"Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir." Cette citation de Jean de La Fontaine connaît régulièrement de nouveaux succès parmi la classe politique française, comme à l'occasion de la décision condamnant mais dispensant de peine Christine Lagarde. Sans la citer expressément, c'est par le biais de cette réflexion que François Bayrou a attaqué François Fillon mardi 31 janvier, s'interrogeant sur l'existence d'une "loi pour les puissants".
En général, ces mots servent donc à dénoncer des situations jugées iniques, dans lesquelles des gens de pouvoir s'en sortent mieux que le commun des mortels. Mais il est tout à fait possible d'inverser le raisonnement.
C'est ce qu'a fait sans aucun souci Philippe Vigier, patron des députés UDI et porte-parole de François Fillon, sur BFMTV mardi. Réagissant à son tour au Penelope Gate, aka l'affaire des emplois fictifs présumés de l'épouse du candidat LR à la présidentielle, le député d'Eure-et-Loir a ainsi affirmé :
"Les puissants ne sont plus protégés, les politiques ne sont plus protégés. Pour Jérôme Cahuzac : 90 jours avant qu'on ouvre une enquête. Ici : 20 heures. Trois jours plus tard, il est auditionné. Le lendemain, perquisition. Et s'il faut encore fouiller des trucs cette semaine, tout ce qu'ils veulent !
Voilà, qu'ils fassent ce qu'ils ont à faire, ça permettra de dire si oui ou non il y a eu des choses, s'il y a eu des malversations ou pas. Je pense qu'il n'y en a pas, moi je lui fais confiance, je suis persuadé qu'il ne nous a pas menti.
"
Une saillie à revoir dans cette vidéo :
Philippe Vigier regrette donc que "les puissants" ne soient "plus protégés" en France aujourd'hui. Sous-entendu : ils l'étaient auparavant, et c'était mieux.
Ceux qui ne sont pas "puissants" apprécieront.
Au passage, il raconte un tout petit peu n'importe quoi sur la célérité de la justice dans cette affaire. Le parquet national financier (PNF) aurait été plus zélé sur le dossier Fillon que sur le dossier Cahuzac ? Il aurait difficilement pu en être autrement, puisque cette juridiction n'a été créée... qu'après les révélations sur le compte en Suisse de Jérôme Cahuzac, conçue comme une réponse à ce type d'affaires politico-judiciaires. Cette procédure et sa rapidité sont d'ailleurs devenues classiques pour les révélations médiatiques de cet ordre depuis l'affaire du ministre du Budget-fraudeur fiscal.
On notera également que François Fillon lui-même a souhaité que la justice soit le plus rapide possible le concernant, demandant à être promptement auditionné par le PNF afin de se défendre et d'apporter les "éléments" de preuve censés attester de sa bonne foi - et qui n'ont jusqu'à présent pas convaincu les enquêteurs.
Allez, pas de chichis : Philippe Vigier intègre donc illiconotre palmarès des pires éléments de défense avancés par les proches de François Fillon ces derniers jours.
[EDIT 14h50]
Au Lab, l'entourage de Philippe Vigier fait savoir que ce dernier s'est "mal fait comprendre". "Il voulait naturellement dire qu'il saluait le fait que la justice s'applique à tous de la même manière, et qu'il était normal que les personnalités publiques ne bénéficient d'aucun traitement de faveur. Nous regrettons que sa formulation ait pu laisser penser l'inverse", ajoute-t-on dans l’entourage du député d'Eure-et-Loir