Quand Sarkozy utilise la voix de la grande muette

Publié à 13h02, le 09 avril 2012 , Modifié à 13h02, le 09 avril 2012

Quand Sarkozy utilise la voix de la grande muette
Le 28 novembre 2011, Nicolas Sarkozy est aux Invalides pour une cérémonie d'hommages aux soldats tués en Afghanistan. (Reuters)

La liste de diffusion de La France forte, le site de campagne de Nicolas Sarkozy a envoyé un courrier ce week-end invitant à diffuser une vidéo. Ces images, ce sont celles d'un clip saluant l'action des armées françaises. Mais pour Romain Pigenel, notre blogueur, membre de l'équipe de campagne de François Hollande, il s'agit d'un accaparement de la défense de l'armée et, surtout, d'une instrumentalisation de la mort des soldats.

  1. Malaise

    Ce week-end, un collègue blogueur m’a transmis le mail d’appel à l’action envoyé pour Pâques par le site de campagne de Nicolas Sarkozy à ses abonnés – une "mission" pour reprendre la phraséologie locale – au titre pour le moins étonnant : "Diffusez cette vidéo d’hommage à nos soldats".

    Après une citation martiale du président sortant ("Il n’y a pas un seul combat qui soit supérieur à celui qu’on mène pour son pays") et une courte présentation ne lésinant pas sur le pathos (en 5 lignes : "péril de leur vie", "grandes douleurs", "payer du prix de leur vie", "héros morts"), nous sommes invités à "diffuser massivement" sur Internet cette vidéo d’un "jeune militant". Je l’ai regardé. Étonnement. Sourire. Rire. Sourire crispé. Puis malaise, franc malaise.

    Est-ce à cause de ces plans répétés et complaisants sur les FAMAS, lance-roquettes et canons de tanks, sur l’entraînement façon Full Metal Jacket, comme un regard d’adolescent fasciné par la violence ?

    Est-ce à cause de l’envahissant fond sonore, de cette musique de synthétiseur assourdissante et grandiloquente, surplombée par la voix tonnante (avec écho !) de Sarkozy, façon conducator ?

    Est-ce à cause du mélange des genres dont le ridicule confine à l’obscène, entre publicité pour l’armée, épisode de "Confessions intimes" sur les familles de militaires, documentaire façon TF1 sur l’entraînement des forces spéciales et – bien sûr – propagande pro-Sarkozy ?

    Est-ce à cause de ces vrais visages de vrais militaires, et de leurs familles, de leurs enfants, volés pour une vidéo de campagne à la gloire d’un candidat ?

    Est-ce à cause de la confusion idéologique portée par ce montage vidéo, du double message de la voix off ("vous n’avez pas reculé", "vous êtes allés au bout de vous-mêmes"), initialement adressé à des militaires français dans le cadre de discours officiels du président à la Nation, et ici détournés pour illustrer les éléments de langage UMP sur les "valeurs" et le "courage" ? A cause de cette conclusion selon laquelle "les militaires [doivent] avoir une place privilégiée dans notre société et dans nos coeurs", après deux minutes de condensé d’imagerie testostéronée (le titre : "une armée de héros"), où les femmes n’apparaissent que comme mères et épouses ?

    Est-ce à cause de l’écart quelque peu sordide entre les promesses de l’équipe Sarkozy de ne pas instrumentaliser la mort de nos soldats, et ce brouet vidéo où les images de cercueils et de pancartes "merci Sarkozy" s’entrechoquent ?

    Est-ce parce qu’il n’y a peut-être rien de pire que de tenter de s’accaparer la défense de l’armée et de la patrie, pour sous-entendre que les autres partis n’en ont rien à faire, voire constituent une forme d’anti-France ?

    Est-ce pour toutes ces raisons à la fois ?

    Il est décidément grand temps que cette campagne se termine.

Du rab sur le Lab

PlusPlus