Derrière la victoire de Benoît Hamon à la primaire, une équipe portée par le duo Mathieu Hanotin-Roberto Romero

Publié à 12h50, le 30 janvier 2017 , Modifié à 19h12, le 30 janvier 2017

Derrière la victoire de Benoît Hamon à la primaire, une équipe portée par le duo Mathieu Hanotin-Roberto Romero
Benoît Hamon avec Mathieu Hanotin (à gauche) et Roberto Romero (à droite) dimanche 29 janvier à la Mutualité, à Paris. © Margot L'Hermite

Mercredi 18 janvier 2017. A l’Institut  national du Judo de Paris, Benoît Hamon s’offre un long bain de foule. Juste derrière le candidat à la primaire de la Belle Alliance Populaire, un homme le suit comme son ombre. Ce soir-là, il fait brièvement office de garde du corps. Habitué aux cortèges des manifestations, Roberto Romero n’est pourtant pas chargé de la sécurité du candidat : c’est son directeur de campagne adjoint.

Quasiment inconnu du grand public, Roberto Romero est pourtant l’un des principaux artisans de la victoire du député socialiste des Yvelines à la primaire ce dimanche 29 janvier. Avec un autre pilier de la campagne du candidat, le directeur de campagne de Benoît Hamon, Mathieu Hanotin, ils ont hérité d’un poste stratégique et sensible. Contacté par le Lab, Benoît Hamon évoque la paire Roberto Romero – Mathieu Hanotin :

 

 

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Roberto et Mathieu sont dans un registre différent. Ils ont formé un tandem complémentaire.

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Roberto Romero, joint par le Lab, confirme la complémentarité. "Il aime bien prendre la lumière, moi je suis un serviteur", affirme le Conseiller régional PS d’Ile-de-France natif du Chili. Quand le député PS de Seine-Saint-Denis Mathieu Hanotin porte la bonne parole du candidat auprès des journalistes, Roberto Romero, qui se méfie des médias, préfère se tenir plusieurs rangs derrière la scène. Loin des journalistes.

Pendant la campagne, le duo veille sur leur candidat. "Ils sont au petit soin pour Benoît. Ils sont là pour qu’il n’y ait pas de grain de sable et qu’il puisse se concentrer sur l’essentiel", explique au Lab l’un des porte-paroles de la campagne, Régis Juanico. "Mathieu a beaucoup d’intuition politique. Il sent les coups. Roberto, c’est la cheville ouvrière de l’ombre. Il a apporté sa capacité de travail et beaucoup de professionnalisme à la campagne", estime de son côté au Lab le trésorier de campagne Bastien Recher, ajoutant qu’il "a bien géré les équipes humainement". Il poursuit : "Les parapheurs, avant son arrivée, ça n’existait pas". "Roberto, c'est colonnes, croix, bâtons", note un frondeur du PS.

Au début de la campagne de Benoît Hamon, qui a annoncé  sa candidature en août 2016, Roberto Romero est en retrait. Son rôle ? Gérer les relations avec les partenaires de gauche, principalement EELV et le PCF. Ce n’est que fin novembre que Roberto Romero est nommé directeur adjoint de campagne afin d’épauler Mathieu Hanotin. Ce dernier a été désigné directeur de campagne peu après l’annonce de la candidature de Benoît Hamon. Le choix de Mathieu Hanotin était une évidence pour Benoît Hamon. C’est ce que dit le candidat à la présidentielle du PS :

 

 

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Je souhaitais un parlementaire pour diriger ma campagne car on voulait montrer que nous avions des élus de premier plan.

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Jusqu’au mois de novembre, l’équipe Hamon n’est qu’une petite start-up pas vraiment organisée. Le nouveau directeur adjoint de la campagne apporte alors son sens de l’organisation. "Quand Roberto est arrivé, ça a été un bol d’air. Beaucoup de choses partaient dans tous les sens", confie Mathieu Hanotin au Lab. "On est monté en gamme quand il a pu se libérer du temps. Il a été très précieux", observe de son côté Benoît Hamon. Il explique :

 

 

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Sa force, c’est qu’il a été l’organisateur de la campagne du non socialiste au référendum européen de 2005. Il avait donc déjà l’expérience d’une campagne nationale. Roberto fluidifie beaucoup les choses. Là où il y avait de la confusion, du bricolage et de la jeunesse, il a mis de la rigueur voire une certaine rugosité. Il est très carré.

