EN CHŒUR - Mercredi 14 décembre. 18h15 sur BFMTV : Louis Aliot. 19h10 sur Europe 1 : Marion Maréchal-Le Pen. 19h15 sur iTÉLÉ : Florian Philippot. 19h40 sur BFMTV : Nicolas Bay. En l'espace d'une heure et demie, quatre des principaux cadres du Front national s'expriment dans les médias. Le sujet commun de ces interviews : l'IVG et l'intense polémique qui a agité les rangs frontistes ces derniers jours. Et un message commun à tous, avec des éléments de langage répétés en stéréo et à la perfection : cette "crisounette" n'est en réalité pas si grave que cela, la position du FN sur cette question de société (qui ne doit pas faire oublier d'autres préoccupations, plus graves, des Français) est claire et tranchée, il y a certes des sensibilités différentes mais une seule ligne et le parti n'est pas du tout en proie aux "divisions" (contrairement au PS et à LR).
En somme : tout va très bien, mesdames et messieurs les électeurs. Les huiles frontistes ont accordé leurs violons pour venir mettre un terme aux commentaires sur les fractures internes au parti dirigé par Marine Le Pen.
# Marion Maréchal-Le Pen
C'est par la députée du Vaucluse qu'est venu le trouble. Dans une interview au journal d'extrême droite Présent le 5 décembre, elle déclare vouloir revenir sur le remboursement "intégral et illimité" de l’avortement. Un peu gênant lorsque Marine Le Pen veut se poser en candidate féministe au nom d'un parti qui met en avant sa défense des droits des femmes. Sur Europe 1 ce mercredi, Marion Maréchal-le Pen se défend toutefois de toute volonté de créer l'événement avec ces propos :
"Je suis confrontée à une actualité parlementaire que je ne maîtrise pas, qui est l'extension du délit d'entrave à l'IVG [voir ici, ndlr]. Dans ce cadre-là, je rappelle un certain nombre de positions, avec l'adoption prénatale, la politique familiale et la fin du remboursement intégral de l'IVG. Je m'en tiens d'ailleurs à la position qui était celle du Front national en 2012 et c'est l'occasion pour Marine Le Pen de rappeler qu'elle ne voulait pas intégrer cette partie-là à son programme, voulant éviter, je pense et probablement à juste titre, un sujet qui - c'est vrai - est profondément tabou en France.
De là à vouloir y voir le ferment d'une déloyauté à l'égard de Marine Le Pen, commencer à faire des sondages pour savoir qui est le plus populaire et imaginer un Front national au bord de l'explosion, c'est un petit peu exagéré quand même.
"
Elle ajoute que ce sont "l'actualité et la réaction de Florian" Philippot (qui l'avait qualifiée de "personne seule et isolée" au FN sur ce sujet) qui ont "maladroitement" fait que les positions des uns et des autres ont été précisées de façon "un peu précipitée". Ce petit scud à son meilleur ennemi glissé, elle s'attache à faire passer l'idée que l'IVG (qui "n'est pas au cœur des préoccupations quotidiennes des Français", dit-elle) ne fracture pas le parti :
"Je n'admets pas l'idée que cela serait le terreau de futures divisions au Front national et que tout le monde ne serait pas derrière Marine Le Pen.
"
Et d'appuyer son discours par une comparaison avec l'écart idéologique qui peut séparer certaines personnalités chez Les Républicains, par exemple :
"Des sensibilités différentes oui, mais une seule ligne. Pas comme chez Les Républicains, entre NKM et Henri Guaino par exemple." #E1Soirpic.twitter.com/IRpK6t48Xs
— Marion Le Pen (@Marion_M_Le_Pen) 14 décembre 2016
# Florian Philippot
Presque au même moment, le vice-président du parti s'exprime à son tour. Opération déminage, avec une superbe créativité langagière :
"- Florian Philippot : Au moins, de cette petite crise, cette crisette est sortie une clarification utile.
- Laurence Ferrari : 'Crisette...' (rire)
- Florian Philippot : Bah oui, une crisette ou crisounette.
"
Beaucoup plus *apaisé* que les messages que ses proches ont fait passer pour lui ces derniers jours...
