En meeting à Marseille ce dimanche, Nicolas Sarkozy a déclaré vouloir "corriger à la marge" le mode de scrutin uninominal à deux tours en instaurant une dose de proportionnelle pour les élections législatives.
La justification du président est la suivante : "la République est plus forte quand tout le monde est représenté en son sein plutôt qu'en excluant systématiquement certains", "de grands courants de notre vie politique". Le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, a néanmoins jugé impossible mardi d'appliquer une telle réforme pour les législatives des 10 et 17 juin.
Mais qui sortirait vraiment gagnant d'une telle réforme ?
Accoyer oppose une fin de non-recevoir
Sur lepoint.fr
On ne change pas de mode de scrutin au pied levé, c'est totalement impossible, inimaginable. J'écarte totalement un tel scénario
selon le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer (UMP). "On peut démentir formellement toute modification du scrutin pour les prochaines législatives. Parce qu'il y a une tradition, on ne change pas le mode de scrutin durant la dernière année d'un mandat. Et parce que, pour les législatives, il faut consulter les forces politiques, conduire un redécoupage, valider par la loi ce redécoupage et enfin faire valider par le Conseil constitutionnel", a-t-il insisté.
Il oppose ainsi une fin de non-recevoir aux deux députés UMP, Richard Mallié et Philippe Meunier, qui ont déposé mardi une proposition de loi pour permettre, dès juin, l'élection à la proportionnelle. Leur proposition de loi vise à instiller une dose de proportionnelle pour élire 40 députés (soit moins de 10 %), ceux de Paris, Lyon, Marseille et des Français de l'étranger.
De quoi parle-t-on ?
- Avec le scrutin majoritaire est proclamé élu le candidat ou la liste de candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix. Dans un système d’élection à un seul tour, le ou les sièges à pourvoir sont attribués immédiatement au candidat ou à la liste arrivé en tête. L'Assemblée nationale détaille :
Dans le cadre du système électoral actuellement en vigueur en France pour les législatives, pour être élu dès le premier tour, il faut obtenir la majorité absolue, c'est-à-dire plus de la moitié des suffrages exprimés, et un nombre de suffrages au moins égal au quart des électeurs inscrits. Si aucun candidat n'y parvient, un second tour de scrutin est organisé ; seuls les candidats ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % des électeurs inscrits peuvent s'y présenter. Pour être élu au second tour, la majorité relative suffit : c'est le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages qui l'emporte.
- La proportionnelle : C'est un mode de scrutin visant à assurer une "représentation aussi fine que possible de la diversité des opinions des électeurs". Elle consiste, pour l'essentiel, à répartir les sièges en fonction du nombre de voix obtenues par les différentes listes de candidats en présence. A cet effet, les députés sont élus dans le cadre de circonscriptions relativement vastes. En France, la représentation proportionnelle s'est généralement exercée dans le cadre du département. Ce fut le cas, en dernier lieu, en 1986. Chaque département dispose d'un nombre de sièges proportionnel à sa population. Différentes méthodes de calcul peuvent être appliquées pour répartir les sièges de chaque circonscription. Le système de représentation proportionnelle peut s'accompagner de seuils minimum de suffrages en deçà desquels les listes ne peuvent prétendre participer à la répartition des sièges ; c'est le cas pour les élections au Parlement européen : seules les listes ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés peuvent disposer d'élus.
Selon l'Assemblée nationale, le système de représentation proportionnelle semble "plus équitable; il permet à un plus grand nombre de formations politiques de siéger au Parlement et de bénéficier d'une représentation aussi proche que possible de leurs résultats électoraux". A l’inverse, le scrutin majoritaire conduit à "effacer complètement certains courants politiques ; mais il permet de limiter l’émiettement des forces politiques et de constituer des majorités homogènes soutenant les gouvernements de manière stable".
A qui profite le crime ?
Sur francetv.fr
A priori, l'instauration de la proportionnelle aux législatives, même une "dose""à la marge", serait favorable aux petits partis. D'ailleurs, Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou et Marine Le Pen sont tous en faveur du rétablissement de ce mode de scrutin, car pour l'instant le seul moyen d'être présent dans l'Hémicycle est de recourir à une alliance, à l'instar d'EELV avec le PS.
Selon une simulation effectuée par EELV, aux législatives de 2007, le FN aurait remporté entre 38 et 45 sièges, le MoDem entre 51 et 60 et EELV entre 99 et 117.
François Bayrou est en effet un autre grand partisan de la proportionnelle. Le 3 novembre 2011, dans un entretien croisé pour Le Point, Alain Minc déclarait : "sur la majorité centrale, il faudrait une dose de proportionnelle à l'Assemblée qui permette au centre d'exister, de peser. Et ça, Nicolas Sarkozy peut l'imposer dès 2012... tandis que les socialistes peuvent le promettre. Mais en 2017 !".
François Bayrou lui répondait : "Un mode de scrutin juste, qui attribue des sièges en fonction du nombre de voix, c'est en effet le moyen de changer notre vie politique. Il faut à l'Assemblée des voix libres, qui ne dépendent pas du pouvoir, pas plus de l'opposition officielle. C'est faire place aux extrêmes ? Je l'assume. Ce sont des citoyens français de plein exercice et ils doivent être représentés. Ne serait-ce que pour que leurs idées puissent être combattues à visage découvert".
Selon L'Express, la proportionnelle est également réclamée par l'ancien ministre Jean-Louis Borloo, "qui à en croire ses proches, pourrait en faire l'une des conditions de son soutien au chef de l'Etat".
Nicolas Dupont-Aignan, Corinne Lepage, Nathalie Arthaud et Frédéric Nihous ne mentionnent pas l’introduction de la proportionnelle dans leur programme présidentiel.
Pourquoi y-a-t-il eu une proportionnelle en 1986 ?
Sur lalibre.be
La Ve République n'a connu qu'un seul scrutin législatif régi par la proportionnelle : les législatives de 1986. C'était une promesse de campagne de François Mitterrand en 1981, mais aussi un moyen de limiter les pertes du PS aux élections.
La Libre, un des quotidiens belges francophones, rappelle qu'à l'époque, "dans un communiqué commun, le RPR et l'UDF avaient fustigé le passage à la proportionnelle à un tour, jugé 'incompatible avec les institutions de la Ve République'".
François Mitterrand "réussit en partie son coup", estime le journal. Certes, la droite "remporta les élections, revint donc au pouvoir et lui imposa la première cohabitation (avec Jacques Chirac à Matignon). Mais à l'Assemblée, où furent élus 35 députés du FN, sa majorité fut moins large que ce qu'avait craint la gauche".
Dès juillet 1986, l'une des premières mesures prises par la droite fut d'ailleurs de rétablir le système majoritaire à deux tours.