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  • Organisation vs "créativité"

 

"Benoît m’a demandé de cadrer les choses", abonde Roberto Romero. Le bras droit du désormais candidat à la présidentielle est alors quelque peu surpris par "le désordre ambiant" qui règne avant sa reprise en main de la campagne. Adhérent au PS depuis 1997, Roberto Romero n’est pas un hamoniste historique. Les deux hommes se sont rencontrés en 2003, lors du Congrès PS de Dijon. Directeur de cabinet d’Henri Emmanuelli à l’Assemblée depuis 2004, il a toujours fait le lien entre le député des Landes et Benoît Hamon. "Avec Benoît, le rapprochement s’est fait avec le temps", confie Roberto Romero. Lors du Congrès de Reims, en 2008, ce dernier dirige sa campagne. Le début de "liens humains forts" entre les deux personnalités.

Dans les soutes à s’assurer que la machine fonctionne bien, Roberto Romero coordonne les différentes équipes. Dans une fonction qu’il situe "entre le job de directeur de cabinet et celui de chef de cabinet", l’homme-orchestre de Benoît Hamon fait penser au rôle joué par Patrick Stefanini pour François Fillon lors de la primaire de la droite. Roberto Romero passe des commandes, compile, centralise et relis les notes des nombreux experts qui travaillent pour le candidat. Le professeur de géopolitique à Paris VIII décide ensuite ou non de les passer au candidat. Parfois, il rédige lui-même des notes, sur l’Amérique latine. Couteau suisse, le directeur de campagne adjoint peut aussi faire le chauffeur pour conduire le candidat jusqu’à ses partisans après le troisième débat  de la primaire, le 19 janvier, organisé par France 2 et Europe 1.

"Dans une campagne, il faut un minimum d’organisation et j’ai besoin de gens plus rigoureux que moi. Mais je crois beaucoup à l’horizontalité pour permettre de créer une vraie émulation", explique Mathieu Hanotin. Polyvalent, "créatif et positif" selon le très hamoniste Pascal Cherki joint par le Lab, le député socialiste de Seine-Saint-Denis a notamment géré l’organisation des meetings et des déplacements de campagne ainsi que le lien avec les parlementaires socialistes, au côté de Régis Juanico. "Il les a appelés et il les a décrochés. A un moment, il y avait un doute sur la capacité à aller au bout de notre campagne", se rappelle Benoît Hamon. C’était à la rentrée. A ce moment-là, l’ancien ministre de l’Education nationale était nettement distancé par Arnaud Montebourg dans les sondages. Mais le député des Yvelines assure  qu'il y aura bien des bulletins de vote à son nom.

Entre le duo, le partage des tâches se fait de façon naturelle et fluide. Roberto Romero, 49 ans, et Mathieu Hanotin, âgé de 38 ans, se connaissent depuis une quinzaine d’années. En 2005, les deux hommes font leurs classes ensemble lors de la campagne en faveur du non au référendum sur la Constitution européenne. Roberto Romero est directeur de la campagne des socialistes opposés au traité. Il hérite alors par le premier cercle du surnom - connoté - d'"El Comandante". "J’étais une modeste petite main", se souvient de son côté Mathieu Hanotin, qui a adhéré au PS en 1996 avant d’intégrer le MJS puis l’Unef. Les deux ne se quittent plus depuis cette époque. Ils intègrent logiquement le courant de Benoît Hamon et Henri Emmanuelli, "Un Monde d’avance" (UMA) né lors du Congrès de Reims en 2008. "Avec Benoît, notre relation s’est construite au fil du temps, par étapes", explique lui aussi Mathieu Hanotin, qui a donc récemment intégré le premier cercle de Benoît Hamon.

 

  • Homme d'appareil vs campagne en Seine-Saint-Denis

 

Le directeur de la campagne a représenté son candidat au sein du Comité national d’organisation de la primaire (CNOP). Mais il dit ne pas être pour autant "un homme d’appareil". Faux, rétorque un cadre de l'aile gauche du PS. "Depuis tout jeune Mathieu Hanotin ne fait de la politique. C'était un homme d'appareil au sein de l'UNEF, où il mobilisait y compris dans les bus. Il l'a aussi été au PS pour se faire élire en Seine-Saint-Denis", tacle cet élu PS. Il ajoute : "Il ne faut pas trop exagérer le rôle de Roberto Romero et de Mathieu Hanotin. Le mérite de la victoire revient surtout à Benoît Hamon qui est parvenu à être le candidat le plus imaginatif durant cette campagne. Il a par ailleurs beaucoup travaillé". 

