Il est de bon ton de s'en prendre aux journalistes dans cette campagne présidentielle. Jean-François Mancel l'a bien compris et a rédigé une proposition de loi dans ce sens, comme l’a repéré NextInpact . Dans ce texte déposé le 10 mars, qui propose d’amender la loi de 1881 sur la liberté de la presse, le député LR propose que la levée du secret des sources soit permise dans certains cas précis.
"L’absence de code de déontologie et d’une instance de contrôle [...] , le développement des chaînes d’information en continu, l’avènement des nouvelles technologies de l’information, un pluralisme purement formel qui conduit à une concurrence commerciale débridée modifient en profondeur l’équilibre entre la liberté d’informer et le droit à être respecté", expose cet ancien soutien de Nicolas Sarkozy. Il développe :
"Au fil des années tout apparaît de plus en plus permis au nom de la liberté d’informer : mise en cause individuelle ou collective sans précaution ni vérification, manipulation active ou passive de l’opinion publique, intensification du phénomène de grégarisation, quasi impossibilité de se défendre compte tenu, tout particulièrement, de la protection des sources.
"
Et l’élu de l’Oise de s’en prendre à la "pensée unique" (expression chère au même Nicolas Sarkozy) qui "porte aux nues" les sources qui ne seraient pourtant que, "dans la plupart des cas, des envieux, des jaloux ou des manipulés qui règlent des comptes à l’abri de l’anonymat [...] et de toute poursuite éventuelle".
"Pour toutes ces raisons", Jean-François Mancel propose d’ouvrir "le droit à toute personne physique ou morale directement mise en cause par un journaliste d’obtenir la levée du secret de ses sources pour se défendre". Pour étayer son propos, il dégaine d’ailleurs l’argument de la "transparence", qu’un mystérieux "on" (sous-entendu : les journalistes) voudrait "systématiquement imposer aux autres [...] sans se l’appliquer à soi-même".
Précisons par ailleurs que, s’il n’existe pas de "code de déontologie" comme l’affirme Jean-François Mancel, les journalistes se réfèrent à la Charte d’éthique professionnelle.
Les députés, en vacances parlementaires jusqu’à fin juin, n’adopteront logiquement pas cette proposition de loi avant la prochaine législature. L’acte est donc purement symbolique. Compte tenu de ce calendrier, on peut se demander légitimement si tout cela n’est pas une contre-attaque aux nombreuses enquêtes publiées sur François Fillon et notamment les emplois fictifs présumés, révélés fin janvier par Le Canard Enchaîné. Éric Woerth avait d’ailleurs demandé au Palmipède de révéler sa source.
Rappelons que le secret des sources a été introduit dans la loi en 2010 et la Cour européenne des droits de l’homme a consacré ce principe comme "la pierre angulaire de la liberté de la presse", comme le rappelait Le Monde . Mais en juillet 2016, l’Assemblée nationale avait voté, en deuxième lecture, un texte élargissant les possibilités d’atteinte au secret des sources.