Notre blogueuse Delphine Dumont attendait le débat avec impatience. Elle analyse le débat, sur la forme, sur le fond, les faiblesses, les tâcles et les boulettes. Mais au fait, et le vainqueur ?
Ballotage artistique
Je serais bien en peine de dire qui a vaincu l'autre dans le débat qui opposait (enfin !) Hollande à Sarkozy. Il n'y a pas eu de victoire écrasante ni dans un camp, ni dans l'autre contrairement à ce que certains prédisaient avant ou clamaient après. Chacun a marqué des points et chacun a failli à un moment.
Forme : Hollande alternait entre le passif et l'agressif quand Sarkozy est resté tonique la majeure partie du temps.
Programme :Hollande a largement détaillé le sien mais toujours sans expliquer par quel miracle il pourrait le réaliser. Sarkozy a plus défendu son bilan qu'annoncé ce qu'il proposait. Il a fallu attendre les toutes dernières minutes pour en savoir plus. Combien de téléspectateurs auront tenu jusque là ?
Bon point : Hollande, facilement et fréquemment déstabilisé, a su retrouver son calme assez rapidement, contrairement à son habitude. Nicolas Sarkozy a su, à plusieurs reprises, démontré en une phrase l'absurdité des propositions du candidat PS. Exemple : (sur le blocage du prix des énergies)
C'est à dire, ça va fonctionner comment c't'affaire ?
En imitant le questionnement légitime du consommateur lambda, Sarkozy a prouvé qu'il s'agissait d'une usine à gaz dont nul ne pouvait être sûr de bénéficier, ni de ce qu'il pourrait éventuellement y gagner.
Clarté : Pour François Hollande, c'est le zéro pointé. Son élocution hachée, difficile, puis brusquement précipitée et ses emportements soudains sont incompatibles avec la citation de chiffres. Nicolas Sarkozy a été bien meilleur sur ce point d'autant qu'il connait parfaitement ses dossiers et n'hésite pas une seconde. Par contre, la multitude de chiffres pouvait perdre un peu l'auditeur.
Bons coups : Chez François Hollande, l'exaspérant « Moi, président » répété 16 fois (16 !!) était pénible à écouter mais parfaitement conçu pour ancrer la possibilité de sa victoire. Même si on n'était pas dans l'argumentation mais bien dans le lavage de cerveau, ça reste très bien joué. Sa récupération du concept de "rupture" utilisé en 2007 par Sarkozy est aussi un très bon coup.
Nicolas Sarkozy a marqué de nombreux points en soulevant les contradictions de son adversaire comme son refus de voter certaines lois qu'il revendique aujourd'hui (laïcité, par exemple). De même lorsque le Président a rappelé qu'il avait déjà réalisé certaines des propositions du programme du candidat PS, comme la banque d'investissement, par exemple. Hollande semblait ignorer ce qui s'était passé en France ces cinq dernières années.
Votre normalité n'est pas à la hauteur des enjeux
De même, lorsque Nicolas Sarkozy a expliqué à son adversaire qu'il n'était pas à la hauteur du rôle, pas à la hauteur des précédents présidents, que la France n'avait pas besoin d'un "président normal" mais de quelqu'un d'exceptionnel, il a souligné les faiblesses de Hollande qui n'a d'ailleurs pas apprécié.
Enfin, à plusieurs reprises, le Président a su retourner l'argument du bilan en rappelant tout ce à quoi s'était opposé Hollande et qu'il inclut aujourd'hui dans son programme.
Boulettes : Nicolas Sarkozy n'aurait jamais dû évoquer DSK ou du moins, pas à ce moment-là. L'argument était incongru et minable. Minable aussi a été la réponse de Hollande qui a renié par trois fois son ami bien avant que le coq ne se réveille.
Le baillement de François Hollande qui a semblé réussir à s'ennuyer lui-même a dû horrifier ses conseils en communication. Pour le spectateur, il était assez déconcertant que cet homme qui s'endormait debout soit l'un des deux qui revendiquent le droit à mener de longues et difficiles négociations internationales.
A l'arrivée, François Hollande m'a confirmé qu'il n'était pas l'homme de la situation. Son absence d'expérience est souvent criante, ses propositions issues de tractations avec les partenaires du PS sont irréalisables et sa personnalité ne permet à l'évidence pas de surmonter ces faiblesses.
Il ne reste qu'à espérer que les bons points marqués par Nicolas Sarkozy soient suffisants pour rallier un grand nombre d'indécis ou détourner ceux tentés par un vote PS.