Ces dernières années, certains parlementaires n’ont pas hésité à flirter avec les limites de la légalité pour trouver un écho dans l'opinion publique. Dernier exemple en date, la proposition très bordeline du député PRG de la Haute-Corse, Paul Giacobbi, qui, le 6 août 2013, a proposé de restreindre l’accès à la propriété foncière aux non résidents de l’île. Avant lui et pas plus tard que le 24 juillet dernier, le sénateur UDI de la Mayenne, Jean Arthuis avait signé un arrêté provisoire jugé "illégal" par les ministres de la Justice Christiane Taubira et de l’Intérieur Manuel Valls mettant fin à l’accueil des mineurs isolés étrangers.
Le Lab retrace jusqu’en 2004 la chronologie de ces signaux d’alarme envoyés pour attirer l'attention sur une situation.
6 août 2013. Dans une interview accordée au quotidien Corse Matin, le président du Conseil exécutif Paul Giacobbi estime qu’il "faut limiter l'accès à la propriété foncière pour les non résidents" pour enrayer une spéculation immobilière sur l’île de Beauté qui fait souvent les choux gras d’organisations mafieuses. Le délai pourrait être fixé à "cinq ans de résidence ou se fonder sur l'attachement familial à la Corse afin de ne pas pénaliser les Corses de l'extérieur". Et pour créer cette sorte de situation dérogatoire, Paul Giacobbi appelle à ce que la Constitution soit révisée.
(Photo Maxppp)
Cette position radicale et peu républicaine, et qui est davantage portée par les nationalistes, a été aussitôt condamnée par l’association pour la défense des droits de la Corse dans la République. Sa présidente, Marie-Dominique Roustan-Lanfranchi, qualifie le projet d’"anticonstitutionnel, contraire au droit de propriété, [et] qui bafoue l'égalité de tous devant la loi".
Une session spéciale sera prochainement programmée sur le sujet au sein de l'Assemblée de Corse.
24 juillet 2013. Le sénateur UDI et président du Conseil général de la Mayenne, Jean Arthuis, signe un arrêté mettant fin à l’accueil de mineurs étrangers. Tollé du gouvernement. La garde des Sceaux Christiane Taubira et son collègue de l'Intérieur Manuel Valls dénonce la décision "illégale" de l’ancien ministre centriste. "L'Etat ne saurait accepter de distinguer les mineurs en fonction de leur nationalité", ont-ils vivement réagi dans un communiqué, publié le 6 août.
(Photo Maxppp)
Quelques jours plus tard, le 8 août, Jean Arthuis annonce qu'il retirera l'arrêté après son rendez-vous à la chancellerie prévu "aux alentours du 20 août". "J'ai toujours dit que c'était un arrêté provisoire et qu'il visait à tirer un signal d'alarme", souligne-t-il, lui qui a espéré, dans un post de blog publié le 1er août que cet acte fasse des vagues. "Mineurs étrangers isolés : j’attends une réaction à mon coup de gueule", avait-il titré.
Jean Arthuis explique avoir voulu "tirer la sonnette d’alarme" après que les structures d’accueil de son département "sont arrivées à saturation".
1er février 2012. Le député de l'Essonne Nicolas Dupont-Aignan fait une opération commando au péage de Saint-Arnoult, dans les Yvelines. Aidé d’une poignée de militants, il ouvre les barrières aux automobilistes. Le candidat souverainiste aux élections présidentielles, qui porte l’écharpe tricolore, profite de la période de départs en vacances pour dénoncer la hausse des tarifs autoroutiers. Maire de Yerres, Nicolas Dupont-Aignan est également président du mouvement Debout la République. Il prône le rachat par l’Etat des autoroutes, après leur privatisation en 2006.
7 janvier 2011. Le collectif de lutte contre le mal-logement Jeudi noir squatte depuis le 27 décembre un immeuble (inoccupé depuis 2006 selon l’organisation) de l’avenue Matignon, à deux pas de l’Elysée, et c’est Karima Delli qui assure les visites des locaux. L’eurodéputée Europe Ecologie Les Verts (EELV) est rejointe par Eva Joly, elle-aussi eurodéputée et candidate écologiste aux élections présidentielles à l’époque. "On veut montrer qu'il y a des outils pour lutter contre le mal-logement", avait expliqué cette dernière.
(Karima Delli, en janvier 2013. Elle rendait visite aux militants des assoiations Droit au logement et Jeudi noir qui occupaient un immeuble vide à Paris. Photo Maxppp)
5 juin 2004. Noël Mamère, député-maire EELV, marie deux hommes dans sa mairie de Bègles, en Gironde. Une première qui, si elle a fait grand bruit, sera annulée en appel un an plus tard, soit huit ans avant l’adoption du mariage gay en France.
(Photo Maxppp)
"Tout a commencé en janvier [2004] : Sébastien Nouchet affirmait avoir été grièvement brûlé parce qu’il était homosexuel", racontait, en janvier 2013, Noël Mamère dans Libération. "Peu après, un Manifeste pour l’égalité des droits était rédigé, demandant l’ouverture du mariage civil aux homosexuels, avec une pétition qui a recueilli 3 000 signatures. Elle invitait les maires à marier. Je l’ai signée, comme Clémentine Autain et Christophe Girard, alors adjoints au maire de Paris. Mais très vite, Delanoë a mis son veto. Peu après, un jour où j’étais à Paris, on m’a appelé de Bègles pour me dire que deux gars s’étaient présentés à la mairie pour se marier. J’ai répondu : "On les marie !" J’étais solidaire de cette action. Je n’imaginais pas une seule seconde qu’elle prendrait cette ampleur. Ça a été le début du parcours du combattant. On était les pionniers.
Pour la célébration de cette union, Noël Mamère avait écopé d'un mois de suspension de son mandat de maire (photo de l'arrêté ci-dessus).
Jérémy Gabert