Comment François Hollande est tombé dans le piège des promesses sur le chômage

Publié à 19h22, le 05 mars 2013 , Modifié à 19h38, le 05 mars 2013

Comment François Hollande est tombé dans le piège des promesses sur le chômage
François Hollande sur TF1 le 24 avril et le 9 septembre 2012, au Salon de l'agriculture le 23 février 2013 et à Blois le 4 mars 2013 (images TF1, Elysee.fr et Reuters)

Il le dit et le répète partout : François Hollande veut “inverser la courbe du chômage d’ici à la fin 2013”. La formule date de sa fin de campagne, est assénée depuis qu’il est au pouvoir et a une nouvelle fois été promise le 4 mars lors d’un déplacement sur l’emploi à Blois.

Choisie méthodiquement, elle pourrait pourtant lui revenir comme un boomerang. Le Lab décrypte.

>> Prologue - Inverser la courbe du chômage, ça veut dire quoi ?

L’idée est graphique. Après des mois d’augmentation, le nombre de personnes sans emploi doit diminuer. Pas d’objectif chiffré dans cela, le nombre de chômeurs peut grossir sans discontinuer durant les onze premiers mois de 2013 puis baisser légèrement le douzième mois. Courbe inversée, mission accomplie.

François Hollande le concédait lui-même mi-décembre à Lyon :

J'ai moi-même dit que nous avions l'objectif à la fin de l'année 2013 de pouvoir l'inverser, mais, d'ici là, nous allons encore subir des augmentations du nombre de demandeurs d'emploi avec toutes les conséquences que cela a.

 
Objectif loin d’être atteint en ce début d’année puisque plus de 40.000 chômeurs se sont ajoutés au compteur (dont la moitié dûs à des changements statistiques, a précisé Michel Sapin), portant le nombre total à 3.169.000 demandeurs d’emploi. [>> l’évolution des chiffres du chomage chaque mois, c’est par  

">ici, sur France Info]

>> Acte 1 - L’invention d’une formule

En lançant la formule “inversion de la courbe” il y a un an, celui qui était alors candidat a tenté d’éviter de commettre l’erreur de Nicolas Sarkozy : s’engager sur un taux de chômage précis.

Par opposition, il va promettre d’atteindre un objectif non chiffré et sans échéance. D’abord dans Le JDD  le 15 avril 2012 :

L’expérience du candidat sortant est suffisamment malheureuse pour ne pas la reproduire.

Il avait déclaré en 2007 que sa présidence serait un échec si le taux de chômage ne revenait pas à 5% en 2012. Nous sommes à 10%! Il en paiera le prix.

Mais le chômage n’est pas une fatalité. Et j’inverserai la courbe.

La formule est répétée dix jours plus tard dans le JT de TF1, toujours sans avancer de date. “Vous prenez un engagement chiffré ?”, lui demande le journaliste. Surtout pas, semble répondre le candidat :

Moi je dis que la courbe du chomage s’inversera.

Je ne promets rien que je ne serai capable de tenir. Je ne ferai pas comme Nicolas Sarkozy qui avait annoncé que le chomage tomberait à 5% de la population active et qui laisse un pays avec 10% de chomeurs.

Passage à partir de 13.20 :

François Hollande sait d’autant mieux que ce genre de promesses peut lui exploser à la figure que c’est son lieutenant, Jean-Marc Ayrault, alors président du groupe PS à l’Assemblée, qui a pris un malin plaisir à aller déterrer la vidéo des engagements de Nicolas Sarkozy datés de 2007 pour la diffuser sur le web en janvier 2012.

Bref, pas question de s’engager sur des taux trop faciles à retenir et trop difficiles à atteindre.

>> Acte 2 - Le risque de boomerang

Peu à peu, François Hollande va pourtant tomber dans le même piège : donner des objectifs plus précis. La bien vague “inversion de la courbe” va être acollée à une échéance: “fin 2013”.

Cela se passe le 9 septembre sur TF1. Le président est là pour donner un coup de fouet à sa communication et parle de son “agenda du redressement” :

Vous me dites qu’il faut accélerer, j’accélère. (...) Je pense que nous devons inverser la courbe du chômage d’ici un an.

Passage à partir de 9.18 :

Depuis, l’objectif est rappelé - au président et à ses ministres - en permanence. Fin février, lorsqu’il concède que les chiffres de la croissance et l’objectif de déficit devront être revus à la baisse pour 2013, chacun y voit une reculade obligée sur le chômage. Au Salon de l’agriculture le 23 février, on le dit moins déterminé.

Défiant toute loi du boomerang, François Hollande va tenter de faire mentir les commentateurs en assurant que l’objectif est maintenu et même “tenable”. Le 4 mars, il organise un déplacement spécial emploi à Blois pour afficher sa fermeté.

>> Acte 3 - Les portes de sortie

Et si ça ne passe pas ? Face aux perspectives économiques, une inversion de la courbe - soit une baisse du nombre total de chômeurs - apparait pourtant difficilement tenable. L’entourage du chef de l’Etat commence donc à faire comprendre que stabiliser le nombre de demandeurs d’emplois serait déjà remplir l’objectif.

Ainsi d’un “fidèle” dans Les Echos de ce 5 mars :

Quand ça arrête d’augmenter, on n’est plus sur la même courbe. L’inflexion, c’est le début du plateau.

Autrement dit, plutôt que d’être littéralement “inversée”, la fameuse courbe du chômage cesserait de croître et atteindrait un seuil. Signe positif que François Hollande pourrait alors brandir pour promettre une réelle inversion, mais un peu plus tard.

En mars 2012, Nicolas Sarkozy, loin de ses objectifs de départ, s’était félicité d’une “baisse tendancielle de l’augmentation du nombre de chômeurs”. Leur nombre augmentait toujours, mais moins vite. A l’époque, et comme le rappellent Les Echos,  François Hollande avait ironisé sur la “rhétorique subtile” de son concurrent lors d’un meeting.

Du rab sur le Lab

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