Fermeture de l'Hôtel-Dieu : le dossier qui embarrasse Marisol Touraine

Publié à 17h28, le 01 août 2013 , Modifié à 18h01, le 01 août 2013

Fermeture de l'Hôtel-Dieu : le dossier qui embarrasse Marisol Touraine
L'Hôtel-Dieu, le 24 juin 2013. (Ian Langdson/MaxPPP)

FERMERA, FERMERA PAS ? - La ministre de la Santé et des Affaires sociales Marisol Touraine doit plancher dès cet été sur le dossier des retraites, qui sera porté à l'étude du Parlement à la rentrée prochaine.

Vu les remous que la réforme risque de provoquer, y compris au sein de la majorité, la ministre s'est efforcé de temporiser sur un autre dossier polémique : la fermeture de l'Hôtel-Dieu.

En novembre 2012, explique un communiqué syndical, la commission médicale d'établissement (CME) de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) vote une motion demandant la fermeture progressive des urgences du plus vieil hôpital de France, situé sur l'Ile de la Cité, en plein coeur de Paris.

Motif ? "Il ne possède plus l'environnement exigé pour soigner correctement les malades".

L'occasion de faire évoluer l'hôpital, explique un peu plus tard le député socialiste de Paris Jean-Marie Le Guen, par ailleurs spécialiste des questions de santé publique et président du Conseil de surveillance de l'AP-HP. "Je me suis battu pour éviter sa fermeture", expliquait en février dernier le parlementaire au Journal du dimanche  :

C'est le renouveau de l'hôpital public qui se joue au coeur de Paris ! Faute de pouvoir financer des travaux de mise aux normes au coût exorbitant, le très vieil Hôtel-Dieu ne pouvait plus fonctionner.

A la place, nous allons créer un "hôpital debout", un hôpital de santé publique où l'on ne dormira pas, l'hôpital du XXIe siècle.

L'objectif serait de proposer aux patients des consultations de médecine générale, de spécialistes sur rendez-vous, un centre de prévention et de dépistage, et un centre d'enseignement en santé publique, mais sans plus accueillir de patients la nuit.

Le projet ne fait pas l'unanimité au sein de l'équipe actuelle de l'hôpital, qui dénonce une tentative d'"euthanasie" de l'établissement fondé en... 651.

Figure de proue de la fronde, le Dr Gérald Kierzek est l'un des urgentistes de l'établissement. Le 8 juillet, il est brutalement démis de ses fonctions. Il explique dans un communiqué syndical :

J'ai été démis de ma responsabilité médiacle du SMUR par une lettre recommandée du chef des urgences, le professeur Bertrand Renaud.

Je reste médecin hospitalier, médecin de base.

Précision : à ses yeux, Gérard Kierzek a été démis "non pour des raisons professionnelles mais pour des raisons politiques".

C'est ce qui conduit la ministre de la Santé Marisol Touraine à "décaler", deux jours plus tard, la fermeture des Urgences, initialement prévue pour le début du mois de novembre. Elle indique alors prendre en compte "la dégradation du climat" social dans l'hôpital.

Dans son édition du 28 juillet, le quotidien Libération sous-titre : la demande de report émane de Matignon, qui ne veut pas que le débat sur les retraites soit parasité par un autre sujet brûlant, à la rentrée.

Mais le président de la CME - qui avait décidé de la fermeture de l'Hôtel-Dieu -, le professeur Loïck Chapron, contre-attaque : dans un long communiqué (les deux premières pages de ce document) repris par l'AFP, il explique que la non-fermeture des urgences fait courir un risque sanitaire :

Maintenir ce service d'accueil des urgences (SAU) serait flouer les Parisiens, de manière irresponsable et condamnable, en les mettant à la merci d'un accident grave dû à l'insuffisance de moyens.

Au lendemain de l'annonce du report, le professeur s'était déjà fendu d'un communiqué (page 3 de ce document) où il faisait également le lien avec les élections municipales, qui ont lieu au printemps 2014 :

La ministre croit, dit−elle, toujours au formidable projet du futur Hôtel−Dieu mais trouve préférable non pas de le "reporter", mais de le "décaler" (la nuance dépasse mon entendement) de quelque mois, ce qui pourrait (comme par hasard) nous mener au mois de mai 2014. (...) Et voilà, tout s'éclaire ! Les élections municipales du printemps prochain !

Il poursuit en évoquant un échange avec des conseillers de la ministre, après avoir décrit le tête-à-tête avec Marisol Touraine :

J'ai aussi parlé à deux conseillers de Mme Touraine. L'un a esquivé le sujet pour m'entreprendre sur les projets immobiliers de l'AP-HP.

L'autre est revenu sur l'affaire de l'Hôtel−Dieu pour me confesser sans rire sa crainte d'une fronde nationale qui aurait explosé le 4 novembre si on avait fermé les urgences : les mécontents de toute la France en matière de politique territoriale de santé (fermetures de petits hôpitaux ou de maternités) se seraient ligués autour du Dr Kierzek pour ameuter les populations et faire vaciller le ministère...

Malgré le ton qu'on sent sarcastique du professeur, l'hypothèse pourrait bien avoir été prise au sérieux par le gouvernement.

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