DO's and DON’Ts - La décision du Conseil constitutionnel de confirmer le rejet par la commission nationale des comptes de campagne de ceux de Nicolas Sarkozy est une mise en garde pour tous les futurs présidents-candidats. C’est ainsi que le constitutionnaliste Pascal Jan, contacté par le Lab, analyse la décision rendue par les Sages.
Quelles leçons retirer pour un président qui serait candidat à sa propre succession ?
>> Clarifier la distinction président-candidat
C’est l’argument de défense de l’UMP pour soutenir Nicolas Sarkozy : tous les frais imputés à Nicolas Sarkozy n’auraient pas du être imputés au candidat, mais au président. Une distinction subjective et ouverte à interprétation.
Pour Pascal Jan, professeur de droit public à l’IEP de Bordeaux, cette décision des Sages va obliger les futurs présidents-candidats à clarifier la distinction entre les deux rôles. "Le Conseil constitutionnel a sanctionné un mélange des genres", explique au Lab le juriste.
Concernant l’hypothèse de voir François Hollande postuler à sa succession en 2017, il précise :
Dès lors que l’on entrera dans l’année qui précède l’élection, il faudra qu’il établisse une distinction nette entre candidat et président.
En somme, qu’il annonce en amont de ses meetings et déplacements quel costume il endosse pour l’occasion. "Que soit clairement dit au nom de quoi vous agissez", complète le constitutionnaliste.
Ainsi, si le candidat parle, le parti et les adhérents peuvent être mobilisés. Si c’est le président, dans le cas d’un meeting ou d’un déplacement, ce doit être ouvert à tous.
>> Repousser l’entrée en campagne
C’est "l’effet induit" de la décision du Conseil constitutionnel, selon Pascal Jan : le président a tout intérêt à entrer le plus tard en campagne. Ou tout du moins à se déclarer le plus tard possible.
François Mitterrand en 1988, Jacques Chirac en 2002 ou encore Nicolas Sarkozy en 2012 ont connu ce dilemme de savoir jusqu’à quand repousser la déclaration officielle de candidature. Le risque étant d’être suspecté de mener campagne sans le dire.
Encore une fois, la décision des juges constitutionnels commande, selon le professeur, lors des prochaines échéances, à ce que le candidat concerné "clarifie" sa situation au plus tôt, et "ne mélange pas les genres".
Le Conseil dit clairement au futur candidat de faire la part des choses.
Tout le problème de Nicolas Sarkozy, qui n’avait pas assez cloisonné ses rôles.
>> Une responsabilisation des équipes de campagne
Dans le cas de Nicolas Sarkozy, selon Pascal Jan, le rejet de ses comptes "aurait pu être évité". "C’est une décision de responsabilisation des équipes de campagnes", affirme-t-il.
Ainsi, la faute n’incombe pas qu’au candidat mais bel et bien à l’ensemble des rouages de la machine de campagne du président sortant. A eux donc de faire en sorte de ne pas tomber dans ce mélange des genres. Le rapport 80/20 établi par le Conseil et critiqué, notamment par Henri Guaino, est la seule "interprétation" des Sages. Mais vaut désormais jurisprudence.
>> Un appel à la prudence
"Les juges tapent quand il n’y a pas de conséquences directes", estime encore Pascal Jan pour qui cette décision n’entraîne pas de "crise politique" en ne remettant pas en question les institutions. Seulement un parti.
Aussi cette décision est un "appel à la prudence" et "aux dépenses faramineuses". Et ce, même si les dépenses pour une campagne élyséenne sont plafonnés, afin d’éviter des excès à l’américaine où le plus fortuné des candidats bénéficie d’un avantage certain.
Enfin, opérer une claire distinction entre président et candidat et éviter des dépenses faramineuses doit également permettre, selon Pascal Jan, d’instaurer une plus stricte égalité entre tous les prétendants à l’Elysée. "C’est une décision très pédagogique", conclut-il.