Besancenot (@olbesancenot) 13 juin 2016
- Ceux qui en parlent sans en parler
# À droite
Dernière catégorie de cette petite typologie des réactions : ceux qui parlent de l’attentat d’Orlando sans en préciser le caractère homophobe mais en le sous-entendant. Ainsi, parmi les cadres de LR, François Fillon évoque-t-il les "victimes de l'intolérance" :
Condoléances à nos amis américains et aux victimes de l'intolérance et et de l'horreur terroriste. #Orlando.
— François Fillon (@FrancoisFillon) 12 juin 2016
Une formule assez large pour englober l’homophobie, sans pour autant la dénoncer nommément.
Idem du côté de Nathalie Kosciusko-Morizet, qui n’en parle pas dans sa première prise de parole sur Twitter...
J'adresse toute ma solidarité au peuple américain face à l'horreur qui vient de frapper #Orlando
— N. Kosciusko-Morizet (@nk_m) 12 juin 2016
... mais qui y fait référence dans un second temps, ce lundi matin, en relayant le soutien de Paris et du Conseil de Paris aux victimes de cet attentat, le tout accompagné d'une photo de la façade de l’Hôtel de Ville de Paris arborant le drapeau gay.
Solidarité de Paris et du #ConseildeParis avec le peuple américain touché dans sa diversité et pour sa liberté. pic.twitter.com/12y4omAjCV
— N. Kosciusko-Morizet (@nk_m) 13 juin 2016
Autre prétendant à la primaire de la droite à ne pas qualifier cette attaque d’"homophobe" : Bruno Le Maire. Dans un premier billet publié sur Facebook, il écrit simplement qu'"une certain idée du monde a de nouveau été visée" sans plus de précision ou développement. Avant de relayer une ancienne tribune qu’il avait publiée sur Le Huffington Post le 18 novembre 2015 en réaction au Bataclan.
À LIRE SUR CE SUJET :
> Sur France Culture (revue de presse) : Tuerie d'Orlando: géométries variables, réflexions sur l'invisibilisation
> Sur Les Inrocks : Fusillade à Orlando: pourquoi il faut utiliser les mots "gay" et "homophobie"