CLIMAT DE QUASI DÉMISSION - C'est l'histoire ahurissante de la vraie-fausse annonce d'un lâchage acté mais pas encore effectif. Le directeur de campagne de François Fillon et proche parmi les proches, Patrick Stefanini, a bel et bien voulu démissionner. Il avait même préparé une longue et très argumentée lettre de démission, révélée par Le JDD vendredi 3 mars. Mais il se serait finalement rétracté, assure François Fillon à l'AFP. Cela ne serait cependant que partie remise d'après l'intéressé, qui assure auprès de Libération que cette démission prendra bien effet "dimanche soir".
Le JDD sort l'info en tout début de soirée et publie le document : deux pages au long desquelles Stefanini donne toutes les raisons du monde de quitter le navire de cette campagne qui sombre. Mais a-t-il pour autant réellement démissionné, son départ est-il acté, officiel ? Cela n'est pas précisé et l'expectative est donc totale. Résultat, à 20h17, l'AFP publie une alerte intitulée "le directeur de campagne de Fillon a voulu démissionner avant de se rétracter". Le candidat lui-même prend la parole et assure :
"Patrick Stefanini a repris sa lettre et est en ce moment au travail au QG [de campagne].
"
En clair : il n'a pas démissionné. D'où la stupeur générale lorsque, à peine quelques minutes plus tard, Patrick Stefanini himself explique à Libération que si si, sa démission "est irrévocable" et sera effective "dimanche soir".
Ce que, malgré la toute fraîche prise de parole du candidat qui indique l'inverse, l'équipe de campagne confirme dans la foulée, dans un communiqué à l'AFP :
"Patrick Stefanini a présenté ce matin sa démission a François Fillon qui l'a acceptée. Patrick Stefanini sera en responsabilité jusqu'à l'issue du grand rassemblement populaire de dimanche place du Trocadéro. Il sera remplacé lundi matin à la direction de campagne par Vincent Chriqui.
"
Voilà, cette fois c'est terminé. C'était le récit hautement improbable de *l'annonce* de démission du directeur de campagne de François Fillon.
Cette défection sera un premier immense coup dur pour François Fillon, après les lâchages des lemairistes, des juppéistes, de quelques sarkozystes en ordre dispersé et, surtout, de l'organisateur de la primaire et porte-parole Thierry Solère. Les autres fillonistes de l'extrême, Gérard Larcher et Bernard Accoyer, imiteront-ils celui qui est le grand artisan de la spectaculaire victoire de Fillon à la primaire ?
# Ce que contient la lettre
Dans sa lettre de démission, Patrick Stefanini confirme d'abord avoir (comme d'autres proches) conseillé à son champion "d'arrêter [sa] campagne". Mais l'intéressé a fait le choix inverse, comme le regrette Stefanini :
"Tu as pris une autre décision. Je la respecte. Je constate qu'à cette occasion, j'ai été minoritaire au sein de ton équipe. Je ne suis donc plus le mieux placé pour diriger ta campagne et j'en tire les conclusions. Nul n'est irremplaçable et tu peux t'appuyer sur Bruno Retailleau, le coordonnateur général de ta campagne, qui t'a encouragé à poursuivre.
"
Pointant ensuite la question "morale et donc éminemment subjective" posée par une candidature entachée d'une mise en examen (ce qui attend probablement François Fillon), ce vieil ami fait une référence qui n'a pas dû tomber dans l'oreille d'un sourd. Il évoque en effet les préconisations de Philippe Séguin, mentor revendiqué de Fillon, pour plaider dans le sens d'un retrait :
"Je me souviens qu'en 2001, les circonstances avaient voulu que je dirige la campagne de Philippe Séguin dans le 18ème arrondissement de Paris et qu'il m'avait demandé de ne pas être candidat sur sa liste au motif que j'étais alors mis en examen.
"
Dur...
Puis viennent les considérations politiques. Stefanini regrette que du fait des récentes défections en série, "il ne reste plus rien ou presque du fruit de [son] travail" de construction d'une équipe de campagne témoignant du "rassemblement de la droite et du centre". "Ta défaite au soir du premier tour ne peut donc plus être exclue", conclut-il, se refusant à *offrir* cette perspective à ses électeurs, qui devraient alors choisir, selon lui, entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen au second tour.
Il montre enfin toute sa gêne vis-à-vis du rassemblement organisé à Paris dimanche en soutien à François Fillon, mais que Valeurs Actuelles a présenté comme "une marche contre le coup d’Etat des juges". "Je te demande de me remplacer en tant qu'organisateur de ce rassemblement dans les relations avec le préfet de police", écrit Patrick Stefanini.