Listes électorales : les raisons du silence à droite

Publié à 16h30, le 29 décembre 2011 , Modifié à 16h30, le 29 décembre 2011

Listes électorales : les raisons du silence à droite

Pour Romain Pigenel, blogueur sur le Lab, la quasi-absence de communication du gouvernement en faveur de l'inscription (des jeunes) sur les listes électorales réveille un clivage net entre majorité et opposition : la gauche veut des citoyens, la droite sarkozyste veut, elle, des individus coulés dans le moule.

  1. Moutons de droite, citoyens de gauche ?

    La polémique sur le faible engagement de l’État pour l'inscription des jeunes sur les listes électorales n'en finit plus de rebondir, malgré les dénégations et les tentatives d'explication du Ministère de l'Intérieur. Les faits sont têtus : la simple comparaison entre le budget de la propagande gouvernementale sur la réforme des retraites – on parle de 7 millions d'euros – et celui de la campagne d'inscription sur les listes électorales – 180.000 euros, soit trente-neuf fois moins– montre assez bien où la droite au pouvoir place le curseur, entre ses intérêts propres et l'intérêt général.

    Si on ajoute à cela le soin mis à communiquer sur ces mêmes inscriptions, en revanche, auprès des Français de l'étranger – supposés plus acquis à la droite que les jeunes – on obtient un tableau assez édifiant du sens civique de l'UMP. Parti il est vrai très hermétique, jusqu'en son sein, à la pratique démocratique – ce n'est pas moi qui le dis, mais Arnaud Dassier lui-même, ancien grand manitou web de Nicolas Sarkozy.

    Il serait pour autant injuste de dénier tout souci civique à la majorité en place. Il suffit de remonter quelques semaines en arrière pour trouver une droite extrêmement préoccupée, au contraire, par l'éducation civique des citoyens en devenir. Souvenez-vous : fin août, nous apprenions dans une interview du Parisien que Luc Châtel entendait remettre "la morale" à l'honneur à l'école. "Oui, je fais revenir la morale à l’école. La circulaire qui paraît ce jeudi est destinée à toutes les classes du primaire. Pas forcément tous les matins, mais le plus régulièrement possible, le maître va maintenant consacrer quelques minutes à un petit débat philosophique, à un échange sur la morale. Le vrai/le faux, le respect des règles, le courage, la franchise, le droit à l’intimité… Ne fixons pas de carcans. Peu importe la méthode pourvu que le professeur transmette un certain nombre de valeurs." Ah, le bon vieux temps du maître en blouse grise dont la règle en fer venait rappeler aux doigts des récalcitrants le VRAI et le FAUX (et surtout le FAUT) en matière de comportement !

    La rapide description que faisait Châtel de l'esprit de sa circulaire avait le mérite de la franchise. La circulaire elle-même n'hésitait pas à mettre les pieds encore plus lourdement dans le plat, faisant de la "politesse", de la "coopération" et du "respect" les fondations de l'édification morale des bambins. Si ces valeurs ne sont bien entendu pas condamnables en soi, la limitation de l'éducation comportementale à ce triptyque laisse songeur. Le terme d'éducation étant d'ailleurs moins approprié que celui de dressage – on comprend rapidement que la morale que l'on nous vante ne vise pas à produire des futurs citoyens engagés et épanouis, mais à affronter symboliquement cette figure centrale du sarkozysme qu'est la racaille , impolie et irrespectueuse, qui ne coopère pas assez à sa propre jugulation. En somme, la morale à l'école comme préalable, ou substitut, au coup de Kärcher. Une morale pensée à la fois pour flatter la nostalgie fantasmée des hussards noirs de la République, et répondre à la grande peur des classes dangereuses .

    Cette obsession du cours de morale à l'ancienne et de l'inculcation scolaire de la discipline, jointe à la discrétion sur l'inscription sur les listes électorales, dessine un clivage net entre UMP et gauche. La gauche veut des citoyens. La droite sarkozyste veut des individus coulés dans le moule. Autant elle est soucieuse de la liberté de l'individu en matière économique et sociale, autant elle se méfie des manifestations incontrôlées d'une énergie citoyenne qui, des manifestations de lycéens à celles contre la réforme des retraites, menace l'ordre résigné construit depuis 2007. Sans parler de l'éventualité d'un puissant vote de rejet en avril et mai prochain.

    C'est finalement une répartition des rôles très claire que propose l'UMP : à l'élite informée et socialement intégrée le choix, à la masse – notamment celle, abstentionniste, des quartiers populaires – l'obéissance et l'apprentissage du savoir-vivre. Après tout, Claude Guéant ne réclame-t-il pas des immigrés "polis" ? Ce cynisme n'appelle qu'une réponse : l'obtention et l'utilisation d'une carte de vote qui, c'est bien connu, ne s'use que quand on ne s'en sert pas.

    Variae, le blog de Romain Pigenel
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