Jean-Marie Le Pen raconte comment Giscard et Chirac ont voulu récupérer ses voix en 1981 et 1988

Publié à 16h27, le 03 mars 2016 , Modifié à 16h34, le 03 mars 2016

Jean-Marie Le Pen raconte comment Giscard et Chirac ont voulu récupérer ses voix en 1981 et 1988
© Montage via AFP

Jacques Chirac avait théorisé le "cordon sanitaire", ce garde-fou infranchissable installé entre le Front national et la droite républicaine. Il ne pouvait y avoir d'accord entre les deux camps. Impossible. Inimaginable. Impensable. Et ceux qui osaient braver l'interdit se voyaient excommuniés sans préavis.

Pourtant, certains ténors, et non des moindres, ont voulu pactiser avec le diable Jean-Marie Le Pen.

L'hebdomadaire Marianne publie ce vendredi 5 mars des extraits de l'ouvrage interdit du patriarche Le Pen, un livre de confidences avec Robert Ménard jamais publié. Le "Menhir" raconte plusieurs étapes de sa vie dans ses Antimémoires et notamment ses rencontres avec Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac lors des campagnes présidentielles de 1981 et 1988.

En 1981, Jean-Marie Le Pen n'a pas réussi à obtenir les 500 parrainages d'élus nécessaires pour se présenter à l'élection présidentielle. Quelques jours ou quelques semaines avant l'élection, Valéry Giscard d'Estaing, qui estime aujourd'hui que Jean-Marie Le Pen a eu peur de se présenter face à lui , envoie un émissaire, Victor Chapot, auprès du président du FN. L'objectif, selon Jean-Marie Le Pen : convaincre le chef d'extrême droite d'appeler à voter pour le président sortant.

La suite, c'est Jean-Marie Le Pen qui l'écrit :

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Comme il ne m'avait pas aidé à être candidat, je lui ai fait répondre que j'appellerais à voter Jeanne d'Arc. Et il a perdu. Il m'a invité à dîner à plusieurs reprises après sa défaite et nous avons reparlé de cela. Il a reconnu que m'avoir empêché d'être candidat avait été absurde.

 

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Jean-Marie Le Pen avait déjà parlé de cette entrevue en octobre 2014. "Il me demandait de faire un geste en sa faveur. Si je ne faisais que 2% à l'époque, cela aurait suffi à le sauver de la trahison chiraquienne car le RPR faisait voter pour François Mitterrand", rapportait-il au Scan du Figaro .

Dans les extraits des Antimémoires que publient Marianne, on apprend qu'un autre homme de droite a courtisé Jean-Marie Le Pen : Charles Pasqua pour Jacques Chirac. Cela s'est passé en 1988. À l'initiative de Charles Pasqua, le Premier ministre d'alors rencontre le président du FN. Cela se passe sous l'œil d'Edouard Balladur. Jean-Marie Le Pen se souvient :

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Chirac est très nerveux, il fume cigarette sur cigarette, il a les jambes croisées et balance son pied frénétiquement. 'Je ne peux faire aucune concession, je ne peux rien vous accorder sur quoi que ce soit'. La rencontre a tourné court. […] Pasqua poussait à un accord. Il savait que sans mes voix, Chirac ne pouvait pas être élu. Maisil aurait été obligé de me prendre comme Premier ministre.

 

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Une hypothèse que Jacques Chirac ne pouvait vraisemblablement pas accepter, lui qui, finalement, perdit l'élection présidentielle face à François Mitterrand.

Là encore, cette entrevue a déjà été évoquée par le passé. Dans son livre L'homme qui ne s'aimait pas, Éric Zemmour assure que les deux hommes se sont rencontrés secrètement entre les deux tours de la présidentielle de 1988. En 2002, quelques mois avant le scrutin qui allait le voir accéder au deuxième tour de la présidentielle, le "Menhir" était revenu sur cet épisode au cours d'une conférence de presse, relayée notamment par La Dépêche du Midi . "Chirac était demandeur et souhaitait que je puisse lui apporter le soutien des voix que j'avais obtenues au premier tour, mais sans prendre aucun engagement à l'égard de mes électeurs. Il pensait que ça pourrait lui servir", affirmait-il.

 

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[BONUS TRACK] La pression

Marianne publie les extraits du livre "interdit" de Jean-Marie Le Pen. Interdit parce que cet ouvrage aurait dû être publié à l'origine en 2013 aux éditions Jacob-Duvernet. Mais quelques semaines avant son impression, le livre voit sa production interrompue. Robert Ménard, qui interroge le "Menhir" dans l'ouvrage, ne veut plus entendre parler de sa publication. "On arrête tout, je ne veux plus publier le livre", dit-il, cité par Marianne, à Luc Jacob-Duvernet.

Selon l'hebdomadaire, Robert Ménard aurait cédé aux pressions de Marine Le Pen. Marianne écrit : 

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Si le livre était paru, le soutien du FN à la candidature de Robert Ménard à la mairie de Béziers aurait été compromis.

 

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En avril 2014, Robert Ménard a été élu maire de Béziers avec le soutien du FN. 

Du rab sur le Lab

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