Publié à 13h00, le 21 janvier 2012 , Modifié à 00h50, le 23 janvier 2012

Le retour d'Anne Sinclair, une mauvaise idée

Anne Sinclair revient comme directrice éditoriale de la version française du Huffington Post  qui ouvrira lundi. Pour notre blogueuse Delphine Dumont, c'est une mauvaise idée.

  1. Anne Sinclair, la journaliste, le retour

    Anne Sinclair revient et elle en est bien contente. Si contente même qu'elle a tenu à nous le dire dans une interview parue cette semaine dans le magazine Elle.

    Ce retour et cet entretien posent beaucoup de questions et ne répondent pas aux éventuelles interrogations.  

    On peut s'étonner du choix d'Anne Sinclair pour diriger le Huffington Post français. Il y a bien longtemps qu'elle a disparu de la sphère médiatique professionnelle à de rares apparitions près. Elle était devenue une "people".

    Aux jours heureux, quand tout allait bien, elle rayonnait aux côtés de DSK, président du FMI. Dès mai 2011, elle a joué la femme courageuse et loyale qui soutient son mari dans l'adversité. Bien ou pas bien, à chacun d'en juger, mais professionnellement, qu'a-t-elle fait ? On l'ignore !

    Les journalistes féminines vedettes s'appellent Claire Chazal, Laurence Ferrari ou Anne-Sophie Lapix. Elles ont toutes un look hitchcockien. Le temps du col roulé mohair est bien loin...

    Patrick Sabatier fut une immense star de la télé. Aujourd'hui, il anime modestement un jeu le samedi en fin d'après-midi sur France 2.

    J'aurais bien vu Anne Sinclair écrire une chronique dans un journal, mais diriger le Huffington français, certainement pas !

    En plus de cette longue absence, il y a un manque de légitimité. Le Huffington est un pur produit Internet. Il faut connaître le web, les blogueurs et les internautes pour réussir le mélange qui a fait le succès de la version américaine.

    Anne Sinclair n'est pas une personnalité du web, elle a juste tenu un blog, c'est un peu léger comme référence.

    Autre point gênant, Dominique Strauss-Kahn n'en a pas fini avec les affaires. Il y a encore le procès civil à New-York et l'affaire du Carlton. Les dernières révélations de Marcel Campion pourraient bien déboucher sur une nouvelle instruction. Béatrice Schönberg et Audrey Pulvar ont été écartées de l'information pour moins que ça.

    Enfin, sans vouloir offenser madame Sinclair, il reste un point délicat : son âge. À bientôt 64 ans, quelle est sa capacité d'apprentissage ou de réaction ? Internet exige une curiosité de tous les instants et une réactivité de fauve. Si elle baignait dans le journalisme web depuis des années, ce serait plus simple, mais ce n'est pas le cas, loin de là !

    Une femme sous emprise

    Le grand public l'a découvert au moment de l'affaire de la Porsche : DSK et Anne Sinclair sont constamment brieffés par des experts en communication. C'est une très longue habitude et on a souvent l'impression que le couple n'est plus qu'une paire de marionnettes dans les mains de manipulateurs cyniques. L'interview donnée au magazine Elle est la dernière preuve de ce contrôle permanent ainsi que le relève Renaud Revel .

    L'image de couple fusionnel qu'elle a donnée à New-York l'été dernier lui colle aussi à la peau. Anne Sinclair est devenue une extension de DSK. Lorsqu'elle parlera, ce sera DSK, ou son équipe de communication, qu'on entendra. Lorsqu'elle fera son choix éditorial, ce sera eux encore qu'on verra à l'œuvre. À tort ou à raison, bien sûr, car il nous sera impossible de connaître son degré de liberté ou même de lucidité.Peut-être sera-t-elle réellement et totalement indépendante mais le passé nous empêche d'y croire.

    Diriger le Huffington Post demande une totale liberté d'esprit mais aussi un goût pour le risque. Je ne peux pas quantifier la première, mais je vois mal comment quelqu'un qui ne s'exprime qu'avec l'accord d'une équipe de communication pourrait prétendre avoir le goût du risque.

    Dans son interview, Anne Sinclair prétend être indépendante. Elle a toujours été très marquée à gauche et n'a jamais fait mystère de ses idées. Il est déjà délicat que quelqu'un d'aussi partisan dirige un journal qui se veut neutre, mais ça l'est encore plus lorsqu'on sait cette personne attachée à un homme très influent. Même dans cet entretien si cadré, la question du traitement de l'affaire Diallo n'a pas pu ne pas être posée.

    Anne Sinclair promet qu'elle n'interviendra pas pour influencer le contenu, c'est pourtant le travail d'un rédacteur en chef de faire des choix éditoriaux. Les questions soulevées par la nomination d'Anne Sinclair à la tête du Huffington Post français sont nombreuses et dérangeantes.

    Parmi toutes les personnalités du journalisme web, je pourrais facilement citer dix personnes mille fois plus qualifiées et pertinentes pour ce poste. Sans trop exagérer, je pourrais en venir à penser qu'il ne s'agit peut-être simplement que d'une nouvelle opération de communication destinée à réhabiliter Dominique Strauss-Kahn.

    En tous cas, il est évident que ce nouveau média va être l'objet d'inspections critiques et il serait dommage que cela se fasse au détriment de son contenu et de ses contributeurs. D'autant qu'ils seront bénévoles...

    Electrice, le blog de Delphine Dumont

    Suivre Delphine Dumont sur Twitter

  2. A lire aussi sur Le Lab

    Sur lelab.europe1.fr

    A lire aussi sur notre site, notre article un retour qui fait parler.

  3. Ce sujet se construit avec vous !

    Vous avez des tweets, articles ou vidéos à nous conseiller sur Anne Sinclair ? Déposez vos liens en commentaire.