DE L'ART DE RETOMBER SUR SES PATTES - Non, il n'y aura pas de nouveaux prélèvements en 2014. Ou presque.
Invité d'Europe 1 ce 25 février, Jérôme Cahuzac s'est trouvé dans une position délicate : comment expliquer les propos de François Hollande tenus l'avant-veille et annonçant de possibles "prélèvements supplémentaires subsidiaires" en 2014 pour boucler le budget ? Comment, surtout, justifier cette annonce alors qu'il avait promis le contraire un petit mois plus tôt ?
Comme le rappelle Laurent Guimier dans le Vrai-Faux de l'Info sur Europe 1, Jérôme Cahuzac s'est en effet engagé le 6 janvier à "ne pas demander davantage" et à pratiquer une politique de "stabilité fiscale" dès 2014 et ce pour tout le reste du quinquennat. Même promesse en septembre 2012, en ces termes :
L’effort fiscal nous le demandons en 2013, il n’y aura pas d’effort fiscal demandé ensuite car le président de la République s’est engagé à la stabilité fiscale.
Les impôts, ils augmentent en 2013 et ensuite il faut la stabilité fiscale car les agents économiques ont besoin de cette visibilité.
Les impôts n'augmentent qu'en 2013, pas de "nouvel effort fiscal" par la suite ... Que penser alors des "prélèvements supplémentaires subsidiaires" envisagés par François Hollande ?
Pour ne pas laisser croire au revirement, Jérôme Cahuzac va user de toute la subtilité politico-économique possible. En substance : les impôts levés en 2014 ne seront qu'un prolongement de ceux levés en 2013.
Une manière d'assurer la stabilité fiscale promise en demandant un effort fiscal ... constant. L'exceptionnel devient alors la norme.
En 2013, il y a eu cinq à six milliards d’impôts levés qui ne le seront pas en 2014, car ils ne pouvaient l’être qu’une seule année.
Si nous ne faisons rien de plus en matière de fiscalité, il y aurait cinq à six milliards d’euros d’impôts de moins en 2014.
C’est une nouvelle que j’aimerais annoncer aux Français mais la situation financière de la France ne permet pas de nous priver de ces milliards d’euros de recettes.
L'astuce étant un peu complexe, Jérôme Cahuzac va s'employer durant le reste de l'interview à être plus clair :
Ce que je tente de vous expliquer, c’est qu’à partir du moment où, en 2014, nous n’aurons pas, toute chose égale par ailleurs, les six milliards d’euros d’impôts que nous aurons eu en 2013, il faudra évidemment en 2014 obtenir cette recette. (...)
On ne peut se permettre d’avoir six milliards d’euros de recette en moins par rapport à 2013, il faudra donc les trouver. (...)
[Ce sera] pour compenser [les recettes] qui manquent en 2014 et déjà prélevées en 2013.
Et Jérôme Cahuzac de conclure que "la stabilité fiscale impose de trouver six milliards d'euros supplémentaires". Mais qu'il ne s'agit surtout pas d'impôts "nouveaux", juste d'un prolongement :
Ce ne sont pas des impôts nouveaux, c’est un prélèvement obligatoire stable !
Le ministre du Budget parvient ici à retomber sur ses pattes en jouant sur le concept de "stabilité fiscale". Il parvient surtout à faire oublier sa promesse initiale de limiter l'effort fiscal à 2013. Dans sa nouvelle version, les milliards levés en 2014 sont priés de s'aligner sur ceux levés en 2013, et ce tant que la croissance n'est pas revenue.
A NOTER :
En donnant le chiffre de six milliards d'euros de recettesà trouver en 2014, pour s'aligner sur 2013, Jérôme Cahuzac va nettement plus loin que François Hollande qui n'a évoqué que des "prélèvements subsidiaires". Le 23 février, le chef de l'Etat a en effet préféré insister sur les "économies"à réaliser en 2014, les impôts ne devant être, d'après lui, que secondaires.
BONUS TRACK :
Jérôme Cahuzac s'est exprimé la voix cassée au micro d'Europe 1 ce 25 février. Jean-Pierre Elkabbach le lui fait remarquer puis s'enquiert de la raison : "Vous êtes allé voir un match ... foot ou rugby ? A Londres ?"
Après avoir souligné sa "préférence" pour le rugby, Jérôme Cahuzac acquiesce:
Il y avait un match de rugby intéressant à Londres en effet.