Habitué depuis des années à ferrailler rue de Solférino avec le "Monsieur élections du PS", le député de Haute-Garonne Christophe Borgel, Roberto Romero est décrit comme "un apparatchik" par certains cadres du PS. C'est "un excellent connaisseur du parti", pense pour sa part le député de Paris Pascal Cherki. Rares sont les informations du parti qui échappent en effet à cet homme de l’ombre. Une nomination au PS ? Il est très vite au courant. Un souci dans une fédération ou dans une section PS ? On lui fait remonter le problème souvent avant tout le monde, même s’il est dans l’opposition interne. Membre du CNOP, Roberto Romero fait partie du Conseil national du PS depuis 2005 et siège à la Commission d’investiture du parti. En mai 2015, lors du Congrès de Poitiers, l'adjoint au maire Bagneux (Hauts-de-Seine) est même envoyé par les frondeurs socialistes réunis au sein de la motion B pour superviser le scrutin à La Réunion.

Pas suffisant pour faire gagner les frondeurs face au Premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis. "Avec dix Roberto Romero, j’aurais remporté le Congrès", lâche à l’époque le candidat de la motion B, le député de la Nièvre Christian Paul. Pascal Cherki nuance un peu en souriant : "Pour gagner, il aurait fallu dix Roberto et dix Mathieu". "C’est un peu excessif, en tout cas j’ai une réputation d’organisation et de connaissance du parti", relativise Roberto Romero.

Plus qu'à Solférino, Mathieu Hanotin, qui adore faire campagne, bataille surtout en Seine-Saint-Denis. En 2008, il devient Conseiller départemental de Seine-Saint-Denis après avoir ravi à la surprise générale au PCF un canton à Saint-Denis. Il récidive quatre ans plus tard, battant l’indéboulonnable député communiste Patrick Braouezec. L’expérience des campagnes loin d’être gagnées d’avance, déjà.

 

  • Meetings vs télé

 

Le credo de Mathieu Hanotin : multiplier les meetings. Alors que Arnaud Montebourg et Vincent Peillon délaissent les réunions publiques, Benoît Hamon, lui, les enchaînent : il a tenu 10 meetings avant le premier tour, et 2 supplémentaires lors de l’entre-deux-tours. Mathieu Hanotin a dû imposer sa stratégie dans son propre camp :

 

 

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Dans l’équipe, tout le monde n’était pas convaincu mais je suis battu pour qu’on fasse un certain nombre de meetings.

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La stratégie s’est avérée gagnante, à l’heure où l’utilité des meetings est pourtant de plus en plus remise en cause. "Mathieu sent très bien les dynamiques. Il a eu l’intuition que les meetings étaient importants dans la campagne. Ils ont joué un grand rôle dans la mobilisation, mais il fallait que ça soit réussi", relève Guillaume Balas, l’un des principaux soutiens de Benoît Hamon, auprès du Lab. "J’ai l’intime conviction que cette campagne, on ne l’a pas gagnée à la télé, mais sur le terrain au contact des gens et des militants. Une campagne, c’est quelque chose de charnel. La télé, c’est un moyen de passer des paliers et d’élargir l’audience", estime Mathieu Hanotin. Le député de Seine-Saint-Denis "ne refuse jamais d’aller au feu", se félicite Benoît Hamon. Le vainqueur de la primaire de la BAP ajoute : "On avait besoin de quelqu’un qui se dédouble"

Comme les autres soutiens de Benoît Hamon, le directeur de campagne adjoint de Benoît Hamon n’a pas ménagé ses efforts. En 2005, déjà, Roberto Romero avait organisé le dernier meeting de campagne de la gauche opposée au traité de Constitution européenne à l’Institut national du Judo, à Paris, le 27 mai. Deux jours plus tard, le "non" l’emportait. Cette-fois, le non des électeurs de gauche s’est transformé en un "oui". Un "oui" clair pour que Benoît Hamon soit le candidat du PS à la présidentielle. 

 

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