Le déni et l'absence

Publié à 18h55, le 03 avril 2012 , Modifié à 18h55, le 03 avril 2012

Le déni et l'absence
Pour Delphine Dumont, l'Europe et la crise économique ont été oubliées de la campagne. (Reuters)

Tandis que The Economist hallucine devant  programmes électoraux en cette période de crise grave, Jean Quatremer constate la disparition de l'Europe dans les discours des candidats.

Un constat que partage notre blogueuse Delphine Dumont ... 

  1. La campagne absurde

    Pour quiconque possède un peu de lucidité et de connaissances économiques, effectivement, la campagne est totalement absurde. 

    La palme du loufoque revient aux candidats d'extrême-gauche, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud ex-æquo. Quand ils proposent l'interdiction des licenciements ou le paiement à vie des salaires, ils devraient soit faire hurler de rire, soit être hués, mais ils sont applaudis. Bien sûr, en entretien, certains journalistes comme Jean-Jacques Bourdin vont jusqu'à manifester leur étonnement, mais pas plus. Des éditos critiques devraient recadrer les candidats et leur rappeler la réalité, mais non, la courtoisie française interdit d'aller plus loin que le fact-checking.

    Bien qu'appartenant à un parti dit plus modéré, Arnaud Montebourg propose tranquillement de prendre l'argent des banques pour le donner aux Français. Personne ne lui a dit que l'argent des banques n'existe pas, qu'il s'agit en réalité de l'argent des épargnants ou des investisseurs, et que ce qu'il envisage n'est rien moins qu'une confiscation sauvage. Cette idée, qui doit lui avoir été inspirée par Fidel Castro, ne soulève pas la moindre indignation ou la moindre moquerie. En France, en 2012, on peut proférer de telles absurdités en se réclamant d'un parti républicain. Tranquillou !

    Son candidat, François Hollande, lui, fait encore mieux. Il promet des dépenses publiques, des embauches de fonctionnaires et des lendemains qui chantent, on ne sait pas trop comment il financera, mais tant pis, c'est ainsi en France !

    À droite, ce n'est guère mieux. le président sortant promet bien des économies mais timidement, il ne faudrait pas effrayer le bon peuple. Il faudrait être sacrément dupe pour croire que la ceinture ne sera resserrée que d'un demi-cran après l'élection. Malgré les derniers bons résultats sur la réduction du déficit, il faudra savoir être vraiment économe et bon gestionnaire pour éviter le pire.

    Bien que je crois que Nicolas Sarkozy est conscient de la situation et mènera la meilleure des politiques, ou du moins, la moins mauvaise, je sais qu'il ne peut pas annoncer ses intentions réelles. S'il disait la vérité sur ce qui se profile, quelles seraient ses chances d'être élu ? Même s'il ne souffrait pas du rejet actuel, il lui serait impossible de proposer du sang, de la sueur et des larmes, les Français ne veulent pas l'entendre. Ils veulent du rêve et les médias entretiennent leur désir.

    Quel candidat pourrait expliquer la politique d'économies sévères indispensables et être élu ? Ne me répondez pas Bayrou, bien qu'il ait été le plus franc sur le sujet, il a quand même préservé un flou artistique et recouru au yakapivoilà.

    Allons-nous, comme les Grecs, continuer jusqu'à la faillite dans un rêve éveillé ? Allons-nous nous réveiller, accepter que ce qui devait être fait ne l'a pas été et qu'il faut maintenant redoubler d'efforts ? Qu'est-ce qui peut nous réveiller ?

    Ce déni de la réalité n'est pas la seule caractéristique de cette élection. L'absence de l'Europe en est une autre principale. Aujourd'hui, notre pays n'est plus une entité indépendante, nous appartenons à un grand ensemble : l'Europe. On peut s'en réjouir ou s'en désoler, les faits sont là.

    Pourtant, dans les programmes des candidats, l'Europe est à peine évoquée. Aucun n'a la moindre vision du machin, la moindre ambition. Le souverainiste Dupont-Aignan est le seul à en parler. Nicolas Sarkozy a un bilan européen très positif, mais il ne l'évoque même pas. François Hollande reste dans le flou le plus total, Quatremer a eu beau chercher, il n'a rien trouvé de précis dans le programme du PS. Être européen serait la nouvelle maladie honteuse ?

    Comment s'en étonner quand, depuis des années (toujours ?), les politiques ont pris l'habitude d'imputer à l'Europe ce qui ne va pas pour mieux se glorifier de ce qui va bien.

    Les Français ne sont ni idiots, ni incultes. Pourquoi vivons-nous dans cette illusion, je serais bien en peine de répondre, mais il est urgent qu'on en sorte. Nous devons comprendre la crise, nos faiblesses, nos forces, le monde dans lequel nous vivons et exiger des politiques et des médias qu'ils nous traitent en adultes. Ou nous assoir sur le seuil de nos maisons pour mieux voir arriver la fin.

Du rab sur le Lab

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