"Il faut se concentrer sur la situation de la France et des Français, qui est bien plus difficile que celle de nos petites personnes", fait-il valoir ensuite pour minimiser l'importance du débat sur l'IVG au sein des rangs frontistes. Il reconnaît tout de même, signe peut-être que ses relations avec la nièce de Marine Le Pen ne sont pas forcément excellentissimes : "Non on ne s'est pas parlé depuis cette affaire-là." Et d'appuyer, à son tour, sur les divisions qui sont plus visibles chez les adversaires politiques du FN :
"Il y a trois candidats chez Les Républicains : François Fillon, Henri Guaino et Michèle Alliot-Marie. C'est du jamais vu. Côté gauche, ils sont au moins deux avec Emmanuel macron et celui qui remportera la primaire, là aussi c'est du jamais vu. Donc je veux dire : là il y a des vraies divisions.
"
# Louis Aliot
Retour en arrière, une heure plus tôt. L'eurodéputé et vice-président du parti, en duplex sur BFMTV, déroule les éléments de langage :
"Il y a des sujets beaucoup plus importants. L'IVG est un sujet important, l'accueil de la vie en est un autre mais ça ne fait plus débat dans l'opinion, ça ne fait pas trop débat d'ailleurs chez nous. Et le remboursement si vous voulez c'est une question annexe sur l'avortement en lui-même et sur la loi Veil.
"
Selon lui, il n'y a d'ailleurs pas de réelle opposition entre le "FN du Sud" (plus centré sur les questions identitaires et incarné par Marion Maréchal-Le Pen) et celui "du Nord" (qui appuie sur les sujets socio-économiques, derrière Marine Le Pen et Florian Philippot) : "Je pense que Marine Le Pen fait largement la synthèse de tout cela", estime l'eurodéputé. Sur Europe 1 plus tard, la petite-fille de Jean-Marie Le Pen ira dans le même sens, défendant l'idée que "les sociologies sont les mêmes" sur ces deux territoires, et que le FN n'est donc pas tiraillé par les différents publics auxquels il s'adresse.
# Nicolas Bay
Le secrétaire général du FN explique que "plus des deux tiers des sympathisants du Front national considèrent que c'est un mouvement uni". À juste titre selon lui, puisque voici la suite :
"Le Front national, c'est pas une secte, c'est un parti politique, il peut y avoir des parcours qui s'expriment, des sensibilités différentes, mais pour autant nous sommes - et c'est la grande différence avec les autres formations politiques - unis et rassemblés derrière notre candidate Marine Le Pen depuis des mois.
"
Et alors que le député PS Philippe Doucet, en plateau, souligne au contraire les divergences et divisions qui parcourent le parti, il rétorque : "Ça me fait beaucoup rire. On a une vraie cohérence. Les différences au Front national, elles sont infimes à côté des différences que vous étalez vous en permanence.Quels sont les points communs entre Benoît Hamon [candidat à la primaire de la BAP, à gauche du PS] et Gérard Collomb [soutien numéro 1 d'Emmanuel Macron] ?"
"Sur les questions sociétales, nous sommes tout à fait rassemblés, unis, avec une position claire", dit encore Nicolas Bay, qui raye enfin une autre ligne de la liste d'arguments à développer : "[Pour] l'immense majorité de nos compatriotes, ça [l'IVG, ndlr] ne fait évidemment pas partie de leurs sujets principaux de préoccupation au quotidien."
Allez, tout le monde peut rentrer chez soi et attaquer le dîner avec le sentiment du devoir accompli.
[BONUS TRACK]
Au passage tout de même, Marion Maréchal-Le Pen remet une petite pièce dans la machine en expliquant que Marine Le Pen est toujours d'accord avec ses positions de 2012 (quand elle s'en prenait notamment à "l'IVG de confort") mais qu'elle développe aujourd'hui un autre discours par stratégie. Elle explique :
"Je ne pense pas qu'elle ait changé de position, je pense qu'elle a fait le choix de ne pas l'intégrer au projet parce qu'elle n'est pas la candidate du Front national, elle est une candidate soutenue par le Front national et à ce titre, il est vrai que le projet ne colle pas exactement aux positions du Front national. C'est assez traditionnel finalement et ça évite de se perdre dans des sujets qui, c'est vrai, ne sont pas au cœur des préoccupations quotidiennes des Français.
"
Dimanche 11 décembre, la patronne du FN a expliqué qu'à l'époque, cette défense du déremboursement de l'IVG était en réalité "une concession [faite] à ceux qui avaient fait le choix de Bruno Gollnisch", son adversaire lors de l'élection du président du parti, en 2011. Manière d'expliquer qu'en son fort intérieur, elle a toujours été contre le fait de revenir sur ce sujet.