Notre éditorialiste Olivier Duhamel s’interroge sur l’extension de l’usage des acronymes en politique.
Une commodité neutre ou une valorisation subliminale ?
Les Anglo-saxons adorent les acronymes. Ils ont même inventé une expression pour caractériser l’usage abusif des sigles et autres initiales : RAS syndrom.
La culture anglo-saxonne se répand partout avec la mondialisation. Les acronymes progressent donc chez nous. L’administration en raffole, par exemple dans l’éducation nationale pour les différents types de profs ( PE, PEGC, PLP, PTL, PRAG etc…). Les économistes en usent et en abusent, pour des groupes de pays (BRICS, PIGS…), ou des types d’entreprises (TPE, PME, ETI…).
Dans le monde politique, les acronymes ont toujours été utilisés pour dénommer les partis. De droite à gauche : FN, UNR devenue UDR devenue RPR devenu UMP ; UDF, UDI ; SFIO devenue PS, PC toujours resté PC.
S’agissant des personnes, l’acronyme a longtemps été réservé aux personnalités d’exception : PMF pour Pierre Mendès France, JFK pour John Fitzgerald Kennedy.
À l’ère des écrans, le temps s’accélère, les acronymes se répandent pour désigner les politiques dont les noms sont trop longs pour l’audimat ou occupent trop de signes. Cela a commencé dans les années soixante avec JJSS pour Jean-Jacques Servan-Schreiber et VGE pour Valéry Giscard d’Estaing – l’un et l’autre, admirateurs de JFK, ont apprécié.
Où l’on voit toute l’ambiguïté du recours à l’acronyme. Cela va plus vite de dire MAM que Michèle Alliot-Marie, DSK que Dominique Strauss-Kahn, NKM que Nathalie Kosciusko-Morizet, et, depuis ce mardi matin sur Le Lab , MMLP que Marion Maréchal-Le Pen.
Le locuteur gagne en rapidité, mais la personne dénommée gagne en légitimité.