Claude Goasguen héros de BD : un cadeau qui tombe à pic

Publié à 10h31, le 23 mars 2013 , Modifié à 12h58, le 23 mars 2013

Claude Goasguen héros de BD : un cadeau qui tombe à pic
Vignettes de la bande-dessinée « Il était une fois à Paris dans le XVIe » de Régis Denel, édité par Cithea Communication. (Montage Le Lab)

Samedi 23 mars, Claude Goasguen va se livrer à un genre nouveau : la dédicace de bande dessinée .

Non pas qu’il en soit l’auteur. Non, le maire UMP du XVIe arrondissement de Paris est plutôt le héros de “Il était une fois à Paris dans le XVIe”, trente-trois pages toutes à sa gloire, relatant son combat contre Bertrand Delanoë à Paris sous l’apparence d’un chevalier du Moyen-Age. “Messire Claude” contre “Roy Bertrand”.

C’est une opération de campagne qui ne dit pas son nom”, s’étrangle l’opposition dans l’arrondissement. “On donne juste un coup de pouce à l’illustrateur”, répond l’entourage du maire.

D’où vient cette BD ? Claude Goasguen s’en sert-il pour faire campagne ? Qui finance le projet ? Le Lab s’est intéressé de près aux aventures de “Messire Claude”.

  1. Coup du cadeau : 15.000 euros

    >> Messire Claude contre Roy Bertrand

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    Au début du printemps de l’an 08, sous l’allégresse générale, on vit chevauchant écharpe au vent le preux Messire Claude prendre la tête du beau XVIe. (...)

    Messire Claude fut de tous les combats, de toutes les batailles, croisant le fer, faisant rempart de son armure pour protéger son XVIe mais aussi porter haut les couleurs du changement au Royaume de Paris.

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    Ainsi débute la bande dessinée intitulée sobrement “Il était une fois à Paris dans le XVIe” et diffusée dans le dit-arrondissement depuis début mars. A l’intérieur, Claude Goasguen et Bertrand Delanoë s’affrontent, grimés en chevaliers du Moyen-Âge. Le maire UMP toujours vainqueur, le maire socialiste de Paris toujours ridicule.

    Si les trois premiers quarts de la BD relatent des affrontements locaux, la dernière partie moque largement le “Roy Bertand” en vue du “Tournoi Capitale de l’an 14e”. Bref, des prochaines élections.

    >> Des vignettes publiées chaque mois dans le journal du maire
    Claude Goasguen - s’il nie en être à l’origine - avoue bien volontiers que l’ouvrage est tout à sa gloire et le dédicacera en compagnie de son auteur, Régis Denel, le 23 mars à la librairie Lamartine. On est pourtant loin d’une initiative indépendante d’un illustrateur inspiré par le maire.

    Derrière cette bande dessinée, on trouve l’agence Cithea communication, mieux connue dans le XVIe comme l’agence réalisant le “16” … le journal municipal de Claude Goasguen.

    (Apparition des vignettes dans le "16" en septembre 2010 - capture d'écran du "16")

    Avant de se retrouver en BD, les planches de Régis Denel ont été diffusées chaque mois, depuis septembre 2010, dans ce journal. En réalité, “Il était une fois à Paris dans le XVIe” est une compilation de ces vignettes mensuelles. “Plus quelques inédites”, souligne l’éditeur.

    >> “Une opération d’auto-promo de campagne”

    Une BD en l’honneur du maire, qui reprend un contenu présent dans le journal du maire, édité par l’agence de com’ qui travaille avec le maire … Il n’en fallait pas plus pour alerter l’opposition. Thomas Lauret est conseiller municipal socialiste et secrétaire de section dans le XVIe. Il explique au Lab y voir “une pré-campagne” déguisée :

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    Au delà du côté “BD sympa”, c’est une vraie opération d’auto-promo pilotée avec de la publicité dans le journal du 16e [le numéro de février fait en effet la promotion de la BD , ndlr], une séance de dédicace …

    A un an des élections municipales, Claude Goasguen entre vraiment dans le cadre de la pré-campagne et pratique le culte de la personnalité.

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    Thomas Lauret estime que tous les frais engendrés en faveur de la candidature de Claude Goasguen doivent désormais “entrer dans ses comptes de campagne”, chose obligatoire un an avant chaque élection.

