"Immigration bactérienne" : l'argumentation foireuse du FN, de la "coquille" au "mauvais copier-coller"

Publié à 10h08, le 11 novembre 2015 , Modifié à 11h47, le 12 novembre 2015

"Immigration bactérienne" : l'argumentation foireuse du FN, de la "coquille" au "mauvais copier-coller"
Marine Le Pen © AFP

TOUCHE LE FOND MAIS CREUSE ENCORE - De la difficulté de se justifier sur l'utilisation d'un terme légèrement polémique. Depuis mardi 10 novembre et la publication, par La Voix du Nord, du programme santé/environnement de Marine Le Pen pour les régionales, comprenant la volonté "d'éradiquer toute immigration bactérienne", le FN galère *un tout petit peu* pour expliquer que 1) il s'agit d'une malencontreuse erreur dans le choix des mots mais 2) l'idée globale est assumée.

C'est Sébastien Chenu, colistier de Marine Le Pen dans le Nord, qui s'y est collé. Pour tenter de calmer les esprits au sujet de l'association des termes "immigration" et "bactérienne", il a aligné plusieurs arguments à la suite et auprès de divers médias. Des arguments tous plus maladroits les uns que les autres.

# "Coquille"

Dans un premier temps, interrogé par un journaliste de RTL, Sébastien Chenu a évoqué une "coquille". Au lieu d'"immigration", il fallait bien sûr lire "épidémie".

Ces deux mots étant assez peu proches l'un de l'autre, tout cela ne paraissait pas très sérieux.

Ballot.

# "Pas vraiment une coquille"

Dans la foulée, il est revenu sur cette explication auprès de Metronews, expliquant que ce terme-là, lui aussi, était inexact :

 

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Ce n'est pas vraiment une coquille, ce que je voulais dire c'est que ce terme d''immigration bactérienne' n'est peut-être pas exactement celui véhiculé par les professeurs de médecine que nous avons recensés et qui nous ont alertés sur ce phénomène.

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Ballot x2.

Dans le même temps, il maintient l'idée générale qui sous-tend cette proposition de la présidente du FN : "La philosophie c'est celle-là, on n'a aucun problème sur le fond de ce qui est dit."

# "Lapsus"

La troisième tentative se fait auprès de l'AFP. Sébastien Chenu explique à l'agence de presse qu'il s'agissait en réalité d'un "lapsus". Dramatique confusion que celle qui vous amène à écrire "immigration" en lieu et place d'"épidémie"...

Ballot x3.

# "Mauvais copier-coller"

Toujours auprès de l'AFP, il ajoute :

 

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[C'est] un mauvais copier-coller, la version officielle sera dans le programme [de Marine Le Pen].

"

Un programme qui doit être présenté samedi 14 novembre. Il avait déjà expliqué à Metronews : "Ce qui fait foi, c'est ce qui sera présenté samedi dans le programme officiel par Marine Le Pen. Elle reviendra précisément sur cette question."

Pour réaliser un "mauvais copier-coller", il faut donc que les termes incriminés aient été écrits quelque part. C'est d'ailleurs ce qu'assurait un journaliste de La Voix du Nord à Metronews :

 

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Non seulement le FN a dit 'dénoncer et éradiquer toute immigration bactérienne', mais il l'a écrit : notre papier sur la santé de ce matin était issu d'un échange de mails avec l'équipe de campagne de Marine Le Pen.

"

Mais on ne sait pas si, dans cette première version, il s'agissait d'une "coquille" ou d'un "lapsus"...

Ballot x4.

 

[Edit 12/10]

Marine Le Pen elle-même est revenue sur la polémique, au micro de France Bleu Nord puis de France Bleu Picardie, jeudi 12 novembre. "Tout le monde aura vu que la formulation était étrange. En réalité, c'était un mauvais copier-coller mais ce qui m'intéresse surtout, c'est le fond", a-t-elle d'abord évacué. Et la cheffe frontiste de préciser sa pensée, maintenant l'idée sous-tendue par cette "formulation étrange".

Voici ce qu'elle a expliqué ce jeudi :

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- Marine Le Pen : Le fond du problème, c'est qu'un certain nombre de sommités médicales - et je pense à Charlotte Biron qui est au service des maladies infectieuses tropicales, et au centre des maladies infectieuses et transmissibles - indiquent qu'en 2009, 50% des cas de tuberculose et 75% de la prise en charge des hépatites B chroniques concernaient les migrants.



- France Bleu Nord : L'OMS dit le contraire, Médecins du monde à Calais dit le contraire...



- Marine Le Pen : Oui d'accord, on sait pertinemment... Bah excusez-moi, lisons les journaux ! On voit bien que c'est une épidémie de gale qui a justifié le démantèlement du camp Porte de la Chapelle [à Paris, ndlr], qu'il y a des cas ici ou là de lèpre et de choléra et d'ailleurs c'est pas de la faute des migrants en quelque sorte...



- France Bleu Nord : C'est de la précarité... La gale, on la retrouve pas que dans les camps de migrants...



- Marine Le Pen : D'accord mais c'est un fait, et que dans le cadre de la santé et de l'importance que nous accordons à la santé des habitants de la région Nord-Pas-de-Calais - Picardie, nous nous attachions à détecter ces éventuelles épidémies et à y apporter une solution, nous sommes dans notre rôle de responsables. Et moi je suis ahurie de voir ceux qui voudraient cacher ce problème. Ce n'est pas en cassant le thermomètre que l'on fait tomber la fièvre.

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Elle avance donc des chiffres de 2009 rendus publics par le Bulletin épidémiologique hebdomadaire en 2012, selon lesquels tuberculose, hépatite B et VIH sont surreprésentés au sein des populations récemment immigrées en France, notamment venues d'Afrique subsaharienne. Populations qui connaissent "un risque d'exposition et d'infection plus élevé" que le reste de la population française et qui représentaient 12% des 5.3 millions de personnes immigrées vivant en France en 2007.

Mais la présidente du FN donne les informations qui l'arrangent. Elle *oublie* effectivement d'évoquer les explications avancées par les chercheurs à ce sujet, qui écrivent que "les migrants ont un moindre accès à la prévention dans leur pays d'origine et peut-être aussi en France" et que ce risque plus élevé peut s'expliquer par "les conditions de la migration et une précarité sociale favorisant la transmission de la tuberculose et la transmission intrafamiliale du virus de l'hépatite B"

 

Du rab sur le Lab

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