C'EST PRESQUE DU MADE IN FRANCE - C'est une bien belle boulette présidentielle. Voulant vanter dans les colonnes de La Provence la compétitivité française et les qualités du porte-conteneurs "Jules Verne" qu'il inaugure ce mardi 4 juin à Marseille, François Hollande a salué un "bateau très performant, sans avoir besoin d'aller chercher un équipage étranger". Sauf que, comme le confirme l'armateur au Lab, même si le pavillon est bel et bien français, 18 des 26 hommes à bord sont...philippins.
Interrogé par Olivier Mazerolle qui lui demande pourquoi il va inaugurer le bateau d'un armateur privé, le chef de l'État répond :
Il s’agit d’un armateur Libanais venu s’établir en France, investir en France et recruter en France. Il a fait construire le bateau de tous les records : le plus grand porte-conteneurs mondial, naviguant sous pavillon français. Ce qui montre que notre pays est compétitif, qu’il peut présenter un bateau très performant, sans avoir besoin d’aller chercher un équipage étranger.
Problème ? C'est tout sauf vrai. Comme en atteste ce reportage diffusé dans le journal de 20heures de France 2 (à partir de 20 minutes 20 secondes), lundi 3 juin : "Combien sont-ils à travailler dans cette usine flottante ? Seulement 28. 8 Français et 20 Philippins. Deux groupes qui prennent leurs dîners séparément et qui occupent leur temps de manières très différentes."
L'un d'entre eux, un opérateur de maintenance philippin explique ainsi à la caméra de France 2 :
C'est considéré comme un bon job car on peut gagner pas mal d'argent ici. Jusquà 1.500 euros. C'est beaucoup pour les Philippines. Un euro, chez nous, c'est déjà énorme.
Sollicité par Le Lab, l'armateur, la CMA-CGM indique que l'équipage du gigantesque navire qui a fait escale ce mardi à Marseille est composé de 26 hommes. 8 Français. 18 Philippins.
L'entourage du chef de l'État, également contacté par Le Lab, assure qu'il ne s'agit nullement d'une boulette présidentielle :
Selon le droit maritime, l'équipage s'entend au sens des officiers chargés de faire tourner un bateau. Pour le droit maritime, c'est très clair.
Sauf que, selon les usages du droit maritime, jusqu'au plus officiel, l'équipage est composé des officiers, ici français, mais également des "personnels d'appui" (matelots, ouvriers, pompistes, électriciens), en l'occurrence philippins.
[Bonus track] Le discours qui efface la boulette.
Quelques minutes plus tard, lors du discours du chef de l'État devant le fameux bateau de la CMA-CGM, exit la formule "pas besoin d'aller chercher un équipage étranger", François Hollande préfère faire l'éloge du pavillon tricolore :
J'ajoute, mais ce n'est pas la moindre de mes remarques et de mes félicitations que le Jules Verne battra pavillon français et nous en éprouvons une légitime fierté. C'est un beau morceau de France qui sillonera les sept mers. Mais c'est également une preuve de notre compétitivité car le pavillon français est reconnu pour la rigueur de ses règles de sécurité, de sûreté, de protection environnementale mais aussi pour ses qualités économiques.