    >> “Un coup de foudre” de l’éditeur

    Sauf que, du côté de Claude Goasguen, on ne considère pas du tout cette BD comme un document de campagne. Samuel Lambroso s’occupe de la communication du maire. La naissance de l’ouvrage n’est pas du tout de son fait, assure-t-il au Lab :

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    Toute l’idée est venue de l’illustrateur qui l’a proposée à Cithea communication. L’agence a trouvé que c’était une bonne idée et a parié sur le projet. Ils sont ensuite venus nous voir, on leur a donné notre aval. C’est amusant!

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    Thierry Jouannet, patron de l’agence qui s’est occupé “personnellement” du dossier, est au diapason :

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    J’aime beaucoup la BD, j’ai eu un coup de foudre pour cet illustrateur … Claude Goasguen a donné son accord pour qu’on le lance.

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    D’ailleurs, quand on lui parle d’éventuel produit de campagne, Thierry Jouannet a une réponse toute prête :

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    C’est un projet de long terme, le résultat de plusieurs années de travail. La date de sortie n’a pas de rapport avec les municipales. Et puis la BD est sortie en février … donc ça n’entre pas dans les comptes de campagne!

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    >> Le SAV de la mairie

    (Claude Goasguen à l'Assemblée - Maxppp)

    A les entendre, Claude Goasguen est donc l’heureux bénéficiaire d’un projet qu’il n’a pas initié. Chose cependant certaine : il en assure grandement le service après-vente.

    Outre la séance de dédicace du 23 mars “pour faire de la pub à l’auteur”, le député-maire a lui-même envoyé depuis l’Assemblée nationale“une quinzaine d’exemplaires” à des journalistes. Il l’a reconnu, un brin gêné, sur France Bleu Ile-de-France le 18 mars :

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    Oui je l’ai envoyée avec l’Assemblée, pas la mairie. Je peux le faire en tant que député.

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    Autre preuve que l’entourage du maire veille scrupuleusement sur l’ouvrage, c’est vers le monsieur com’ de Claude Goasguen que Cithea communication oriente de prime abord les journalistes lorsqu’on veut parler BD. L’auteur, lui, a également préféré passer par le filtre “Lambroso” plutôt que de faire sa publicité auprès du Lab.

    >> “Pas un denier public”

    Avec cette BD en poche, Claude Goasguen sait qu’on va lui parler gros sous. Dans les exemplaires envoyés à la presse, un petit mot et une notice explicative : “pas un denier public n’a été utilisé pour cet ouvrage”. Il l’a répété sur France Bleu :

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    Je n’ai pas payé un rond public dans cette affaire.

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    Le “coup de foudre” pro-Goasguen de Cithea communication a pourtant bien un coût : environ 15.000 euros pour réaliser, imprimer et diffuser - “pour l’instant uniquement dans les librairies du 16e arrondissement” - 1.500 exemplaires d’une BD à 15 euros l’unité, détaille au Lab Thierry Jouannet.

    Mais quand le patron de la boite a un “coup de foudre”, il est prêt à mettre la main à la poche, raconte celui qui réalise le journal de Claude Goasguen depuis son arrivée à la mairie. Sa boite n’est pourtant pas franchement du genre à parier sur des jeunes talents . Elle travaille beaucoup avec les municipalités pour réaliser leurs journaux ou organiser des évènements, planche sur des ouvrages de l’Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes ou encore sur des plaquettes de la Société générale.

    Mais, parfois, elle se fait éditeur :

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    Ce n’est pas la première fois que Cithea Communication investit des fonds privés pour éditer un livre. On veut montrer qu’on fait des choses qui durent dans le temps et qui ne sont pas uniquement mercantiles.

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    De fait, avec la BD pro-Goasguen, Thierry Jouannet prédit déjà qu’il risque de “ne pas rentrer dans ses frais” mais il pense “répondre à une demande des lecteurs du journal du 16e qui apprécient ces vignettes”.

    Un joli cadeau de campagne pour un bon client ? Le patron de l’agence ne voit pas les choses ainsi. Il l’explique à sa manière :

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    Nous ne sommes pas une entreprise de droite ou de gauche. Après, on ne va pas s’en cacher, nous travaillons à Paris pour des arrondissements UMP … On est là pour accompagner nos clients.

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    Une seule chose est certaine, 1.500 aventures de Messire Claude boutant Roy Bertrand hors de son arrondissement circulent désormais dans le XVIe. Et la conclusion de la BD ne laisse pas de place au doute sur le ton de l’ouvrage :

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    La veille du Tournoi “Capitale” de l’an 14. Toujours preux, opiniâtre et vaillant, Messire Claude portera avec noble force les couleurs du XVIe arrondissement.

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