Cazeneuve et la droite dénoncent une fresque de street-art jugée "anti-police"

Publié à 15h39, le 27 juin 2016 , Modifié à 18h27, le 27 juin 2016

Cazeneuve et la droite dénoncent une fresque de street-art jugée "anti-police"
Bernard Cazeneuve © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Deux policiers en tenue anti-émeute, dont l'un tenant un bouclier frappé de l'incription "49.3", en train de matraquer une femme à terre tenant un drapeau français effiloché ? Voilà qui ne pouvait que provoquer une polémique dans une partie de la classe politique française.

Cette oeuvre de street-art, intitulée L'État matraquant la liberté, a été réalisée par l'artiste Goin, dans le cadre du "Grenoble Street Art Fest", festival subventionné par la municipalité grenobloise et qui a rassemblé 45 artistes pendant trois semaines.

Et depuis dimanche 26 juin, certains responsables politiques dénoncent son existence, estimant qu'elle nuit à l'image des forces de l'ordre. Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a ainsi tweeté un message de "plein soutien aux policiers" et une demande indirecte de "regrets" de la part du maire écologiste de Grenoble, Éric Piolle :

Un message pas si surprenant que cela de sa part. Le "premier flic de France" défend en effet avec la plus grande vigueur les forces de l'ordre contre toute forme d'attaque ou de critiques, d'autant plus ces dernières semaines. Alors que le contexte sécuritaire reste tendu en France, avec notamment les manifestations contre la loi Travail, l'attentat revendiqué par Daech et dans lequel ont été assassinés deux policiers à Magnanville, dans les Yvelines, a suscité un durcissement du discours de l'exécutif à l'égard de ceux qui mettent en cause la police et plus particulièrement les violences policières. Le Premier ministre Manuel Valls, notamment, a très fortement sous-entendu que celles-ci n'existaient pas, malgré une accumulation de très nombreux témoignages et éléments vidéo faisant état d'usage questionnable de la force par des fonctionnaires de police.

Concernant la fresque, quelques cadres de LR y sont allés plus fort que le ministre de l'Intérieur. Le député des Alpes-Maritimes Éric Ciotti, toujours prompt à réagir lorsqu'il s'agit de thématiques de sécurité, a par exemple fustigé cette expression de "haine anti-flics subventionnée par Éric Piolle", appelant Bernard Cazeneuve à porter plainte :

Valérie Debord, porte-parole de LR, y a quant à elle vu un "indigne" témoignage "d'incitation à la haine" :

Dans un communiqué, Nicolas Dupont-Aignan a jugé la fresque "profondément scandaleuse" et estimé qu'elle mettait "gravement en cause la police nationale". "Dans un contexte d'état d'urgence, et confrontées à des restrictions budgétaires constantes et indignes de notre République, les forces de police font un travail remarquable sur le terrain. Les policiers et les gendarmes n'en peuvent plus d'être humiliés au quotidien par des voyous et des délinquants qui ne sont jamais incarcérés. Les assimiler à des délinquants est une honte", a dénoncé le patron de Debout la France.

"Inacceptable dans les circonstances actuelles", écrit Mireille d'Ornano dans un communiqué. Selon l'eurodéputée et patronne du FN en Isère, "ce qui ressort pleinement est la mise en accusation directe de la police qui porterait atteinte aux libertés".

Dès le 25 juin, le député LR Jean-Pierre Barbier, président du Conseil départemental de l'Isère et donc local de l'étape, avait critiqué cette "fresque honteuse" :

Éric Piolle, de son côté, fait valoir la liberté d'expression. Cité par l'AFP, le maire écolo de Grenoble rétorque à ses détracteurs :

 

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On comprend bien sûr l'émoi de la police. Mais comprendre cet émoi ne veut pas dire s'asseoir sur les textes fondateurs de la République. La liberté d'expression fait partie des bases fondamentales de la République. C'est ce que nous défendons tous et ce que la police a défendu après les attentats contre 'Charlie Hebdo'.

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"Il faut que le ministre de l'Intérieur fasse la liste des oeuvres autorisées ou non", a-t-il encore ironisé, en disant regretter que les élus réclament un "droit de censure, 18 mois après Charlie". Et d'assurer que "ce n'est pas une commande publique de la mairie", évoquant un "festival indépendant" sur lequel "nous ne voulons pas avoir de droit de regard".

L'oeuvre doit de toute façon être détruite "la semaine prochaine" dans le cadre de travaux de réaménagement de la gare prévus de longue date, selon Éric Piolle. Une vingtaine de fresques de ce type ont été peintes dans le cadre de ce festival subventionné à hauteur de 25.000 euros par la mairie.
 
L'organisateur du festival, Jérôme Catz, a indiqué à l'AFP que l'artiste Goin avait titré l'oeuvre L'État matraquant la liberté pour "montrer qu'il n'avait rien contre les policiers en tant qu'individus". Cette fresque, conçue il y a six mois, "est une allégorie de l'État", a-t-il souligné.

Réagissant auprès du Huffington Post, Goin a revendiqué "un art subversif et engagé qui est une arme d'évolution massive pour notre société". "Le son des bottes, nous ne voulons plus l'entendre, nous en avons marre, nous sommes fatigués... Nous rêvons simplement d'un monde meilleur ou ce que je peins n'existerait plus", affirme l'artiste. Qui ajoute :

 

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Avec l'état d'urgence et le 49.3, la France des Lumières s'obscurcit rapidement, l'esprit 'Charlie' est bien loin déjà... L'État prend en otage notre 'démocratie' au profit du totalitarisme marchand qui définit nos vies avant même que l'on ne les ait vécues.

"

[EDIT 18h25] ajout déclarations Dupont-Aignan et d'Ornano.

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