La manière employée par la ministre (notamment) chargée du numérique pour engager une "réflexion" sur le rôle de ce conseil, qui doit éclairer le gouvernement en matière numérique, fait grincer des dents.
A tel point que le nouveau secrétaire général de l’instance, nommé jeudi 5 juillet par Fleur Pellerin, va se retrouver l’animateur d’une instance vide : 17 de ses 18 membres ont annoncé leur décision de quitter le conseil.
Une nomination imposée aux membres du CNNum
Sur latribune.fr
Une "nomination brutale", témoignant d’une "décision arbitraire", intervenue "sans concertation", et qui signe la "mise sous tutelle […] et la fin de l’indépendance" du Conseil national du numérique.
Voilà comment Laure de La Raudière, député UMP d’Eure-et-Loir, également secrétaire nationale de l’UMP chargée du numérique, qualifie, ce vendredi 6 juillet, l’annonce du lancement d’une mission de "réflexion" sur "la gouvernance du numérique", et "notamment sur le rôle du Conseil National du Numérique".
Comment en est-on arrivé là ? Petit retour en arrière :
Jeudi 5 juillet, dans un communiqué de presse de quelques lignes, signé de Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME, de l’innovation et de l’économie numérique, et Arnaud Montebourg, son ministre de tutelle, ministre du Redressement productif, Bercy annonce tout à la fois :
- le lancement de cette mission de réflexion,
- et la nomination d’un très proche de Fleur Pellerin, Jean-Baptiste Soufron, pour conduire celle-ci.
Cet ancien conseiller au cabinet de Fleur Pellerin, qui a travaillé à ses côtés lors de la campagne de François Hollande au sein du pôle numérique de la campagne socialiste, devient ainsi le deuxième "secrétaire général" de ce conseil, créé par Nicolas Sarkozy en mai 2011, après le départ d’un premier secrétaire général, le juriste Benoît Tabaka, chez Google France.
Problème :
Cette nomination, qui contrevient au règlement intérieur du conseil, a été imposée aux membres du CNNum.
Comme le révèle LaTribune.fr, celui-ci, très clair, prévoit que :
Le secrétariat général, composé d’un secrétaire général, d’un rapporteur général, de rapporteurs, est désigné par le président [du CNNum] après consultation des vice-présidents.
Le recrutement est alors sollicité au ministre en charge de l’économie numérique.
Une chaîne de décision qui n'a pas été respectée, puisque c'est Bercy qui a directement annoncé cette nomination.
A partir de là, les réactions s’enchaînent :
Jeudi 5 juillet, en tout début de soirée, 17 des 18 membres du CNNum annoncent, eux aussi dans un communiqué de presse, "remettre leur mandat à la disposition du Président de la République et du gouvernement".
Interrogée par Le Lab sur ces termes un brin sibyllins, Laure de La Raudière fait les sous-titres :
Bon, c’est une démission, hein.
C’est comme dire " technicien de surface" pour femme de ménage … .
Patrick Bertrand, dernier président du Conseil en date, lui, était nettement plus langue de bois. Et expliquait, interrogé par l’AFP sur le sens de cette décision :
Nous ne souhaitons pas gêner le gouvernement dans la définition future du CNN.
Si le gouvernement le souhaite, certains membres continueront à travailler pour le Conseil national du numérique nouvelle formule.
Vendredi 6 juillet, en fin d’après-midi, les choses deviennent plus politiques, avec l’intervention de l’UMP, qui organise le relai de sa protestation sur les réseaux sociaux …
Laure la Raudière détaille ses craintes :
"Ce qui importe, et ce qui fait peur aux acteurs du numérique, que je connais de longue date, c’est l’orientation qui va être donnée au conseil.
En l’occurrence, on ne peut que redouter une réforme qui aboutirait à un format de conseil qui ne serait pléthorique, et donc non efficace.
C’est la forme ramassée du CNNum qui a permis d'en faire un outil de conseil réactif, agile"
Sollicité par Le Lab, le cabinet de la ministre, Fleur Pellerin, explique "ne pas préjuger" des orientations qui seront retenues par Jean-Baptiste Soufron.
"Il lui appartiendra d’en faire part …", se borne-t-on à indiquer.